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Stanley Matthews, pour l’amour du football

Par Maxime Nadjarian
7 minutes
Stanley Matthews, pour l’amour du football

Le crâne dégarni, plutôt maigre, le dos voûté… une chose est sûre, Stanley Matthews n’a pas conquis la planète football du vingtième siècle grâce à sa beauté physique. Non, il l’a fait avec son talent, son humilité et sa longévité. Des qualités qui auront marqué l’Angleterre toute entière, des petites gens à la reine du pays.

« Si Matthews n’a pas inventé le dribble, il l’a sublimé comme personne. » Dans son livre, The Football Man, publié en 2006, et considéré comme l’une des plus belles œuvres sportives de tous les temps, Arthur Hopcraft est catégorique. Pour lui comme pour beaucoup d’autres, le talent de Stanley Matthews, sphère aux pieds, est sans équivoque. Pour preuve, durant sa vie de footballeur, ce dernier est surnommé « le sorcier du dribble » , en rapport à ses qualités hors du commun dans le domaine, mais aussi parce que sa carrière a duré. Longtemps. 34 ans exactement. Pendant plus de trois décennies donc, Sir Stanley Matthews, premier footeux de l’histoire anobli par la reine Elisabeth II, a fait lever des foules de tous les côtés du Royaume. En remportant des titres, dont un Ballon d’or, obtenu en 1956, pour la première édition du trophée, le désignant comme le meilleur joueur européen de cette année-là. Devant Alfredo Di Stéfano et Raymond Kopa. Rien que ça.

Une ascension entre boxe et vessies de porc

Le bonhomme aurait eu 101 ans cette année. Né en 1915 à Hanley, dans le Staffordshire, l’Anglais et ses trois frangins sont surtout éduqués par leur père, Jack, barbier et champion de boxe local. De lui, ils apprennent les valeurs d’effort, de combat et de dépassement de soi. Un enseignement que le petit Stan retient quand il monte sur le ring, poussé par son papa, mais aussi et surtout au moment de débuter dans le foot, à onze piges. Et déjà, l’enfant impressionne par sa rapidité d’exécution et ses qualités de dribbleur. Et se rend compte que ce sport peut devenir, à terme, son domaine. La traversée s’annonce longue, rugueuse et éprouvante. Mais cela n’arrête en rien Matthews, qui aime le jeu en question par-dessus tout : « J’adorais prendre une petite balle et jouer avec. J’avais même l’habitude d’aller chez le boucher récupérer les vessies de porc pour les gonfler et en faire un ballon. Je jouais même la nuit, sous les réverbères. C’était mon plaisir » , racontait-il sur les ondes de la BBC Radio 5 Live en 1995.

Le jeunot prend des coups en s’exerçant avec l’équipe réserve de Stoke City, livrant en parallèle le courrier pour quelques sous, mais tient le choc. Son rêve, lui, se concrétise en 1932, date à laquelle il signe son premier contrat en faveur des Potters. À 17 ans, le troisième des quatre frères de la famille Matthews est déjà payé comme un grand. Mais, la tête sur les épaules, le gamin ne s’enflamme pas, affirme son statut de jeune prodige et devient rapidement un élément moteur – et buteur – de son équipe, au fil des rencontres. Grâce à ses facilités techniques, mais aussi et surtout grâce à ses entraînements, pour lesquelles il dépense beaucoup de temps et d’énergie. Mais ce n’est pas tout. L’hygiène de vie fait partie intégrante de la carrière d’un sportif de haut niveau, et Stanley Matthews y accorde beaucoup d’importance : « J’ai eu la chance d’être bien conseillé : j’ai commencé à manger plus de salades, plus de fruits, et, tous les lundis, je jeûnais. Je ne faisais cela que le lundi, mais cela me permettait de me sentir bien » , confiait-il à la FA. Un travail de tous les instants qui paye plutôt vite et qui lui fait goûter aux joies de la sélection nationale à seulement 19 printemps.

Call of Duty

Avec le maillot de l’Angleterre sur le dos, Matthews est loin d’être mauvais, mais n’obtient pas de résultats fracassants. Il s’y fait une place en se faisant remarquer au sein de la sélection de la Football League. Mais malgré ses efforts et sa capacité à faire la différence, l’Anglais n’arrive pas à gagner la confiance de ses sélectionneurs. À cause de son jeune âge d’abord, parce que son jeu est jugé trop offensif, ensuite, notamment selon Walter Winterbottom, coach du pays sur la période 1947-1963. Cependant, s’il ne se met pas de grandes médailles dans la poche avec les Three Lions, mis à part neuf championnats britanniques des nations constitutives – quand même –, le magicien repart avec des souvenirs mémorables au moment de prendre sa retraite internationale. Après 52 sélections réparties sur 23 années de bons et loyaux services. Comme celui de la bataille d’Highbury, ou encore celui de la défaite des siens face au Onze d’or hongrois de Gusztav Sébes.

Aussi, si la belle Angleterre n’a pas vraiment eu sa place dans le cœur du génie, c’est parce que ses deux premières amours l’ont rempli pour l’éternité. Ces dernières, Stoke City et Blackpool, sont les deux seuls clubs dans lesquels il a joué. Dans le premier, il passe les quinze premières années de sa vie de footeux, et se forge une réputation grâce à des performances de haute volée, comme lors de la saison 1935-1936, pendant laquelle il joue 45 matchs, déploie sa palette de dribbles comme personne avant lui et porte les Potters jusqu’à une quatrième place inespérée au classement. La meilleure de l’histoire du club, qui se voit déjà garder le joueur jusqu’à sa fin de parcours. Mais la Seconde Guerre mondiale va venir mettre son grain de sel dans cette affaire. Pendant six ans, Stanley sert la Royal Air Force dans un régiment situé à Blackpool, où il achète un hôtel. C’est à ce moment qu’il commence à jouer pour les Seasiders. Il dispute 87 rencontres pendant le conflit, en plus des 69 capes qu’il enregistre avec son équipe, Stoke. Dont celle de la tragédie de Burnden Park face à Bolton, où 33 personnes trouvent la mort et 400 sont blessées, après un mouvement de foule des plus violents. Un événement qui affecte considérablement le gradé, qui, de plus, n’entretient plus de bonnes relations avec sa direction. Et qui déclenche une bonne fois pour toutes ses envies de départ, juste après l’exercice 1946-1947, lors duquel il est impliqué dans près de 90% des buts de Stoke.

Amour, gloire et beauté

Transféré à Blackpool à 32 ans pour la modique somme de 11 500 livres (15 185 euros environ), le fils de barbier revit. Sous le commandement de Joe Smith, il a en effet un maximum de liberté sur le terrain. Résultat : il rafle la première édition du FWA, trophée récompensant le meilleur joueur de la saison en Angleterre. Mais le dribbleur fou vieillit, et son physique lui joue des tours au fil des saisons. Heureusement, son régime végétarien le tient en forme et le fera disputer trois finales de FA Cup, dont deux perdues, face à Manchester United et Newcastle. C’est au cours de la troisième que le trentenaire montre qui est le patron. Menés de deux buts par Bolton, les Orange et Blanc s’en remettent à leur star, qui donne des caviars et permet à Blackpool de l’emporter sur le fil, 4-3. Une partie qui reste gravée, encore aujourd’hui, dans le cœur des fans, et connue sous le nom de « The Matthews final » . Ensuite, les saisons de Blackpool s’avèrent compliquées et en 54-55, la presse critique ouvertement l’ailier par rapport à son âge – 40 piges – si peu commun pour un footeux. Il se charge lui-même de la faire taire en remportant, un an plus tard, la première édition du Ballon d’or devant des joueurs d’exception tels que Di Stéfano ou Kopa.

Ce trophée, consécration d’une carrière entière, est le dernier grand coup d’éclat du désormais vétéran, qui retourne à Stoke, alors en seconde division, pour une dernière aventure footballistique, qui durera cinq ans. Comme pour boucler la boucle. Un dernier challenge réussi puisqu’il fait remonter son club formateur dans l’élite, remportant au passage un autre titre du meilleur joueur du pays, et est anobli par la reine d’Angleterre, quelques semaines avant d’arrêter définitivement de taper dans le cuir, à cinquante berges. Et d’enchaîner sur une carrière d’entraîneur à oublier. Contrairement à son épopée de joueur, au long de laquelle il aura marqué les esprits, à commencer par celui du roi Pelé, selon qui l’attaquant a « montré la manière dont le football devrait être joué » . Le Sir, lui, résumera de la plus belle manière ces dizaines d’années passées balle au pied, dans son autobiographie, The way it was : « Le football a rythmé ma vie pendant plus de 80 ans. Je l’ai aimé du plus profond de mon être. » Pour la beauté du jeu.

L’homme noir au visage blanc
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Par Maxime Nadjarian

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