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Un match mémorable

Par Thibaud Leplat
Un match mémorable

Qu'est-ce-qu'un match mémorable ? C'est une question à laquelle on ne pourra jamais répondre avant le coup de sifflet final. Un match n'est mémorable que si on est capable de s'en souvenir. Il va donc falloir faire un petit effort.

Il y a des gens qui, à l’heure de se planter devant leur téléviseur, s’installent devant un match comme ils ouvriraient un livre de cuisine. Ils examinent les compositions comme on détaillerait les ingrédients d’un navarin d’agneau ou d’un veau marengo. Du haut de leurs certitudes, ils nous signifient par leurs commentaires avisés qu’ils en savent beaucoup plus que nous en la matière. Pour eux, la qualité d’un match tient dans une formule mathématique additionnant les joueurs ordinaires, soustrayant les quelques blessés et multipliant, par la grâce d’un coefficient uniquement connu d’eux, le résultat obtenu par le génie d’un ou deux protagonistes. Ils obtiennent alors un résultat qui leur permettra d’évaluer le taux de beauté à venir d’un match. Bien sûr, plus les joueurs seront réputés forts, plus le match sera beau. C’est mathématique. Ces gens, à la physionomie souvent arrondie, qui parlent la main droite dans la poche et la tête en arrière, aiment donner des notes à tout ce qu’ils voient. À leurs yeux d’experts de la chose, le football est l’activité humaine qui se rapproche le plus de la cuisine ou de la maçonnerie. Pour ces critiques dont le talent réside, à force de sentences et d’injonctions, dans l’absence totale de prudence à l’heure d’envisager une rencontre de Coupe du monde, le football est toujours une excellente raison de parler souvent et, surtout, de ne jamais être ému.

Aux grands matchs, la patrie reconnaissante

Mais la grandeur d’un match ne tient pas dans un relevé de notes scolaires, dans une série de statistiques obscures ou dans une suite de sentences irrévocables à l’encontre d’un latéral gauche « toujours aussi catastrophique » ou d’un arrière central qui « ne prend pas assez de risques dans ses relances » . À force de voir le football comme une suite de causalités mathématiques, de résultats qui prouveraient une chose et peut-être aussi son contraire, on finira peu à peu par, nous aussi, nous transformer en machine à compter, à examiner, à mesurer. On arrivera même parfois à se figurer l’avenir et à pronostiquer tous les scores du monde. Nous irons encore plus vite que tous les ordinateurs. Le visionnage des matchs ne sera donc plus qu’une formalité dont la seule fonction sera de confirmer la grandeur de nos prophéties. Enfin, nous aurons supprimé le hasard et les circonstances. On aura mérité notre titre d’expert.

On en saura donc beaucoup sur comment on joue, sur comment on se déplace sur un terrain, sur combien de passes réussies, sur combien de kilomètres parcourus. On saura tout sur comment ils ont fait pour gagner, avec quelle stratégie ils ont percé les défenses, tous leurs résultats depuis 10 ans. Pourtant on ne saura toujours pas pourquoi on se souvient de ce match plutôt qu’un autre. On ne saura jamais pourquoi on pouvait être aussi désespéré pour un motif aussi futile. Nous ne saurons donc toujours pas ce qu’est un grand match, un match dont on se souvient, qui marquera notre façon d’être triste ou d’être heureux pour toutes les années à venir. On aura beau calculer, classer et découper tout en rondelles fines, depuis France-Allemagne 82, France-Brésil 86, France-Paraguay 98 ou France-Italie 2006, on ne pourra plus jamais vivre un match de Coupe du monde de la même façon. La sensibilité aux joueurs agressifs, aux décisions injustes, aux buts qui n’en finissent pas d’arriver, aux coups de boules injustifiés, est d’autant plus aiguisée qu’elle a déjà été beaucoup sollicitée par le passé. Un grand match est d’abord une affaire de sensibilité. Comme l’amour, elle ne s’use que si on ne s’en sert pas. Et plus on l’exerce, plus elle s’aiguise.

Le degré de mémorabilité

Les seuls vrais critères acceptables qu’un match doit remplir pour avoir le droit de s’installer bien au chaud dans notre cortex sont donc ceux de l’irrationnel. Les mathématiques et la cuisine n’ont rien à dire sur ce qu’il se passe en nous quand nous n’en pouvons plus d’attendre, quand nous sommes fatigués d’être aussi émus. Dans son Fever Pitch, Nick Hornby se pencha un jour sur la question. Il dressa ainsi sept critères à l’évaluation du degré de « mémorabilité » d’un match, c’est-à-dire un match dont « on revienne bourdonnant de satisfaction » . Pas un seul n’est rationnel et c’est peut-être bien pour cela qu’il a raison :

1. Des buts
2. Un arbitrage parfaitement scandaleux3. Une foule bruyante
4. De la pluie, un terrain glissant (on accepte aussi le climat étouffant et l’humidité insupportable d’un match en pleine après-midi à Rio)5. Un pénalty raté par l’adversaire
6. Un carton rouge donné à son adversaire7. Quelques incidents « regrettables » , désordres, bavures, avanies diverses

La victoire importe peu. Ce qui compte, c’est tout ce qui est invisible, toutes ces choses qui font qu’on en parlera encore dans dix ans. Lâchons donc nos carnets de notes, oublions un instant les recettes de cuisine et laissons nous aller à la sensibilité. Ce soir, c’est France-Allemagne. Ce match sera peut-être mémorable. Ou non. Tout dépend de nous.

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Par Thibaud Leplat

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