- Liga MX
- J10
- America-Cruz Azul (0-1)
América – Cruz Azul : dernier match avant la fin du foot
Habituellement plein de ses 90 000 âmes lors des Clásico joven, l'Azteca était bien vide ce dimanche soir, en raison du huis clos imposé pour stopper l'épidémie de coronavirus qui se déroule au Mexique aussi. Avec les suspensions des rencontres, il s'agissait probablement du dernier match d'un championnat national avant longtemps sur le continent américain.
Le Tren ligero, cette ligne de métro qui mène à l’estadio Azteca, est d’habitude plein à craquer. Les portes ont généralement du mal à se fermer, forcées par un bide qui dépasserait ou un groupe de supporters trop bruyants qui les bloqueraient pour s’amuser. Là, pas un chat dans les wagons ; il y a même des sièges disponibles. Sur le parvis, la même histoire. Depuis samedi et l’annonce que le Clásico joven entre América et Cruz Azul se jouera à huis clos, en raison du coronavirus, les Mexicains ont dû se faire une raison : ils n’iront pas au stade ce week-end. Et quand ils ont su qu’il s’agirait du dernier match à se jouer avant la suspension de la Liga MX pour une durée indéterminée, certains irréductibles ont voulu donner un dernier souffle à leur équipe en attendant l’arrivée du bus. Pas de barras, cette fois-ci, pour encercler le bus des joueurs.
Ochoa, roi du silence
Et soudain, les nuages ; gris clair, puis presque noirs. La pluie s’abat sur le toit métallique du plus grand stade de foot d’Amérique. Si bien qu’elle couvre les bruits des joueurs qui ont démarré la rencontre comme si de rien n’était : pas de Monumental pour soutenir l’America, pas de Sangre Azul pour encourager la Máquina. Et le tonnerre qui gronde. Une impression de fin du monde qui s’abat sur la capitale mexicaine, pourtant en pleine saison sèche, alors que le fantôme du coronavirus plane. Ce dimanche, le ministre de la Santé a confirmé 54 cas de personnes affectées par le Covid-19. « Il ne faut pas être surpris que Mexico soit la ville avec le plus de cas de coronavirus. C’est la plus grande population du pays » , a déclaré Hugo López-Gatell. Or, les chilangos (les habitants de Mexico, N.D.L.R.) ne sont pas dupes. Dans cette agglomération de 24 millions d’habitants, là où les hôpitaux ont réalisé peu de tests, le nombre de contaminés est probablement plus élevé.
Visiblement, Memo Ochoa n’est, lui, pas touché par un quelconque virus. Lors de ce premier acte, il réalise parade sur parade et réduit au silence les attaquants de Cruz Azul. La pluie s’arrête comme elle est venue. Enfin. On entend alors ce qu’on n’ose penser lorsqu’on assiste à une rencontre généralement disputée devant 90 000 spectateurs : les cris, les encouragements des joueurs. Des insultes, aussi. « Mais il prend le putain de ballon ! » lance el Piojo Herrera, le coach de l’América, ancien sélectionneur mexicain lors du Mondial 2014. Une ambiance de district. Le foot vrai. C’est finalement lors du deuxième acte que le but est venu. Jonathan Rodríguez, sur un centre tendu de Juan Escobar, trompe Ochoa sur sa droite. L’ancien portier ajaccien ne peut rien faire. 1-0.
Corona vise juste
Le jeu se hache alors et se crispe. Tacle assassin d’un joueur de Cruz Azul. Le ton monte, les insultes sont des cadeaux offerts en direct des téléspectateurs de TUDN. L’arbitre annule le rouge après révision de la VAR. Jaune. Les actions se font rares, les accrochages plus fréquents. Le chronomètre s’égrène de plus en plus lentement, la nuit est déjà tombée depuis longtemps sur l’estadio Azteca, prison des cœurs mexicains, cathédrale des sentiments. L’arbitre consulte à nouveau la VAR pour une supposée faute sur un Americanista. Penalty. On joue alors la 98e minute. L’America peut égaliser. Aguilera s’élance, mais le portier de Cruz Azul choisit le bon côté et sort le penalty pour préserver la victoire. Le nom de ce héros de la nuit ? Jesus… Corona ! Évidemment.
Habitué à perdre bêtement ses Clásicos et risée du pays pour sa lose légendaire, Cruz Azul est à ce jour leader. Avec la suspension de la Liga MX, beaucoup de ses fans demandent qu’on déclare champion Cruz Azul, qui attend un neuvième titre depuis 1997. D’autres préfèrent au contraire parler de mauvaise chance : « Leaders, meilleure équipe du tournoi, victoire face à l’América, le tout avec un penalty stoppé à la 98e… quand le football sourit à Cruz Azul comme jamais en 20 ans, la vie préfère suspendre le football de manière indéterminée ! » tweete Luis Herrera, journaliste sportif.
L’arbitre renvoie tout le monde chez soi, et le football avec. Il faut se faire une raison : c’était le dernier match avant longtemps au Mexique et sûrement sur le continent, avant un probable confinement. À bientôt, joli ballon. Reviens-nous vite.
Par Diego-Tonatiuh Calmard, à México