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Alors, ça fait quoi, de jouer un match à huis clos ?

Par Gaspard Manet
4 minutes
Alors, ça fait quoi, de jouer un match à huis clos ?

Dans le foot, si on aime surtout le spectacle proposé sur la pelouse par 22 mecs essayant de marquer des buts, on adore plus que tout l'ambiance qui entoure tout cela. La ferveur des stades, quoi. Celle qui sublime une rencontre. Celle qui donne des ailes à certains joueurs alors qu'elle en plombe d'autres. Bref, celle qui fait frissonner tout le monde. Oui, c'est pour ça qu'on aime le foot. Et pour la même raison que l'on n'aime pas les matchs à huis clos.

Aujourd’hui, en fin d’après-midi, le CSKA Moscou reçoit Manchester City dans le cadre de la 3e journée de la phase de poules de Ligue des champions. Un match synonyme de fête, tant la compétition reine en Europe permet de mettre une ambiance particulière dans les stades où elle se dispute. Seulement voilà, tout à l’heure, le CSKA et City ne connaîtront pas ces ferveurs inhérentes à la LDC. Pire, les deux clubs joueront seulement devant leur entraîneur, leurs coéquipiers restés sur le banc, et quelques officiels dispersés par-ci par-là. Oui, suite à une suspension infligée par l’UEFA au CSKA pour banderoles racistes lors d’une rencontre de C1 face à Plzeň, cette rencontre se disputera à huis clos. Une drôle de sensation.

« L’hymne dans le stade vide, c’est pas pareil »

À n’en pas douter, un match de Ligue des champions n’a pas la même gueule quand les tribunes du stade sont vides. Vides de supporters et vides de chaleur. Immensément tristes, finalement. Au moment où les joueurs pénètrent sur la pelouse, ce même moment où la douce musique de la LdC résonne dans le stade, on aime regarder ces tribunes vivantes. Ces visages de supporters dessinés par la joie. La joie d’être là, de vivre ces moments riches en émotions. Quand on entend une mouche voler dans le stade, rien n’est pareil. Si vous trouvez ça étrange devant votre téléviseur, sachez que c’est encore plus particulier quand on est l’un des joueurs présents sur la pelouse. Jérémie Bréchet a connu ça, lui. Avec le maillot du PSV sur les épaules, le Français avait joué contre l’Atlético Madrid, en 2008, un match de C1 dans un Vicente-Calderón vide, suite aux incidents qui avaient émaillé la rencontre entre le club madrilène et l’OM quelques semaines plus tôt. C’est donc peu dire que l’actuel joueur du Gazélec Ajaccio connaît cette étrange sensation : « C’est vraiment bizarre. Surtout quand il s’agit d’un match de Ligue des champions où il y a normalement une grosse pression. Au moment de l’hymne, je crois que c’est le plus étrange, car quand tu entends cette musique dans un stade vide, ce n’est vraiment pas pareil. » Il est là, le vrai moment critique. Ce moment où ce sont normalement les hurlements de la foule qui mettent tout le monde dans le bain : « Le vrai problème, c’est le début du match, c’est là que tu trouves ça vraiment particulier. Une fois que le match commence, l’enjeu de la rencontre reprend vite le dessus. » Car, oui, il serait dommage d’oublier que l’enjeu, c’est tout de même des points dans l’optique d’une qualification pour les huitièmes de finale de la plus belle compétition européenne. Mais aucun danger là-dessus, confie Jérémie : « Même si ça fait penser à un match d’entraînement, ce n’est pas plus difficile de se motiver, l’enjeu du match est tel qu’il n’y aucun risque de prendre tout ça à la légère. »

Plus d’excuse pour ignorer le coach

Si tout le monde préfère un match qui se dispute dans un stade plein à craquer, avec une foule en délire, il est important de noter que le huis clos a ses avantages. Après tout, il faut bien trouver des aspects positifs dans son malheur. Ceux des matchs à huis clos sont la communication, évidemment. Dans un stade où personne ne gueule, bah on s’entend, comme l’explique l’ex-Lyonnais : « C’est vrai qu’on s’entend vachement parler, donc on peut plus communiquer entre nous. C’est l’un des seuls avantages, d’ailleurs. » Pas de quoi combler le manque de ferveur populaire, c’est certain. Mais s’il y en a un qui apprécie ça plus que les autres, c’est bien l’entraîneur : « Quand le coach gueule sur le côté, on comprend parfaitement ce qu’il dit. Tu n’as pas d’excuse pour ne pas l’avoir entendu (rires). » Si l’absence de bruit constant permet aux acteurs de la rencontre d’échanger plus facilement entre eux, cela n’y fait rien, ce qu’on aime, c’est un stade vivant : « C’est vrai qu’on peut avoir plus de mal à se transcender. Car, au final, le bruit, l’ambiance, le monde, tout ça manque énormément dans un huis clos. » Et cela est aussi valable pour l’équipe qui se déplace. Car si l’on pense qu’elle est rassurée à l’idée de ne pas subir les railleries des fans locaux, on se trompe lourdement : « Même la pression des supporters adverses, au final, elle est agréable car justement elle te met dans le bain, elle te motive » , souligne Bréchet. C’est incontestable. Et le problème est bien là, car malgré tout ça, sans cette ferveur et cette motivation naturellement apportées par la liesse des supporters, il faut jouer ce match avec l’importance qu’est la sienne. Public ou pas, cela reste un match de Ligue des champions. Un match qu’il faut gagner, même dans le silence.

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