Cantona : «Pourquoi Pagis n’a jamais joué chez les Bleus?»

En février, vous tournez un téléfilm qui sera diffusé sur TF1 (“La liste”). Vous y jouerez le rôle de Romain Lombardi, un inspecteur de la brigade des stup’. C’est la deuxième fois que vous vous trouvez dans la peau d’un flic (la première fois étant dans un autre téléfilm, “Papillon noir”, en 2007). Quand vous étiez petit, vous étiez plutôt policier ou voleur ? J’étais un peu tout à la fois. Ni vraiment voleur ni vraiment policier… Pas voleur en tout cas… Et puis, le policier, il ne recherche pas que les voleurs, hein. Il y a des gens très normaux qui sont recherchés par les policiers (sic).

Entre le cinéma, la peinture, la sculpture et le beach soccer, vous avez réussi à faire un choix ? Je jongle avec tout ça. Ce sont des supports différents qui ont le même but : créer quelque chose. Le beach soccer, c’est un sport nouveau qu’on essaie de développer. J’essaie d’occuper ce poste d’entraîneur comme un artiste et un créateur, en inventant un système de jeu. J’ai toujours envie de créer de nouvelles choses, en utilisant différents supports tous les jours. Moi, je vis dans ce monde-là, et ce qui est important pour moi, c’est la création.

Vous craignez l’ennui ? Créer est une façon de combler un certain vide. Il y a des gens qui ont souvent peur du vide. Je ne vais pas faire de psychanalyse de comptoir, mais en tout cas, c’est le besoin que j’ai aujourd’hui. J’ai besoin de créer, toujours, toujours, toujours…

La dernière fois que votre nom a été associé au monde du football, c’était à l’époque où la France s’interrogeait sur un potentiel successeur à Raymond Domenech. Si les gens parlent, il faut les laisser s’exprimer. Moi, je ne demande absolument rien. Je ne suis intéressé par rien. J’ai ma vie et je suis très heureux comme ça.

Mais si vous étiez sélectionneur, quel aurait été… Et moi, si je vous pose cette question, ça vous fait quoi. Si je vous disais « Est-ce que vous vous verriez, un jour, sélectionneur de l’équipe de France de football » , ça vous ferait quoi ?

J’en ai peut-être rêvé quand j’étais petit. C’est vrai ? Moi, je n’rêve plus. Depuis longtemps. Enfin il y a beaucoup de choses qui me font rêver, mais celle-ci n’en fait pas partie. Ça peut être très intéressant, mais ça ne m’intéresse pas.

Et si on vous demande, dans un film, de jouer le rôle d’un sélectionneur ? Ah mais je ne jouerai pas le rôle d’un sélectionneur. Quel que soit le casting…

Qu’est-ce qui vous fait encore vibrer dans le football ? Il y a des entraîneurs comme Ferguson ou comme Guardiola que j’aime beaucoup. Il y a des équipes comme Manchester ou Barcelone que j’apprécie… Ce que je me dis, c’est que le travail qu’a fait Cruyff il y a une vingtaine d’années – dans les années 90 – avec Barcelone se ressent sur le jeu que développe en ce moment le Barça. Guardiola a joué sous Cruyff pendant des années et aujourd’hui, quand on voit évoluer le Barça, on se dit que Cruyff n’est pas très loin, que son ombre traîne quelque part, pas très loin. Et puis ce qui est intéressant, c’est que Guardiola a apporté sa personnalité et sa vision des choses. Les gens qui aiment le beau jeu ont toujours su que Guardiola avait une part très importante dans le style de jeu que pratiquait Barcelone.

Et les joueurs ? Des joueurs comme Cristiano Ronaldo, Messi, Xavi, Rooney, Tevez, Giggs. Ce sont ces joueurs-là qui nous font aimer le jeu. Et ce sont des entraîneurs comme Ferguson ou Guardiola, des équipes comme Manchester, Barcelone, l’Espagne au dernier championnat d’Europe, ou le Brésil certaines fois… Ce sont ces équipes-là qui nous font aimer le jeu, je répète.

Vous arrive-t-il de penser qu’un joueur n’a pas le succès qu’il mérite ? Je n’ai jamais compris pourquoi un joueur comme Mickaël Pagis n’était pas en équipe de France. Je n’ai vraiment jamais compris pourquoi on ne lui avait pas donné une fois sa chance. Mais bon, c’est ma vision des choses.

Le football français est malade. Pouvez-vous localiser sa douleur ? Le football français souffre déjà de moyens. Ensuite, il souffre d’un manque de créativité. Mais ça, ça se guérit à la base. Les premiers créateurs, ce sont les entraîneurs. Si ceux qui sont en place ne le sont pas, n’aspirent pas à l’être ou ne prennent pas le risque de l’être… Bien sûr qu’il est plus facile de pratiquer un jeu très frileux ! Il suffit de prendre quelques cours théoriques pour assurer le minimum, mais ce minimum-là, il n’intéresse personne.

La Ligue 1, vous ne regardez jamais ? Non. Enfin quelques fois. Pour voir Pagis par exemple… Des beaux joueurs, il y en a. Moi, c’est les systèmes de jeu qui ne m’intéressent pas vraiment. Mais par exemple, Laurent Blanc, je trouve qu’il fait un travail extraordinaire. Je défends ce style d’entraîneurs, qui font pratiquer à leur équipe un beau jeu. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas nombreux…

Propos recueillis par Matthieu Pécot