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Edin Džeko, Italien première langue
Le temps n'a que peu d'emprise sur lui, mais Edin Džeko soufflera bientôt ses 36 bougies. Sept de plus qu’au moment de son arrivée en Italie. Depuis, le Bosnien a gagné quelques rides et une Supercoppa, mais surtout un immense respect, à force d’empiler les buts et d’enchaîner les efforts. Dans le pays dont il rêvait depuis gamin, qui plus est.
Edin Džeko n’était évidemment pas né le 20 juin 1863 lorsque le premier consulat d’Italie s’est ouvert à Sarajevo et il n’est a priori pour rien dans le fait que l’Italie soit le deuxième partenaire commercial de la Bosnie-Herzégovine. Mais l’attaquant des Zmajevi contribue à sa manière au rayonnement de son pays. Au point qu’il pourrait presque prétendre au rôle de premier ambassadeur de l’État balkanique dans la Botte aujourd’hui. Dans l’ombre de Sergio Agüero à Manchester City, Džeko a obtenu le statut de numéro 1 qu’il convoitait en rejoignant en 2016 la Serie A. Entré au panthéon de la Roma, le buteur s’est transformé cet été en arme fatale de l’Inter. Une symbiose exceptionnelle avec l’Italie que l’on résumera par une banalité : dans la Botte, le Bosnien a trouvé chaussure à son pied.
Vivo per lei
Avant même de savoir qu’il serait footballeur professionnel, Edin Džeko éprouvait déjà une certaine attirance pour le pays de Francesco Totti. À peine âgé d’une quinzaine d’années, il se rend en Italie pour disputer un tournoi du côté de Ferrara. Hasard du destin, ou pas, la bande de gamins dont il fait partie s’arrête pour acheter des souvenirs. « Je ne me souviens pas bien de tous les détails, mais j’ai acheté une écharpe de la Roma », déclarait-il lors d’une session questions-réponses avec les fans de la Louve. Encore durant sa jeunesse, alors qu’il évolue sous les couleurs du club de sa ville, le Željezničar Sarajevo, son entraîneur de l’époque ose une comparaison plutôt audacieuse. « L’un de mes coachs m’appelait Shevchenko, juste à cause de ma ressemblance physique. Et j’aimais ça, révèle-t-il dans une confession publiée sur The Players’ Tribune. Pour moi, à cette époque, la Serie A était le niveau ultime. Dans les années 1990, il y avait tellement de grands joueurs en Italie, et j’aimais vraiment Shevchenko en particulier. Il était mon héros. » Il aura d’ailleurs la chance de le croiser un soir de décembre 2008, à San Siro. « Avant le match, je suis allé le voir dans le tunnel et je lui ai directement demandé si nous pouvions échanger nos maillots à la fin du match. Il m’a dit :« Oui, pas de problème. »Je suppose qu’il a dû voir tout le respect que j’avais pour lui puisqu’il me l’a donné à la mi-temps. Il n’a même pas attendu la fin du match. Je me rappellerai toujours ce moment », raconte le Bosnien.
Il faudra attendre encore huit ans pour que celui qui a entre-temps rejoint Manchester City ne vienne à son tour marquer la Botte de son empreinte. Le 12 août 2016, Edin Džeko s’engage officiellement avec la Roma. Une idylle déjà entamée depuis six jours. Tout juste arrivé à l’aéroport de Fiumicino avec, évidemment, l’écharpe giallorossa autour du cou, le géant est accueilli par pas moins de 3000 Romanisti.
#ASRoma fans await the arrival of Edin #Džeko at the airport pic.twitter.com/f2Zlu1NiqL
— AS Roma English (@ASRomaEN) August 6, 2015
L’histoire d’amour aurait pu s’arrêter au bout de dix-huit mois. En janvier 2018, son transfert vers Chelsea semble bouclé. Finalement, la transaction ne se concrétise pas. Pour le plus grand bonheur de Džeko, comme un poisson dans l’eau dans la Ville éternelle, où ses deux enfants sont nés. « C’est ma maison, je l’ai toujours dit et c’est vraiment ce que je ressens. Ma famille aussi, confiait-il en 2019 après sa prolongation de contrat. Mes coéquipiers ne sont pas juste des coéquipiers : nous sommes amis, frères… Ils étaient toujours sur mon dos :« Tu ne vas nulle part, tu restes ici ! »Florenzi affirmait :« Si tu prolonges, je te donne le brassard ! »Quand j’ai signé, il m’a dit : « Il est à toi ! » » Le capitano est quasiment considéré comme italiano. À Sarajevo, on le retrouve même sur les murs d’une pizzeria. Signe que Džeko et l’Italie, c’est désormais pour la vie.
Sarà perché ti amo
Sportivement, le Diamant de Sarajevo a connu des hauts comme des bas. Son manque d’efficacité lui a valu d’être appelé « Edin Cieco » (l’aveugle) lors de sa première année, et sa brouille avec Paulo Fonseca lui a coûté du temps de jeu ainsi que le brassard de capitaine. Contre vents et marées, Džeko s’est néanmoins affirmé comme le fer de lance de l’attaque romaine pendant six ans. Ses 119 réalisations lui ont même permis de se faire une place sur le podium des meilleurs buteurs de l’histoire de la Louve (dont 39 rien que pendant l’exercice 2016-2017). Vincenzo Montella, Pedro Manfredini et Amedeo Amadei sont tous dans le rétro. Devant lui, seuls Roberto Pruzzo (138) et Francesco Totti (307). En revanche, Džeko est bien le numéro 1 du club romain sur la scène européenne (32 buts, contre 28 pour Totti).
Dans le lot, un doublé mémorable contre Chelsea en octobre 2017 et deux buts lors de la double confrontation historique contre le Barça, achevée par la « Romantada » . Bis repetita face à Liverpool, lorsque les Giallorossi avaient échoué d’un rien dans leur quête de finale. Les Romanisti le portent encore dans leur cœur, comme l’a rappelé la banderole « 119 fois merci Edin » déployée pour son retour à l’Olimpico. Et réciproquement, puisque le néo-intériste joue encore avec des protège-tibias aux couleurs de la Roma. En décembre, il était aussi dans les tribunes du Gewiss Stadium de Bergame pour assister au succès de ses anciens coéquipiers contre l’Atalanta.
« C’est un joueur complet et plus il vieillit, meilleur il est ! Au-delà de ça, il a cette panoplie de leader qui emmène tout le monde avec lui, très respecté et très charismatique, loue Sanjin Prcić, qui l’a côtoyé en sélection. C’est quelqu’un de très bienveillant, toujours au service du collectif. Franchement, c’est la classe. » Et la classe, ça parle aux Italiens. Son arrivée en Lombardie n’a pas vraiment altéré son rendement, puisque le géant est statistiquement le Nerazzurro le plus décisif cette saison avec 14 buts et 6 passes décisives. Parmi ses victimes, l’Atalanta, la Juve, Naples et… la Roma, contre laquelle il a déjà marqué deux fois. Remplacer Romelu Lukaku n’était pas chose aisée, mais l’enfant de Sarajevo remplit jusque-là parfaitement sa part du contrat. Milan et l’Italie ont définitivement succombé aux charmes du canonnier. Sur ce point-là, Džeko est déjà à la hauteur de son idole Shevchenko. Même si ce n’est pas sous le maillot rossonero.
Par Quentin Ballue et Florian Porta
Propos de Prcić recueillis par FP.