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Bogdani : « C’est maintenant nous qui accueillons les Italiens »
Avec 43 pions en 268 matchs, Erjon Bogdani est le meilleur buteur albanais de l’histoire de la Serie A, mais aussi celui ayant disputé le plus de rencontres. Et avec 18 pions, il est toujours le joueur le plus prolifique de l'Albanie dont il entraîne désormais les U19.
En novembre 2014, l’amical de Gênes entre l’Italie et l’Albanie fut une vraie fête en tribunes.Oui, c’était vraiment magnifique ! Beaucoup d’Albanais vivent en Italie et il y a un véritable respect mutuel entre les deux peuples. Et puis c’était une première, l’attente était vraiment grande.
En effet, les immigrés albanais se sont parfaitement intégrés dans la Botte.Quand on a été en difficulté dans les années 90, les Italiens ont tout fait pour nous accueillir, c’est maintenant nous qui les accueillons. Ça s’est un peu inversé. Aujourd’hui, ils sont 30 000 à vivre en Albanie, beaucoup viennent ouvrir leur entreprise, profitant du fait que nous ne faisons pas partie de la communauté européenne, et aussi parce qu’on est un pays en développement. Nous, on est contents, nous sommes très accueillants de nature.
Et toi, quand tu débarques à la Reggina en 2000 ?J’arrivais de Croatie d’où je suivais la Serie A qui était un championnat très relevé. Je me souviens du premier match, j’y ai assisté en tribunes et c’était face à la Fiorentina de Batistuta. J’avais peur de ne pas y arriver, car même les grands joueurs échouaient parfois à s’imposer en Italie. Au fond de moi, je voulais juste être digne de la Serie A.
Tu passes treize ans en Italie, le temps de voir la Serie A passer de premier à quatrième championnat d’Europe.C’est évidemment une question économique, maintenant les champions préfèrent l’Angleterre, l’Espagne et l’Allemagne, cela dit, même si le niveau a baissé, le championnat italien est toujours très difficile à affronter grâce aux entraîneurs qui savent parfaitement organiser leurs équipes.
Quel est le meilleur moment de ta carrière italienne ?Quand j’ai inscrit 11 buts à Siena en 2005-06, sans penalty et en distribuant de nombreuses passes décisives, on s’est d’ailleurs sauvés à cinq journées de la fin de la saison. Mais je m’en suis sorti partout où je suis allé, car je n’étais pas individualiste, j’étais toujours au service de l’équipe.
Tu as longtemps été un pilier de l’Albanie qui était une sélection en difficulté. Que lui manquait-il à l’époque ?Un peu de tout, mais cela ne dépendait pas que de nous. Le foot a changé, le niveau était plus relevé avant. Si je dois comparer l’Italie de maintenant et celle de Nesta, Cannavaro, Vieri, Baggio, etc. Mais c’est aussi le cas de nations comme la Norvège ou le Danemark. Cette dernière loupait rarement une qualif et possédait des individualités comme Koldrup, Gravesen et Tomasson qui jouaient dans les meilleures équipes du monde.
Tu es le meilleur buteur all-time de l’Albanie avec 18 buts, si tu devais n’en retenir qu’un seul ? Aucun, ou plutôt tous, car ils ont tous compté, jouer en sélection albanaise a été un rêve, un honneur, une émotion incroyable.
Mais ne manque-t-il pas justement un Bogdani à l’Albanie d’aujourd’hui ?Non, parce qu’on a de bons attaquants, mais ils se sacrifient énormément pour l’équipe comme je le faisais moi. Avant de marquer, il faut d’abord penser aux directives défensives.
Tu es maintenant sélectionneur des U19, mais tu étais l’un des adjoints de De Biasi au dernier Euro. Comment s’est justement passé l’après-Euro ?C’est un passage délicat, surtout que nous n’avons pas été chanceux au tirage au sort avec l’Espagne et l’Italie. Le premier se qualifie et le second n’est même pas certain d’aller en barrages. C’est difficile mentalement pour nos joueurs, mais on a fait nos matchs, on a juste loupé celui contre l’Israël (défaite 0-3 ndlr). Je n’ai pas pour habitude de parler d’arbitrage, mais on a pris deux rouges et deux pénos. Mais regardons de l’avant, on espère bien faire contre l’Italie même si on a beaucoup de blessés en défense, De Biasi va devoir revoir l’équipe.
Avez-vous des regrets de ne pas avoir été parmi les meilleurs troisièmes au dernier Euro ?Bien sûr, regardez le Portugal qui passe avec 3 matchs nuls et qui gagne ensuite. On espérait se qualifier avec la dernière victoire, mais bon, on est satisfait, on a donné du fil à retordre à la Suisse et la France. On a bien joué et on a rendu heureux nos supporters qui nous ont énormément soutenus.
Il s’agit maintenant de réinvestir les retombées économiques de cette visibilité.Oui, et notre Fédération le fait très bien. Elle a créé des catégories de jeunes qui n’existaient pas avant, elle construit un nouveau stade à Tirana. On suit bien la ligne directrice qu’on s’est dictée, le foot albanais continue de grandir, et chaque année, plusieurs joueurs sélectionnables percent.
Cela fait quinze ans que l’Albanie n’a pas eu de sélectionneur autochtone, tu pourrais être le prochain ?Là, je suis bien avec les U19, j’essaye de les faire progresser afin qu’ils soient ensuite près pour les U21, je veux faire mon apprentissage. Maintenant, endosser le maillot albanais a été un rêve de joueur, donc j’y pense. Ce que je sais, c’est que je donne le meilleur de moi-même pour réussir.
L’autre Albanais d’Italie était Igli Tare (aujourd’hui directeur sportif de la Lazio, ndlr). Qui était le meilleur entre vous deux ? C’est à nos supporters de le dire ! Lui aussi a effectué une belle carrière, on a d’ailleurs souvent joué ensemble. Il était capitaine et chacun de nous a tout donné pour notre sélection.
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi