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Claude Puel, l’illusionniste

Par Ugo Bocchi et Théo Denmat
Claude Puel, l’illusionniste

Que savons-nous réellement de cet homme ? Pas grand-chose. Si ce n'est ce qu'il veut bien laisser paraître. Claude Puel est une personne de conviction, un athlète, un gagneur, mais difficile d'aller au-delà de la façade. Et voici pourquoi…

Cris n’en revient pas. Juninho non plus. Fred, Réveillère, Fabio Santos et Jean II Makoun sont aussi sur les rotules, comme presque tous les autres. En cette matinée du 1er juillet 2008, Claude Puel dirige son second entraînement en tant que coach de l’Olympique lyonnais. Pour tester les forces physiques en présence, le bonhomme a décidé d’organiser une séance autour de l’exercice de Léger-Boucher sur la piste d’athlétisme non loin de la pelouse du stade Gerland. Le Léger-Boucher, c’est ce fameux test « des bips » qui détermine les groupes d’endurance et fait cauchemarder les étudiants : un plot tous les 50m, un pied à hauteur de la marque au moment de l’avertisseur sonore. Le but : finir à terre. Rien de plus simple, on ne bat pas le Luc-Léger. Ce matin-là, 24 joueurs participent à la torture. Les premiers tours de piste ne constituent qu’un échauffement, et doucement, le rythme s’accélère. Les plus vieux craquent en premier, comme autant de « dinosaures » – ceux que Jean-Michel Aulas fustigera des années plus tard – à qui l’on aurait demandé de courir plus vite que la météorite pour éviter l’extinction. Les plus jeunes tombent ensuite, les uns après les autres. Mais au milieu de ce chaos de l’Ère secondaire subsiste un vieux brachiosaure. Plus que de survivre, il est en train de mettre à terre une palanquée de raptors qui le regardent courir de leurs yeux ronds. L’air de rien, Claude Puel, à 46 ans, est un monstre physique. Un magicien ? Pas vraiment. Non, juste un homme qui connaît la force de la surprise. L’avantage de l’illusion. L’un des rares entraîneurs à pouvoir se mettre au même niveau physique que ses joueurs : « C’est un challenge pour lui » , décrypte son adjoint à Lille, Laurent Roussey. « Par le verbe, par l’agressivité qu’il déploie, ça met une certaine pression sur les joueurs. Certains peuvent en rigoler, mais d’autres, ça leur met la pression. »

À Monaco, il attaquait les tibias

Tout, ou presque, a déjà été écrit sur Claude Puel. Sa folie tactique, son caractère taciturne, les relations conflictuelles avec certains de ses poulains, son exigence de tous les instants, son désir de contrôle absolu, son engagement physique à l’entraînement, son accent du Sud-Est. Le fait est que dans le football, le Français est assimilable à un Felix Magath. Partout où Claude est passé, le football a progressé, l’humain, pas toujours. À chaque fois plus d’engagement, de combinaisons, d’œil technique, mais aussi de secrets : « Il maîtrise parfaitement tout ce qui fait partie de l’illusion, explique Roussey. Quand on est entraîneur, tout est illusion, chaque match a une vérité différente, tout est toujours remis en cause. Lui, il reste dans sa logique. Il est très précautionneux par rapport aux louanges que l’équipe peut recevoir, parce qu’il sait que ça peut changer très vite. » Il est ce taiseux à la voix légèrement grinçante, ce vieux sage de la Ligue 1 qui constate avec détachement la starification des bancs du championnat, jugeant sans en piper mot le concours de celui qui aura le plus de séquences dans le J+1 du week-end.

Car avant d’être entraîneur-joueur, Claude Puel a fait partie de la caste des joueurs-entraîneurs. Marcel Dib, son compère du milieu de terrain lorsque les deux hommes jouaient à Monaco entre 1985 et 1993, se souvient que derrière le petit homme, il y a un mental inébranlable : « Claude, il voulait tout le temps gagner, que ce soit dans les jeux à l’entraînement, les ateliers, les séances, les matchs amicaux. Il avait ce côté organisation tactique, ce rôle à la Didier Deschamps : chacun dans sa zone, il ne faut pas se disperser… Il prenait la parole dans le vestiaire, il criait souvent. Il était juste, rigoureux, même dans la vie ! Il ne débordait pas, dans tout ce qu’il faisait. » Chaque année, le pugnace part remplaçant. Mais chaque année, il finit titulaire dans l’entrejeu, comme par magie : « Un joueur comme Claude, c’est de l’or » , dit un jour le coach Arsène Wenger de son combattant. Difficile de ne pas faire jouer un homme qui est à fond. Toujours, tout le temps. « Il ne fallait pas trop l’emmerder sur le terrain, parce qu’il se battait assez facilement, explique Dib, et j’en ai vu quelques-unes des disputes… Il jouait méchant à l’entraînement, il mettait des coups à Bellone, à Amoros, à Bravo, un peu à tout le monde. Avec Lucien Müller, ça arrivait souvent, parce qu’il lui donnait carte blanche, il s’en foutait. Claude, ça l’arrangeait, il jouait dur ! »

« Très sincèrement, je ne l’ai jamais vu contrarié »

Sur le Rocher, son professionnalisme étonne autant qu’il révolutionne : sorties, alimentation, rien n’est laissé au hasard avant même l’arrivée d’un Wenger qui démocratise ses habitudes. Marcel Dib : « Il était sec, avait une hygiène de vie hors du commun. Il faisait gaffe à ce qu’il bouffait. Je ne l’ai vu boire que du vin rouge, du Bordeaux, alors que nous, on ne faisait pas trop attention (rires). C’est Wenger qui a amené son savoir et on a tous pris le pli, mais Claude l’avait déjà fait avant. » Aujourd’hui, pas question de déconner sur le pré avec ce clown triste : « Il aime avoir le contrôle, explique son ami Laurent Roussey. À Lyon, c’était une institution. C’était plus dur qu’à Lille, car le club était en construction, beaucoup de joueurs venaient pour se refaire une santé, un statut. À Lyon, les joueurs avaient déjà ce statut. À Nice, il faut recréer quelque chose. » Un homme de fondations. Un homme de bases. Mais un homme qui n’aime pas trop se dévoiler. « Quand il gagne ? Son visage change un peu. Mais il ne va pas non plus être démonstratif, c’est surtout un plaisir intérieur, qu’il va partager avec ses proches. Et là, c’est un autre homme, c’est aussi quelqu’un de marrant, il va déconner. Pareil dans la défaite : il ne montre pas grand-chose. À côté du foot, on a une relation tout autre, on a une vie que tout le monde imagine, des restaurants entre amis, des soirées, ne vous inquiétez pas pour lui. Il a une vie normale. » Et même si sa vie privée n’a rien de très extravagante, ce n’est pas une raison pour l’étaler sur la scène publique.

D’ailleurs, peut-être que l’entraîneur Puel, à l’instar de sa carrière de joueur de Monaco, où il est resté 26 années comme joueur puis préparateur physique, s’imaginait cultiver une relation paisible et longue durée avec le club de son choix. À Lille, il reçoit d’ailleurs un jour de 2004 une proposition du FC Porto pour succéder à José Mourinho. D’un revers de main, il la rejette. Laurent Roussey : « C’est un homme de valeurs, qu’on aime ou pas. À l’époque, on se focalisait surtout sur Lille, on voyait grand pour le LOSC. C’est juste une proposition qui lui a effleuré l’esprit. » Avant de partir pour l’OL. L’illusion de la performance en tête : gagnez, et tout vous sera pardonné. Perdez, et vous serez vilipendé : « Si vous me dites qu’un joueur veut une liberté totale sur le terrain, c’est clair qu’avec Claude, il aura des difficultés, explique Roussey, il sait que le travail, l’équipe, la vie commune sont importants. Il peut y avoir des individualités, mais elles doivent toujours être au service du collectif. Il a cette qualité de pouvoir faire la part des choses. »

Le maître du jeu

Il pousse la conviction jusqu’au bout, quitte parfois à paraître froid auprès du public. « Il est dans son trip, investissement total. Qui l’aime le suive, mais il ne va pas se formaliser si des gens ne pensent pas comme lui. Très sincèrement, je ne l’ai jamais vu contrarié. Après sept défaites au LOSC, c’était une période délicate, on a gardé notre ligne directrice, et sans broncher, la tendance s’est inversé. En général, les présidents n’aiment pas ça, mais il possède des certitudes. » Des certitudes qui ont mené Nice à claquer Bordeaux 6-1, à faire de Darío Cvitanich l’un des meilleurs buteurs du championnat, à entraîner l’exil de Grégoire Puel vers Le Havre… Non, on ne peut pas tout réussir. Comme sa carrière en équipe de France. Dib se souvient : « À l’époque, je crois que c’était le recordman des sélections espoirs. On le branchait : « Oh t’es con, t’as fait sauter la banque en Espoirs, t’as le plus de matchs en Ligue 1 et t’es jamais sélectionné. » » Lui en riait, avant de lâcher un tacle appuyé. Le teigneux derrière le taiseux. Un homme qui cache bien son jeu. Un maître des illusions, déjà, à l’époque.

Par Ugo Bocchi et Théo Denmat

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