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Mendilibar : « L’Espagne est devenue trop prévisible »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
5 minutes
Mendilibar : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L’Espagne est devenue trop prévisible<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Suiveur assidu de la sélection espagnole dans cet Euro 2020, José Luis Mendilibar répond aux questions avant la rencontre décisive pour la qualification en huitièmes de finale contre la Slovaquie. En préambule de ce match de la peur, l’entraîneur d’Eibar fait le point sur une situation vue de l’extérieur.

Bonjour José Luis. Qu’avez-vous pensé de deux premiers matchs de l’équipe d’Espagne dans cet Euro, soldés par deux matchs nuls contre la Suède (0-0) et la Pologne (1-1) ? S’il faut analyser les données de ces deux matchs à froid, j’ai l’impression que l’Espagne domine la rencontre parce qu’elle frappe plus au but que son adversaire et qu’elle tient le ballon à chaque fois. Mais d’un point de vue tactique, avoir la possession du ballon ne signifie pas forcément qu’on dirige la rencontre. Un contre éclair peut faire beaucoup plus mal qu’une possession longue, et nous avons pu le constater contre la Suède. En fait, il y a une réelle incapacité à finaliser les occasions de but du côté de l’Espagne, c’est là que réside le vrai problème. Dans un bon jour, Morata n’a besoin que d’une occasion pour marquer un but. Actuellement, c’est plutôt trois ou quatre occasions réelles pour un but… Je ne dis pas que l’erreur est interdite dans un tel cas de figure, mais marquer constitue une donnée essentielle dans le football. Aujourd’hui, l’Espagne doute dans ce domaine.

L’Italie, l’Allemagne, le Danemark… Dans ces équipes-là, je vois du mouvement et de l’agressivité pour déborder l’adversaire. Et au bout d’un moment, la finition est au rendez-vous, car il y a un état d’esprit conquérant. J’aimerais retrouver cela dans le jeu de l’Espagne

Avez-vous tout de même vu quelques améliorations contre la Pologne ? Pfff, pas vraiment. Luis Enrique n’a procédé qu’à un seul changement avec la sortie de Ferran Torres et la titularisation de Gerard Moreno. J’ai senti un peu plus de mouvement, mais c’était encore trop juste. L’Espagne doit encore travailler dans le dynamisme collectif. Quand je vois l’Italie, l’Allemagne, le Danemark… Dans ces équipes-là, je vois du mouvement et de l’agressivité pour déborder l’adversaire. Et au bout d’un moment, nous voyons que la finition est au rendez-vous car il y a un état d’esprit conquérant. Ce match de l’Allemagne contre le Portugal, c’était vraiment impressionnant ! Les Allemands avaient beau avoir perdu le premier match, on sentait bien qu’ils n’avaient aucun doute dans leurs intentions. J’aimerais retrouver cela dans le jeu de l’Espagne. Le jeu espagnol donne simplement l’impression de domination, mais à la fin, ce n’est pas le cas.

Luis Enrique a convoqué les joueurs les plus en forme en fin de saison pour constituer son groupe en vue de l’Euro, l’Allemagne possède plus d’expérience. Est-ce que cela peut affecter les performances de l’équipe ? L’Espagne est progressivement en train de se séparer de sa génération dorée : Piqué et Iniesta ont quitté la sélection après le Mondial en Russie, Ramos n’est pas convoqué, Busquets est gêné par le coronavirus… En fait, il n’y a plus que Jordi Alba pour insuffler cette âme championne à l’équipe. Et le reste doit majoritairement osciller entre 15 et 20 sélections. Quand Aymeric Laporte ou Pau Torres sont alignés en défense centrale, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils soient irréprochables tout de suite. L’expérience internationale entre en jeu, et peu importe le passé en club.

L’Espagne évolue dans un 4-3-3 très classique. Est-ce que nous ne sommes pas en train d’assister à la fin du jeu de possession longue ? Oui, mais la transformation se fait de façon progressive. Je constate dans cet Euro que les équipes les plus vaillantes à la récupération du ballon sont celles qui font la différence. Avoir ou non la possession, ce n’est plus la préoccupation de la majorité des équipes nationales, car elles peuvent très bien jouer sans ballon grâce à leur placement sur le terrain. À titre personnel, cela fait déjà plusieurs années de Liga que j’opte pour les attaques rapides et placées. Tu veux le ballon ? Pas de problème, je vais défendre et te contre-attaquer.

Ce qui m’interpelle le plus, c’est le monopole des attaquants dans la finalisation des actions. J’ai l’impression qu’à part les trois de devant, personne d’autre ne compte frapper au but. Dans le football, le danger doit venir de partout si tu souhaites surprendre ton adversaire !

Depuis le début de la compétition, les Espagnols ont frappé 29 fois au but pour 10 tirs cadrés et ils ont effectué 1625 passes, plus que toute autre équipe dans le tournoi. Pourtant, l’équipe n’a marqué qu’un seul but. L’Espagne pratique-t-elle un jeu trop prévisible ? L’Espagne est devenue trop prévisible, c’est une certitude. Ce qui m’interpelle le plus, c’est le monopole des attaquants dans la finalisation des actions. J’ai l’impression qu’à part les trois de devant, personne d’autre ne compte frapper au but. Dans le football, le danger doit venir de partout si tu souhaites surprendre ton adversaire ! J’ai trop rarement vu un défenseur ou un milieu de terrain tenter sa chance depuis le début du tournoi, cela manque de panache. Les passes, c’est bien, mais ce ne sont que des statistiques. Ça n’a jamais qualifié une équipe. Je vois trop de passes qui ne déstabilisent pas le bloc adverse. Je préfère une passe qui va casser une ou deux lignes adverses plutôt que dix passes latérales. Si l’objectif est de passer le ballon au gardien pour ne pas perdre le ballon et repartir constamment de l’arrière, bon… En tant qu’entraîneur adverse, je me frotte les mains, car le danger s’éloigne ! (Rires.)

Quels seraient vos conseils pour que l’Espagne évite un troisième match nul dans ce match face à la Slovaquie ? Je n’ai pas de conseils à donner à Luis Enrique, il est le mieux placé pour prendre les décisions relatives à ce match. Si mes calculs sont bons, un nouveau nul qualifierait l’Espagne parmi les meilleurs troisièmes (si la Pologne ne bat pas la Suède, l’Espagne terminerait troisième avec une différence de buts de 0, soit mieux que l’Ukraine (-1) et la Finlande (-2), N.D.L.R), donc un match nul ne serait pas une si mauvaise nouvelle. Mais au-delà de cette hypothèse, l’Espagne a besoin d’engranger de la confiance supplémentaire, et un succès pourrait lui permettre d’aller dans ce sens.

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Propos recueillis par Antoine Donnarieix

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