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  • France – Trophée des champions – PSG/Guingamp

« À Pékin, je me fais passer pour un joueur de Guingamp »

Propos recueillis par Régis Delanoë
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Opposés au PSG samedi à Pékin dans le cadre du Trophée des champions, les joueurs de l'EAG pourront compter sur au moins un supporter, et pas n'importe lequel : Jérémy Le Troadec, parti de Bretagne le 30 juin dernier et qui vient de rallier la Chine après un périple dingue en voiture, stop, bus et train. Entretien Skype avec le Antoine de Maximy guingampais.

Alors, bien arrivé à Pékin ? Tu y es depuis quand ?

Je suis arrivé samedi matin, à 5h45 très exactement. C’était le terminus du Transsibérien Moscou-Pékin. Il était temps d’arriver, je commençais à en avoir vraiment marre. C’était hyper long, t’imagines pas. Une semaine de train ! Les trois premiers jours, j’ai fait ami-ami avec des Russes dans le train, on a picolé pas mal donc ça allait, c’était bien pour passer le temps. On buvait des trucs, je sais même pas trop ce que c’était, de la vodka mais aussi des trucs plus forts. Samedi, dimanche, lundi passent. Arrivé au mardi, tu commences à être mal. Tu sais plus trop où t’es, quel jour on est, quelle heure il est… Et il restait quatre jours encore ! Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, jusqu’au samedi matin. Heureusement, j’ai rencontré du monde dans le train, je discute facilement, même si c’est pas toujours facile de se faire comprendre. On se débrouille, entre compagnons de galère !

Bon sang, mais d’où t’est venue cette idée complètement folle de rallier Pékin depuis Guingamp en solo pour assister au Trophée des champions ?

C’est parti d’un coup de tête en fait. J’avais déjà assisté à la dernière finale de Coupe de France contre Rennes au Stade de France en partant de Bretagne en stop avec une copine. Guingamp gagne, c’était la fête, et c’est sur le retour que je constate que du coup, il y a le Trophée des champions qui va se jouer à Pékin. Or moi, il y a un an et demi, j’avais fait un tour du monde mais j’avais manqué la Chine. Je voulais y aller mais j’avais plus assez d’argent, en plus j’avais pas le visa. C’était une petite frustration. Donc là, quand j’apprends que Guingamp part jouer en Chine, je me suis dis : « Oh allez, vas-y, faut trop que j’y aille ! » En plus l’adversaire, c’est le PSG, et il se trouve que je suis aussi pas mal supporter de l’OM, donc l’affiche est parfaite pour moi : voir Guingamp taper Paris en Chine, parfait. Donc dans la foulée, j’envoie un mail au responsable de la com’ de Guingamp. Tout de suite, il me répond et me dit : « Demain, on se prend un rendez-vous, on parle de ça. » Dans la foulée, il appelle Ouest-France et Le Télégramme. Donc là j’avais plus le choix, impossible de faire machine arrière, fallait que je prépare mon périple.

En combien de temps ?

J’ai commencé à faire les démarches le 1er juin et je suis parti de Guingamp le 30. Le plus merdique, ça a été de choper les visas. J’ai dû monter à Paris un truc comme 2h, juste pour faire mes deux visas pour la Russie et la Chine, puis acheter mon billet de train Moscou-Pékin.

T’as essayé de motiver du monde ou l’idée était de partir seul dès le départ ?

Quand je voyage, j’aime bien partir seul, ça me dérange pas. J’ai juste motivé un collègue qui était ok pour m’accompagner au début. Il a fait le voyage jusque Bratislava et est reparti en avion. Mes autres potes savent comment je voyage et pour la plupart, c’est pas du tout leur trip. Ils sont plus hôtels 3 étoiles, alors que moi, je dors en auberge de jeunesse, dans ma voiture, sur un parking… Planifier trop les trucs, j’aime pas. Je me suis toujours débrouillé à trouver du monde en route, ça fait aussi partie du voyage !

T’avais budgétisé l’affaire, quand même ?

Oui, j’avais mis un peu de côté, je m’étais mis 3000 euros, pour faire large. Faut que je vois où j’en suis mais j’ai pas dépensé autant, ça devrait me coûter 2500 en tout, max. Le plus cher, ça a été le visa et le billet de Transsibérien, qui m’ont coûté 1100 euros. C’est ma seule grosse dépense. Là, je suis logé chez le président de l’assoc’ des Bretons à Pékin et je sais que je rentre en France avec l’avion du club, donc forcément, ça allège le coût. Quant à la voiture pour le départ de Guingamp, elle m’a coûté 100 euros.

100 euros une voiture ???

Oui ! L’idée, c’était qu’elle m’amène jusque Kiev, puis prendre le train jusque Moscou et le Transsibérien jusque Pékin. Bon, elle m’a lâché un peu avant au final, mais j’avais de toute façon prévu qu’elle pète. C’était sûr, vu l’état de l’engin… Je l’avais récupéré à un paysan, du côté de Callac (près de Guingamp, NDLR). Elle était à l’abandon, mangée par les orties et les ronces, toute verte. Un collègue à moi l’a repérée par son boulot et il savait que je cherchais une bagnole. Il a demandé au gars : « Tu la vends combien ? » Le mec lui a dit : « Contre une remorque pour chiens, c’est bon ! » Je suis donc allé du côté de Rennes acheter une remorque 100 euros et j’ai récupéré la voiture !

Au final, elle t’a lâché quand ?

Une trentaine de kilomètres avant Budapest. Tout a explosé, je pouvais plus faire un mètre avec. Il y avait de la flotte partout, de l’huile aussi, le joint de culasse a pété. Le moteur était flingué complet. Mais j’ai quand même réussi à faire un sacré bout de chemin avec : Guingamp, Paris, Munich, Vienne, Bratislava et donc Budapest.

T’as fait de bonnes rencontres ?

Ouais, il y a même eu un mec qui m’a tracté avec une corde, alors qu’on était en panne à une trentaine de bornes de Bratislava, avec mon pote qui avait son avion le lendemain matin pour repartir en France. Les cylindres sifflaient à mort, on était au bord de la route, on savait pas quoi faire. Et là, t’as ce mec qui s’arrête spontanément avec sa grosse voiture et il nous a tractés jusqu’à une aire de repos, avant de réussir à faire redémarrer la voiture. Le mec est resté 4 ou 5h avec nous, il nous a trouvé une auberge dans Bratislava, via son fils qui parlait français et qu’il avait joint par téléphone. À la fin, il m’a même proposé de partir avec lui pour le week-end à un festival de musique à Graz en Autriche. Mais je pouvais pas, avec mon train déjà booké à Moscou…

Quand t’expliquais ton périple aux gens que tu croisais durant ton séjour, ils disaient quoi ?

Que j’étais fou (rire). Surtout avec ma bagnole toute pourrie. Chaque fois que je repartais, la 205 laissait une énorme trace sur le bitume, les passants étaient morts de rire à chaque fois. Même dans les auberges, ils me voyaient arriver, je leur disais que je venais de France, ils me croyaient pas.

Comment a fini la voiture ?

Je l’ai troquée. Un dépanneur s’est arrêté quand j’étais à 30 bornes de Budapest. Il m’a dit qu’il y avait plus rien à faire. Il m’a proposé une petite somme d’argent pour la récupérer, je sais plus combien. Je lui ai dit : « Non, si tu veux, je te la refile mais tu m’amènes jusque Budapest. » Elle est donc restée là-bas.

Et depuis, c’est bus et train ?

Oui, et un peu de stop aussi. Je suis resté quelques jours à Budapest, puis direction Cluj en Roumanie, où je suis aussi resté quelques jours. De là, direction la Moldavie, un coin où faut vraiment pas aller.

Ah bon ?

Ah ouais, c’est vraiment pourri, il n’y a rien à faire. Mais vraiment rien. C’est triste. Je suis arrivé le matin à Chişinău, la capitale, et je suis reparti le soir. Un truc marrant quand même : je me baladais dans un parc et t’avais des journalistes qui interrogeaient des gens avec une caméra. Du coup, j’ai été interviewé, c’était pour un sujet sur le tourisme si j’ai bien compris. Bon, j’ai raconté un peu de la merde, en disant que c’était magnifique, que je venais d’arriver, que j’allais rester… Alors que 2h après j’étais parti !

Et donc après, direction l’Ukraine ?

Ouais, un train direct pour Kiev. Je suis resté quatre jours, j’ai adoré cette ville. Les personnes sont super accueillantes avec les étrangers. J’ai beaucoup aimé discuter avec eux de l’actualité de leur pays, du conflit, tout ça. Ils étaient contents qu’on s’intéresse à eux, ils ont beaucoup de choses à dire sur ce qui se passe dans leur pays, qui est gangrené par la corruption. On communiquait vaguement en anglais, comme on pouvait, c’était pas toujours facile mais il y a parfois pas besoin de beaucoup de mots pour qu’il se passe des moments forts en émotion. Tu te balades dans certains quartiers de la ville, t’as des photos des personnes décédées, des fleurs posées là en hommage… Ce genre de conflit, on le vit de loin via les journaux et la télé. De voir ses effets en vrai, ça m’a un peu retourné. Vraiment une expérience enrichissante et un pays touchant.

Et donc avant-dernière étape, Kiev vers Moscou ?

Oui, en train de nuit, direct, sans souci pour passer la frontière. Je suis resté quatre ou cinq jours à Moscou. Le hasard, j’ai retrouvé une meuf que j’avais rencontrée à Budapest. Elle m’a fait découvrir la ville, c’était cool. C’est une ville sympa mais sans plus, j’ai préféré Kiev. Mais c’est bien, j’ai pu en profiter pour me reposer aussi avant de prendre le Transsibérien.

À quoi ressemblent ces trains d’Europe de l’Est ?

C’est le ghetto, t’imagines pas ! Le Moscou-Pékin encore, ça va. Mais les autres avant… C’est une infection, et puis c’est le bordel. Faut le voir pour le croire. T’as pas de clim, juste des fenêtres qui s’ouvrent, ça suinte avec la chaleur… Horrible ! Dans le train en Roumanie, t’avais carrément les portes ouvertes pendant que le train roulait. Le classique, c’est le train-couchette avec des cabines à quatre lits. Et ça avance à deux à l’heure, ça fume blanc, ça sent le cramé, j’avais l’impression d’être dans ma 205 ! Bon par contre, du coup, c’est pas cher, genre pour 15 ou 20 euros, tu passes d’un pays à l’autre. T’as juste le Kiev-Moscou qui m’a coûté dans les 90 euros, ce qui reste pas si cher au final pour la distance.

Et alors, ce fameux Transsibérien ?

Pfff… Imagine : 150 heures en tout, 7 jours, 6 nuits, 9000 kilomètres à parcourir. C’est fou comme truc, fou ! En plus, dans le train, ça reste à l’heure de Moscou. Du coup, il est 3 heures du matin, il fait encore jour, tu comprends rien, t’as de quoi tourner cinglé. Tu sais plus quel jour il est, tu sais à peine comment tu t’appelles… Franchement à la fin, j’étais mal, il était temps d’arriver. C’est un train à faire une fois dans sa vie mais pas deux !

T’as rencontré des gens qui connaissaient Guingamp ?

Oui, un Allemand surtout, qui savait que le club avait gagné un trophée, c’était marrant. Et là, depuis que je suis arrivé à Pékin, faut croire que la pub pour le match a bien été faite, car il y a plein de passants qui m’ont arrêté pour me prendre en photo. Les mecs me demandent : « Player ? Football ? » Bah, tu finis par dire oui, ça leur fait plaisir et j’ai mon moment de gloire (rires).

Bon premier feeling avec Pékin ?

Oui, super. À peine arrivé, j’ai été accueilli par le président de l’asso bretonne locale, on a été dans un bar breton et on a fini en boîte de nuit sur le toit d’un building. C’est top. Et normalement, je vais voir la Muraille de Chine demain (aujourd’hui, NDLR).

Tu restes en contact avec le club de Guingamp ?

Oui, on communiquait par téléphone au début et je reste en contact régulier par mail. T’as aussi l’équipementier Patrick qui m’a refilé plein de matos avant de partir : des habits de la tête aux pieds, une valise à roulettes. C’est totalement désintéressé mais du coup, ça me fait plaisir de leur faire un peu de pub, j’ai collé des stickers Patrick et EAG un peu partout depuis le début du voyage !

Quand retrouves-tu les joueurs ?

À leur arrivée mercredi, normalement. Symboliquement, le capitaine Lionel Mathis m’avait remis son brassard au départ le 30 juin et je dois le lui remettre. Puis donc il y aura le match et le retour en avion avec toute la délégation guingampaise.

Et après ?

Il va falloir que je récupère un peu car ça a été fatigant quand même. Surtout le train à la fin, qui m’a fusillé. Je me sens bien déréglé, avec les changements permanents de fuseaux horaires, sans parler du stress et de l’excitation d’arriver enfin à Pékin, après pas loin d’un mois de voyage. Mais ça va être du rapide, avec un retour que j’imagine dimanche prochain, une histoire d’appart à régler et le dimanche suivant, retour à Paris pour le boulot. J’y suis serveur.

Sacrée histoire quand même !

Oui, ça restera gravé à jamais, d’autant que ça a été relayé via le club, les médias et les réseaux sociaux. J’ai une page Facebook qui a dépassé les 5000 fans, je ne m’y attendais pas du tout. Ce voyage restera inoubliable. C’est parti d’un coup de tête mais mine de rien, humainement, c’est super enrichissant.

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