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« C’est impossible de ne pas aimer Bielsa »

Propos recueillis par Antonio Moschella
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« C’est impossible de ne pas aimer Bielsa »

Un rendez-vous avec Javier Zanetti est un privilège. L’ex-numéro 4 et actuel vice-président de l’Inter est tranquille dans son bureau, et il sourit avec sa tête de jeune mec qui ne connaît pas le poids du temps. À la moitié de l'interview, il se lève et prend un petit snack au chocolat, parce qu'il mange toujours quelque chose à la mi-matinée, même s'il admet qu'il doit encore amener le mate sur son bureau. Jolie réunion avec un Argentin très ponctuel qui, au premier rendez-vous avec son actuelle femme, était parti après avoir attendu trois quarts d’heure…

Où l’as-tu attendu autant de temps au fait ?C’était devant la gare de Remedios de Escalada, l’endroit où Paula (sa femme) était née et où elle vivait, à côté du stade de Talleres, où je jouais à l’époque.

En revanche, maintenant vous êtes mariés. Est-ce que le fait que ta femme soit aussi une sportive (elle jouait au basket) t’a aidé dans ta carrière de footballeur ?
Bien sûr. On s’est connus quand j’avais 19 ans et elle 14, donc on a grandi ensemble en tant que sportifs. Elle comprenait bien ce que je ressentais, et ça a été fondamental dans mon développement.

Au fait, ça fait déjà plus de vingt ans que vous habitez en Italie, et t’es tellement intégré dans la réalité italienne que tu manges des pâtes deux fois par jour…Oui, ici, c’est un deuxième chez moi, quoi. Les pâtes, c’est trop bon ! J’ai la chance que mon métabolisme ne me fasse pas grossir, et je continue à m’entraîner, car j’aime le faire et ça me fait du bien.

En revanche, ici, la viande n’est pas la même qu’en Argentine. C’est quoi ton morceau de bidoche favori ?La tira (morceau de côte de bœuf en longues tranches). On avait pris l’habitude, ici, de se faire plein de barbecues avec mes coéquipiers argentins. Walter Samuel était le cuisinier, le grand chef de la parrilla.

Diego Simeone à la tête de la sélection nationale ? Évidemment, mais pas maintenant. Mais dans le futur, pourquoi pas, ça serait quelque chose de mérité pour lui.

Qu’est-ce qui te manque le plus de l’Argentine ?Heureusement, le dulce de leche est en train d’arriver, mais les alfajores (biscuits au chocolat avec du dulce de leche), c’est compliqué de les trouver. En revanche, en Espagne, c’est facile. Il y a une boulangerie argentine, juste en face de la Ciudad Deportiva de l’Atlético Madrid, qui a tout ce qui me manque de l’Argentine, mais ici en Italie, on n’en trouve pas, et je ne sais pas si ça marcherait.

En parlant de l’Atlético Madrid, je pense à Diego Pablo Simeone. Il était comment en tant que joueur ?Extraordinaire. Je savais déjà qu’il deviendrait entraîneur. Il a une personnalité énorme, qu’il transmet à ses joueurs. Ce qu’il est en train de faire en ce moment à l’Atlético est simplement extraordinaire !

Tu le vois un jour sur le banc de l’équipe nationale de l’Argentine ?Évidemment. Pas maintenant, mais dans le futur, pourquoi pas, ça serait quelque chose de mérité pour lui.

Messi, Bielsa et toi avez un point un commun en tant qu’Argentins : vous n’avez pas gagné un titre avec la sélection nationale (sauf les Olympiques). Est-ce que c’est plus dur de gagner des trophées avec l’équipe nationale qu’avec son club ?C’est vrai qu’on a été toujours très proches de la victoire et, pour une raison ou une autre, on n’a pas réussi à gagner. Je n’oublierai jamais la finale de la Copa América 2004, une compétition qu’on avait dominée. On a mieux joué que le Brésil, et, à 10 secondes du coup de sifflet final, Adriano égalise et on perd aux penalties. Parfois, ça arrive, mais l’important, c’est de faire de ton mieux et de respecter le maillot de la sélection.

Dans une conférence de presse de mai 2015, Marcelo Bielsa a dit qu’il préférait avoir gagné le respect des supporters des clubs plutôt que les titres. Tu crois que le football a une dette envers Bielsa ?Marcelo Bielsa a apporté beaucoup au football argentin, mais malheureusement on ne retient que les succès. Je n’ai jamais analysé le travail de quelqu’un par rapport à la victoire ou la défaite, et je crois que Bielsa a fait un énorme boulot avec l’équipe nationale d’Argentine. Tout le monde a reconnu ça au moment où il est parti entraîner le Chili, équipe qui, avec lui, a beaucoup grandi. La grande habileté de Bielsa, c’est de te faire arriver à 100% de tes possibilités, et tous les entraîneurs ne sont pas capables de le faire. C’est impossible de ne pas aimer Bielsa : il est transparent, compétent, il donne sa vie entière pour le foot et surtout, il est très respectueux.

Qu’est-ce qu’on peut dire à Messi, un mec qui a gagné cinq Ballons d’or, quatre Ligues des champions, et marqué 97 buts en un an ? Il n’est pas obligé de gagner un titre avec la sélection pour consacrer son talent.

Est-ce que Bielsa a été ton meilleur entraîneur au niveau tactique ?Il préparait les matchs parfaitement, il connaissait tout sur les adversaires. Mais Mourinho aussi était quelqu’un de toujours prêt et compétent dans ce contexte.

En revanche, Mourinho a gagné pas mal de titres…Oui, mais ça dépend aussi de comment tu regardes le football. Le succès et l’échec, ça arrive dans un sport comme le foot, où il n’y en a qu’un qui gagne à la fin.

Toujours en parlant de l’Argentine, Messi aussi n’a rien gagné avec l’Albiceleste. Peut-être que les comparaisons avec Maradona ont affecté ses performances ?
Je ne comprends pas franchement… Il doit faire quoi encore, Messi, pour démontrer son amour pour le maillot de l’Argentine ? Premièrement, il ne faut pas les comparer, parce qu’il s’agit de deux joueurs différents, dans deux époques différentes. Je crois que ce que Diego a fait était unique, et ce que Messi est en train de faire est unique aussi. Mais qu’est-ce qu’on peut dire à Messi, un mec qui a gagné cinq Ballons d’or, quatre Ligues des champions, et a marqué 97 buts en un an ? Il n’est pas obligé de gagner un titre pour consacrer son talent. Parfois, on oublie ce qu’il a fait dans le monde entier. Messi est un ambassadeur de l’Argentine, et moi je suis fier de ça en tant qu’Argentin.

Dans ton livre, tu as dit que Ronaldo (Luiz Nazario de Lima) était l’attaquant le plus dur à marquer pendant les entraînements. Plus dur que Messi ?Je dis Ronaldo, car je devais le marquer tous les jours, mais évidemment Messi aussi est très difficile à marquer.

Je n’ai pas marqué beaucoup de buts, mais je n’oublierai jamais ce moment-là, contre l’Angleterre évidemment, pour l’importance de l’adversaire.

Est-ce que Ronaldo a été le meilleur numéro 9 de l’histoire du football ?Je crois que oui. La première année de Ronaldo à l’Inter (1997-98) était tout à fait incroyable. Il s’est immédiatement adapté au football italien, qui à l’époque était le plus difficile du monde. Il avait une qualité et une puissance impressionnante. On avait une très bonne relation, on continue à parler de temps en temps, et on se voit pendant quelques événements internationaux. C’est vraiment dommage pour le foot, ces deux graves blessures qu’il a eues !

Le foot parfois est injuste. Si on pense à l’Argentine de 2002 de Bielsa, avec une équipe superbe qui avait tout cassé dans les éliminatoires, elle a fini par se faire éliminer en poules…Ça, je ne sais pas comment l’expliquer. Si tu penses aussi à la façon dont on a été éliminés, contre la Suède en faisant match nul… C’était un match qu’on aurait pu gagner 5-1, mais le foot, c’est ça aussi, des fois c’est inexplicable…

Tu as joué plus de 1000 matchs entre l’Inter et l’Argentine, mais tu n’as pas marqué souvent. En revanche, durant ta première Coupe du monde, tu avais marqué dans un match toujours spécial, contre l’Angleterre, comme Maradona, et avec ton pied gauche, le moins bon…Je n’ai pas marqué beaucoup de buts, mais je n’oublierai jamais ce moment-là, évidemment pour l’importance de l’adversaire. C’était une action travaillée qui s’est parfaitement exécutée : je savais que j’allais recevoir le ballon, je l’ai tellement bien contrôlé que j’étais obligé de frapper avec mon pied gauche, et j’ai marqué un beau but, plus beau que ce que je n’aurais jamais imaginé. Je n’en croyais pas mes yeux, quoi…

Tu te sens privilégié d’avoir pu jouer jusqu’à 40 ans ?Oui, bien sûr. J’ai eu la chance que mon corps m’ait toujours suivi dans l’effort, mais je t’assure que sans le travail de tous les jours, c’est impossible d’être un grand joueur. Même les plus grands talents ont besoin de l’entraînement pour réussir dans le football.

Propos recueillis par Antonio Moschella

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