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Tspiras, Syriza et le foot : Hellènes et les garçons en short !

Par Nicolas Kssis-Martov avec Gabriel Cnudde
4 minutes
Tspiras, Syriza et le foot : Hellènes et les garçons en short !

L'arrivée de Syriza aux affaires grecques, avec l'aide d'un petit parti nationaliste, a provoqué un léger vent de panique au sein de l'UE. Très vite retombé. Les dernières négociations avec les nouveaux dirigeants « rouges » de la Grèce ont ainsi accouché d'un énième « compromis » qui ne semble pas changer radicalement la donne. Parmi tous les sujets qui suscitent des inquiétudes, le foot n'arrive pas franchement en tête de liste des préoccupations du parti d'Alexis Tsipras. Pourtant, à bien y regarder, le rapport entre le nouveau pouvoir et le ballon rond révèle, à sa façon, toute l'originalité de ce qui se passe du côté d'Athènes. Et la complexité du cas grec.

« S’ils réussissent, je serai leur premier supporter. » Les paroles d’Andreas Zikos, responsable du centre de formation de l’AEK Athènes, connu en France pour son passage à l’AS Monaco, sonne étrangement. Preuve que, sur place, la situation apparaît suffisamment dramatique pour que même un responsable d’un club en quasi-guerre ouverte avec Syriza – autour de la construction d’une nouvelle enceinte – se déclare prêt à les soutenir pourvu qu’il sorte le pays de la panade. « Je ne connais pas de footballeurs grecs qui se soient engagés à leurs côtés. Pourtant, dans le foot, il y a beaucoup de problèmes de violence, etc. Tout le monde les attend sur le concret, poursuit-il. Après, au sein des clubs, comme dans le reste du pays, on se demande comment ils vont se débrouiller avec l’Europe ? On ne peut pas vraiment en sortir, dans le foot encore moins. »

« Chaque équipe veut s’attirer les faveurs de l’État »

À cette dernière inquiétude, Georgios Helakis, journaliste sportif et membre de Syriza après avoir été au PC dans les années 80, réplique très doctement : « Siriza veut en finir avec la corruption et les intérêts financiers. On veut faire disparaître (comme promis) les comportements illégaux et réduire au minimum les interventions des hommes d’affaires dans le football. Pour arriver à nos fins, nous devons démocratiser les ligues, de la ligue amateur jusqu’à la Super League. » Vaste programme, qui comme le reste des promesses faites en campagne, demandera donc beaucoup, beaucoup de courage politique. Car Siriza avait annoncé sa volonté non seulement de s’opposer à la fameuse « troika » , mais aussi de s’en prendre aux « groupements intérieurs » qui pouvaient contrarier l’expression populaire qui les avait amenés au pouvoir. C’est en ce sens que le foot peut être dès lors perçu comme une menace par l’actuelle majorité. « Les hommes d’affaires, poursuit Georgios Helakis, qui possèdent les clubs grecs se servent de leurs clubs pour parvenir à leurs besoins financiers. Chaque équipe veut s’attirer les faveurs de l’État. » Une préoccupation qui rejoint l’obsession de la lutte anti-corruption, un des chevaux de bataille du gouvernement, qui contrairement aux Sports, possède son ministre dédié.

Tsipras élevé dans le fief du Pana

Pourtant, dès qu’il s’agit de s’attacher à la relation du Premier ministre au foot, l’éclairage n’illumine plus exactement les mêmes réalités, et le personnage s’avère d’un coup assez emblématique de la « nouveauté » Syriza. Au même titre qu’il émerge d’une génération qui a tourné la page de la lutte contre la junte (il est né trois jours après sa chute), son club de cœur, le Panathinaikos, illustre une sorte de bascule aussi bien idéologique que culturelle. Dans un pays où choisir ses « couleurs » s’avéra longtemps un puissant marqueur identitaire, les frontières politiques autour des clubs sont devenues de plus en plus incertaines – le jeune rappeur antifasciste Pavlos Fryssas alias Killah P, tué par des militants d’Aube dorée était un supporter de l’Olympiakos, tout comme ses agresseurs -, et il regardait un match contre le PSG avant d’être assassiné. Alexis Tsipras, fan assumé d’un club originellement présenté comme « bourgeois » , balaie finalement de vieilles représentations au sein même de sa propre famille politique, sa « vraie » famille, elle, habitant dans le quartier du stade où il avait pris l’habitude de se rendre régulièrement. Une fidélité jamais démentie selon ses proches. Plus largement, son positionnement vis-à-vis du foot l’éloigne du scepticisme de la gauche « radicale » grecque dont est issue Syriza – c’est d’abord une coalition – qui, si l’on excepte le petit mouvement sportif ouvrier grec des années trente ou les « labour organisations » syndicales, regarda toujours les clubs de foot comme des relais ou des « outils » des milieux d’affaires, et leur supporters comme des fanatiques.

Des matchs de foot comme moyen de faire campagne

Concernant ces derniers, le regard s’est néanmoins quelque peu adouci : « Très souvent, analyse aujourd’hui Georgios Helakis, les fans se mobilisent contre la violence policière. Ils sont aussi très sensibles dès qu’on touche aux fondements de la démocratie. La plupart du temps, ils se mobilisent aussi quand l’État fait des demandes irréalistes aux dirigeants des clubs. » Alexis Tsipras par exemple, lors du lancement de Syriza sur la scène politique locale, n’hésita pas à utiliser le foot, notamment des matchs de charité entre les personnes sans-abri locaux et stars retraitées, pour toucher un plus large public, un moyen de « moderniser » des campagnes qu’il jugeait trop classiques, voire « passéistes » . Toutefois, pour l’instant, aucune mesure n’est annoncée, et les principaux risques pesant sur le foot grec proviennent sûrement davantage du fair-play financier que du nouveau gouvernement. À l’instar de la très protégée église orthodoxe, il ne sera pas possible d’attaquer sur tous les fronts. Surtout que le foot semble pour le moins un chapitre clos en matière de fierté ou d’enjeu national : « Le football ne représente rien d’autre en Grèce qu’un loisir et un peu de psychologie, conclut Georges Helakis. La dernière grande épopée remonte à l’Euro 2004 au Portugal, mais aujourd’hui, très peu de gens se souviennent de ce moment. Les affaires de corruption successives ont détruit l’image du football. »

Par Nicolas Kssis-Martov avec Gabriel Cnudde

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