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OM : les finalistes malheureux de la C3 racontent

Propos recueillis par Kevin Charnay et Mathieu Rollinger
9 minutes
OM : les finalistes malheureux de la C3 racontent

Une finale de C3 est tout sauf un terrain inconnu pour l'Olympique de Marseille. À l'époque où la Ligue Europa s'appelait la Coupe de l'UEFA, les Phocéens ont buté deux fois sur la dernière marche. En 1999, Rolland Courbis a vu de son banc l'OM s'écrouler contre un grand Parme. Cinq ans plus tard, Steve Marlet, Camel Meriem et Jérémy Gavanon sont eux aussi restés impuissants face à Valence. À la veille de la finale face à l'Atlético, ils témoignent pour éviter que l'histoire ne connaisse la même issue.

Tous les chemins mènent en finale

Steve Marlet (attaquant titulaire lors de la finale 2004) : « En Ligue des champions, les deux premières places du groupe étaient « réservées » au Real Madrid et à Porto, le futur champion d’Europe. Inconsciemment, on s’était préparés à jouer la troisième place et basculer en Coupe de l’UEFA. »

Jérémy Gavanon (gardien n°2 de l’OM) : « J’ai joué mon premier match en pro avec l’OM contre le Partizan en Ligue des champions. On fait 1-1 et on est reversé en Coupe de l’UEFA. Et à partir de là, c’est un parcours exceptionnel qui nous attend, avec Liverpool, l’Inter, Newcastle. »

SM : « On avait commencé notre parcours difficilement contre Dnipropetrovsk. On gagne à l’aller chez nous (1-0), sans être très bons. On s’était fait secouer par le président Bouchet après le match. Finalement, on passe par la petite porte en obtenant un 0-0 en Ukraine. Derrière, ce n’est plus la même histoire : on avait des gros morceaux à affronter, où on pouvait à chaque fois passer à la trappe. »

Camel Meriem (milieu titulaire en 2004) :

On vivait ces matchs de manière décomplexée, on était complètement libérés. On n’avait rien à perdre.

« Notre parcours en 2004 est différent de celui de 2018 parce qu’on ne prend que des grosses cylindrées. On fait figure d’outsider à chaque tour. On vivait ces matchs de manière décomplexée, on était complètement libérés. On n’avait rien à perdre. On s’est pris au jeu petit à petit sans se mettre la pression et on passait à chaque fois. Mais ça ne veut pas dire qu’on était plus méritant que l’OM d’aujourd’hui. Parce que nous, on avait lâché le championnat (Marseille avait alors terminé 7e de Ligue 1, N.D.L.R.). En fin de saison, on faisait énormément de turn-over pour être à bloc en Coupe d’Europe. On avait tout axé là-dessus. »

SM : « C’est vrai qu’en championnat, on a flirté un peu toute la saison avec les places européennes, sans véritablement s’installer en tête du classement. La Coupe d’Europe représentait pour nous une manière de nous qualifier. On a présenté deux visages lors de cette saison : moyen en championnat et on se donnait cette bouffée d’oxygène avec l’Europe. Le bleu de chauffe et la routine d’un côté, les paillettes de l’autre. »

JG : « On marchait sur l’eau, avec un Didier Drogba qui volait même. C’est en quarts de finale contre l’Inter qu’il y a eu le déclic. Ça a été vraiment un tournant d’aller gagner là-bas, à San Siro (0-1, but de Meriem, N.D.L.R.). On a pris conscience qu’on pouvait aller au bout et que cette Coupe d’Europe prenait une autre importance. »

Rolland Courbis (entraîneur lors de la saison 1998-1999) : « En huitièmes de finale en 1999, on rencontre Monaco qui avait une énorme équipe. Éliminer Monaco, ce n’était pas évident. Et on a eu le droit à deux matchs magnifiques. On finit par gagner le retour à Marseille 1-0. Ce soir-là, on a commencé à réfléchir, à se dire qu’il y avait un coup à jouer. On était à la lutte pour le titre, on se disait que ça allait faire un gros calendrier, mais on était content de représenter le football français avec Bordeaux (et Lyon, N.D.L.R.), encore en course. Pendant que Bordeaux se fait éclater 6-0 contre Parme, on passe par un trou de souris contre le Celta de Vigo et Bologne, un peu comme l’OM de cette année. Donc on se hisse jusqu’en finale. »


Un dénominateur commun : la ferveur populaire

SM : « L’Olympique de Marseille a su gagner le respect et sa popularité dans ce genre de moments. Tous les supporters étaient mobilisés, surtout lors de la demie face à Newcastle. Il n’y avait pas un endroit de la ville où on ne parlait pas de Coupe d’Europe. C’était incroyable ! Le temps semblait s’être arrêté. Au stade, l’ambiance était bien des crans au-dessus de celle d’un Classico, surtout qu’à l’époque, les matchs contre le PSG avaient moins d’intérêt sportivement parlant, ou de celles que j’ai pu connaître ensuite en Angleterre. »

JG : « Contre Newcastle au Vélodrome en demi-finale retour… Bah je n’ai jamais vu ça à Marseille. C’était le feu ! Un peu comme contre Leipzig cette saison. Il y a toujours de la ferveur ici, même les tours précédents, mais contre Newcastle, on a ressenti un truc vraiment spécial. »

RC : « C’est génial de jouer cette finale à Lyon. En 1999, si nous avions eu le plaisir d’accueillir Parme à Lyon, à Bordeaux, à Saint-Étienne ou n’importe où en France, on aurait adoré. Avec le poids du public marseillais, ça ne se serait peut-être pas passé pareil. Mais non, on a joué à Moscou… »

SM : « Finalement, le contexte de 2004 était un peu similaire à celui de 1999.

À Göteborg, on avait l’impression d’être isolés. On savait que l’événement était important, mais rien dans la ville ne nous renvoyait à ce sentiment.

On était fin mai, il faisait froid. Quand on se baladait dans les rues de Göteborg, on croisait quelques supporters avec des maillots de Marseille. C’était sympa, mais on avait l’impression d’être isolés. On était loin. On ne ressentait pas la ferveur dans les rues comme on aurait pu le faire si on avait été par exemple en Italie ou au Portugal. On savait que l’événement était important, mais rien dans la ville ne nous renvoyait à ce sentiment. »


Deux finales, deux histoires, une désillusion

RC : « Contre Parme, on arrive avec cinq joueurs importants qui sont absents : William Gallas, Christophe Dugarry, Fabrizio Ravanelli, Peter Luccin et Éric Roy. Et quand on regarde la compo de Parme aujourd’hui, ça fait peur (Buffon, Thuram, Cannavaro, Dino Baggio, Verón, Crespo, Chiesa, N.D.L.R.). C’était une énorme équipe. Nous n’avons pas existé, il n’y a pas eu de suspense. Pour nous, cette fabuleuse aventure s’est terminée en cauchemar. »

Vidéo

JG : « En finale, on tombe contre une très grosse équipe. Valence était alors clairement favori, un peu comme l’Atlético cette année. En plus, Didier (Drogba) n’était pas à 100%. »

CM : « On est allé à Göteborg avec la même envie et la même volonté que les tours précédents. Mais c’était la fin de saison et tout le monde était fatigué. Didier a joué la finale sur une seule jambe en étant blessé toute la semaine avant. Pas les meilleures conditions, sachant que la force de cette équipe était sa cohésion et son phénomène de devant qui tirait tout le monde vers le haut. Et puis, Valence était une équipe rodée. Le 4-4-2 de Rafael Benítez était très bien réglé et ils sortaient d’une finale de Ligue des champions l’année précédente. Aujourd’hui, si je devais avoir des regrets concernant cette finale, c’est sur la physionomie du match. Franchement, on était bien en première période. Et puis, Fabien Barthez se fait expulser malheureusement. Ça a fait basculer le match du côté de Valence. »

On ne saura jamais comment ça aurait pu se passer sans l’expulsion de Barthez, mais ça compte forcément. Ça nous a mis un coup derrière la tête.

JG : « Mais on tient bien, on pense repartir avec le 0-0 à la mi-temps, puis ça fait penalty et carton rouge pour Barthez juste avant la pause. On ne saura jamais comment ça aurait pu se passer sans ce fait de jeu, mais ça compte forcément. Ça nous a mis un coup derrière la tête. J’entre à froid, je n’ai pas le droit de toucher le ballon, et je ne peux rien faire. »

SM : « C’était frustrant parce qu’on n’a pas joué à armes égales. À dix contre onze, on savait que ce serait compliqué, mais on y croyait quand même. Didier était isolé et on s’est tous sacrifiés pour essayer de défendre. C’est sûr qu’on a pu apporter de la fierté aux supporters cette année-là, mais on parlera toujours plus de la finale gagnée face au Milan que de notre parcours. »


2018, une revanche à prendre avec la C3

CM : « Sur un match, si tout le monde est à son meilleur niveau, Marseille peut le faire. En tout cas, il faut qu’ils en profitent à fond. Ce n’est pas tous les jours qu’on participe à une finale de Coupe d’Europe, ça n’arrive pas souvent dans une carrière. Il faut savourer ce moment, surtout qu’on connaît l’ambiance qui règne à Marseille quand l’OM marche bien. Et là, c’est le cas. Il faut profiter de ce moment-là, du fait que la finale soit en France, et ne pas avoir de regrets. »

JG : « Je pense que l’équipe de cette année a plus d’armes pour renverser un favori. Techniquement, ils sont plus forts. Il y a plus de fougue, de jeunesse et d’insouciance. La solution ne venait quasiment que de Didier chez nous, alors que là, plusieurs joueurs peuvent faire la différence contre l’Atlético. Il faut leur rentrer dedans. »

SM : « Il y a des joueurs matures à Marseille. La solution pourrait venir de Dimitri Payet. J’ai l’impression qu’il sait se mettre à la hauteur de l’événement. Ce serait idéal de retrouver ce mercredi le Payet décisif qu’on a vu en équipe de France. Aujourd’hui, le seul risque serait de se mettre une pression trop importante et être trop dans l’émotion. Mais ça, c’est facile à dire, car il y a tout un pays qui sera derrière eux, du moins je l’espère. Le désavantage sportif peut être réduit par ce paramètre : jouer en France peut jouer dans le sens de l’OM. L’Atlético reste un ogre, mais je pense que Marseille aura plus les moyens de répondre à ce défi que nous à l’époque. L’essentiel est d’être là dès le coup d’envoi. »

RC : « Je leur souhaite d’avoir plus de chance à la fin.

Vu le parcours, l’OM a besoin de gagner pour que l’on puisse voir ça comme un exploit dans quelques années.

En 1999, pendant qu’on joue contre Bologne en demies, les Bordelais sont tranquillement devant leur télé en train de se préparer à gagner le championnat. Nous, on rentre à 4 heures du matin, et deux jours après, on joue contre Lens. On perd avec trois buts encaissés dans le dernier quart d’heure. On finit à un point de Bordeaux. Donc finalement, ce parcours nous a coûté le titre. Pour l’OM de cette année, les deux derniers matchs contre Salzbourg ont été très moyens. Surtout au retour. Donc vu le parcours, l’OM a besoin de gagner pour que l’on puisse voir ça comme un exploit dans quelques années. »

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