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- 23e journée
- Real Madrid/Deportivo La Corogne
Meurtre de Jimmy : après le drame, l’enquête et les mesures
Deux mois et demi après son dernier déplacement dans la capitale, le Deportivo La Corogne retrouve Madrid. Ce laps de temps, c'est également celui depuis la mort de Jimmy, membre des Riazor Blues. Retour sur ce drame, son enquête et les mesures adoptées pour contrer cette violence autour des stades espagnols.
Qu’il pleuve ou qu’il vente, les berges du Manzanares regorgent de joggeurs et de vélos. Elles s’étendent sur quelques kilomètres. Leurs espaces sont vastes, les voitures interdites et les familles de sortie. À une centaine de mètres du Vicente-Calderón, bien calé au milieu de ces rives, un petit mètre carré est rempli de bougies et de bouquets. Quelques badauds s’y attardent, d’autres ne daignent y jeter un œil. Ce mausolée improvisé rappelle que, le 30 novembre dernier, Francisco José Romero Taboada trouvait la mort. Plus connu sous le nom de Jimmy, il était l’un des membres des Riazor Blues, groupe de supporters du Deportivo La Corogne. À l’occasion d’un déplacement en terres rojiblancas, il avait croisé la route de hooligans d’un groupe ennemi, le Frente Atlético. Et était décédé, roué de coups et laissé pour mort dans le Manzanares. Ce samedi, le Depor est de retour à Madrid, cette fois pour y affronter le Real. L’occasion de revenir sur les résultats de l’enquête et les mesures adoptées par les autorités compétentes.
56 condamnés, 4 emprisonnés
Aujourd’hui lieu de recueillement, cette partie des rives du Manzanares ressemblait plus à une scène de guérilla urbaine ce dimanche 30 novembre. Aux alentours de 8h40, une soixantaine de personnes entament une violente bagarre qui va compter jusqu’à près de 160 participants. L’alibi n’est autre que la rencontre qui oppose l’Atlético de Madrid au Deportivo La Corogne. La vraie raison, elle, repose sur les divergences politiques des belligérants. D’un côté, les Riazor Blues, accompagnés de membres des Alkor Hooligans d’Alcorcon, sont d’obédience d’extrême gauche. De l’autre, le Frente Atlético et ses relents franquistes et fascistes sont rejoints par quelques hooligans du Sporting Gijón. À l’heure du petit déjeuner, alors que les Galiciens attendent le match sur les bords du Manzanares, ils sont attaqués par les hooligans locaux armés de pieds de biche et autres couteaux de cuisine. Après quelques minutes d’échauffourées, la police arrive enfin et ne peut que constater le lourd bilan : 10 personnes sont blessées. Pis, un membre des Riazor Blues, frappé à la tête et jeté dans le fleuve, est déclaré mort lors de son transport vers l’hôpital. La victime, Francisco José Romero Taboada, est âgée de 43 ans.
Suite à ce meurtre, la police espagnole lance l’opération Neptune – du nom de la place madrilène où les supporters des Colchoneros fêtent leurs victoires. Rapidement, et grâce aux caméras de surveillance placées sur les berges et le témoignage de riverains, une soixantaine de personnes est placée en détention. En début de semaine, les premières décisions judiciaires tombent. 56 participants de la bagarre meurtrière sont interdits d’enceinte sportive pour les cinq prochaines années et condamnés à 60 001 euros d’amende. Surtout, la police assure avoir identifié les quatre agresseurs directs dudit Jimmy. Aujourd’hui, Ismael López Pérez, Sergio Santiago Martínez, Francisco Javier Jiménez Linares et José Luis Zarzoso sont incarcérés dans des prisons différentes. Le premier cité a d’ailleurs été formellement identifié par la police scientifique comm l’un des deux hommes lançant Jimmy dans le Manzanares. Ses chefs d’accusation sont lourds : homicide volontaire et participation à une bagarre en bande organisée.
Paco Jémez : « Les mesures prises font du mal au football »
Suite à ce drame, les autorités compétentes ont tenté de masquer leurs fautes. Suite au cirque de la Fédération et de son comité des arbitres incapable de se réunir pour reporter la rencontre, il apparaît que la police n’a pas classé cette rencontre à risque malgré l’antagonisme connu entre le Frente Atlético et les Riazor Blues. De fait, la LFP et le Conseil supérieur des sports mettent en place différentes mesures : retrait de points pour les clubs qui n’aident pas à la lutte contre la violence, création d’un règlement pour les ventes des entrées, obligation pour les clubs d’avoir un directeur de la sécurité… Un tas de mesures qui provoque la colère de certains membres éminents de la Liga. Ainsi, Paco Jémez nous expliquait que les supporters du Rayo ont presque été interdits de déplacement à l’Atlético : « Je pense que les mesures qui vont être prises vont faire du mal au football. Combattre la violence, ce n’est pas arrêter celui qui vient avec son écharpe, sa banderole ou son fumigène. Ça n’a rien à voir avec la violence. » Ce plaidoyer ne risque pas d’empêcher les autorités compétentes de mettre en place un plan Leproux à la sauce espagnole.
Par Robin Delorme, à Madrid