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  • 20 ans de la mort de Zoltán Czibor

Czibor cadre

Par Joël Le Pavous
5 minutes
Czibor cadre

Rival de Puskás dans L’Équipe d’Or hongroise des années 1950, le numéro onze fantasque du Honvéd, un temps espion médiocre du KGB magyar et tenancier de bar, aimait défier l’autorité et rendre chèvre les latéraux adverses effacés en un sprint digne d’un Michael Johnson. Toujours côté gauche.

L’affaire semblait pliée dès la huitième minute grâce à sa filouterie. En ce 4 juillet 1954, Zoltán Czibor profite d’une mésentente dans la défense teutonne, subtilise le ballon glissant des mains du portier Toni Turek après une passe en retrait loupée de Kohlmeyer et permet à la Hongrie de mener 2-0 face à la RFA qu’elle avait écrasé 8-3 en poules. La suite du miracle de Berne est connue : égalisation allemande inespérée, puis but victorieux de Rahn privant les Magiques Magyars du Mondial qui leur était promis. Puskás, Hidegkuti, Kocsis, Bozsik, Czibor et coach Sebes regagnent Budapest bredouille, inconsolables.

Dans le Onze d’or, Czibor le natif de Kaposvár était la Flèche, le Fou, le feu follet dégoûtant les latéraux sur son aile gauche chérie, histoire de lancer le Major Puskás à l’assaut des filets ou de cibler le crâne doré de Kocsis. Un concentré d’énergie également dix-sept fois buteur en 43 capes dont une frappe millimétrée trompant Roque Máspoli contre l’Uruguay lors de la demi-finale précédant la douche froide. Son gabarit à la Messi (1,69m) l’a emmené jusqu’au Barça avec Kocsis et Kubala, des mecs ayant fui comme lui les chars de Moscou matant l’insurrection antisoviétique magyare de 1956.

« Après le Mondial 54, L’Équipe a composé un onze type réunissant six Hongrois dont Czibor sur l’aile gauche. Il était l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur profil de l’époque à ce poste-là selon l’ensemble des observateurs avisés. Si on devait le comparer à des joueurs aujourd’hui en activité, on pourrait dire qu’il incarnait le Bale, le Hazard, le Robben d’antan ou n’importe quel autre ailier offensif de classe internationale auquel vous songez » , précise un portrait de Player.hu consacré à l’ancien conducteur de locomotive révélé chez les cheminots du Komáromi MÁV au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Agent Péter Sztonajovits

Propulsé à 19 balais seulement au Ferencváros en 1948, il enrichit le quatuor offensif Budai-Kocsis-Deák-Mészáros et inscrit quinze pions sur les 140 des Vert et Blanc sacrés champions haut la main. S’ensuit un baptême du feu remarqué sous le maillot magyar le 8 mai 1949 contre le rival autrichien étrillé 6-1 dans le vieux Megyeri Úti Stadion d’Újpest, puis la première des nombreuses insubordinations du Rebelle. Signant chez les aciéristes du Csepeli Vasas en 1951, il évite la conscription et les foudres du régime Rákosi n’osant pas sanctionner un type choisissant une équipe de travailleurs.

Rattrapé par la patrouille en 1953, Czibor sollicite l’aide de la police politique (ÁVH) et se retrouve chez les fileurs du MTK où il fait tapisserie jusqu’à ce que l’un des pontes de l’autorité apprenne l’affaire. Mihály Farkas le transfère illico au Honvéd où le déjà médaillé d’or d’Helsinki et pilier du Onze d’or gagne une coupe Internationale avec les A (1953), participe à l’humiliation des Three Lions à Wembley, roule deux fois sur la D1 magyare (54, 55) et surtout, devient agent secret de la République populaire. Mission principale de Péter Sztonajovits ? Surveiller de près Puskás, accusé de rouler pour les Yankees.

« Czibor n’appréciait guère Puskás et c’est sans doute pourquoi les autorités lui ont confié cette tâche. Le régime le tenait sous sa coupe vu ses multiples commentaires très critiques sur le système Rákosi. Malgré ce chantage à peine voilé, Czibor n’a livré aucune information compromettante sur son capitaine. Et fin octobre 1956, quand Budapest se souleva contre les soviétiques, il fut l’unique membre de L’Équipe d’Or à patrouiller arme à la main du côté des insurgés. Naturellement, il n’est pas rentré en Hongrie après la tournée sud-américaine du Honvéd » , racontait en 2015 le quotidien Napi Gazdaság.

« Jambes de chiffon »

Réfugié à Vienne, Czibor signe à la Roma par l’intermédiaire de György Sárosi, ancien finisseur magyar d’après-guerre de Bari (1948-1950), de la Juve (1951-1953) et du Genoa (1953-1955). Mais la Louve déchire le contrat sur ordre de la fédé hongroise et de la FIFA interdisant les signatures à l’étranger des joueurs du Honvéd hors la loi. Kubala vint alors à sa rescousse, paya ses dettes et lui permit de devenir catalan. Un exil culé à quatre millions de pesetas (100 000 dollars) auréolé d’une Liga 1959, de deux Coupes des villes de foire (1958 et 60) et d’une intense finale malheureuse de C1 (1961) contre le Benfica de Béla Guttmann qu’il illumine d’une somptueuse demi-volée aux 20 mètres, l’un de ses chefs-d’œuvre.

La réussite du Rebelle irritait les caciques communistes magyars et le commentateur-star de l’époque. « György Szepesi écrivait en 1957 que le sport hongrois se renouvelle enfin, car lesprime donneà la Czibor avaient quitté le pays. Quatre ans plus tard, ni le nom de Kocsis ni le sien ne figuraient dans l’article duNemzeti Sporttraitant de la finale contre Benfica. Czibor détestait la police secrète et fut un barbouze inutile en dépit des pressions subies. Il voulait enchaîner les victoires avec la sélection pour que ses compatriotes oublient la torpeur et a perdu les deux matchs les plus importants de sa carrière 3-2 à Berne. Bohême, barjot et génie : Czibor était une étoile magyare » , détaille le site PestiSrácok.hu.

Poussé vers l’Espanyol au bout de trois saisons, le Magyar aux cannes fatiguées pigea ensuite mollement au FC Bâle, à l’Austria Vienne et à Toronto, vidé de sa précieuse vivacité qui le caractérisait. Il n’eut pas de belle rencontre d’adieu comme Puskás et Kocsis, se fâcha avec sa femme et ses deux enfants après un divorce compliqué et dut vendre son bistrot barcelonais baptisé « Le Danube Bleu » . Rentré en Hongrie après la chute du « communisme du goulash » , il reprit en main son club formateur de Komárom jusqu’à ce qu’un cancer l’emporte le 1er septembre 1997. Vingt ans après sa mort, les gamins imitent les sprints rageurs de « Jambes de Chiffon » sur la pelouse du complexe sportif Czibor.

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Par Joël Le Pavous

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