C'est un geste puéril et déplacé
Par Alexandre AflaloParce que l’arbitre a toujours raison, même quand il a tort
Perso, c’est vraiment la toute première chose qu’on m’a apprise quand j’ai foutu un pied sur un terrain de football. Alors je veux bien qu’on ait fait nos gammes dans deux pays différents, mais cette règle paraît quand même assez universelle : l’arbitre a TOUJOURS raison. Toujours. Même quand il fait une erreur manifeste qui peut s’apparenter à une injustice, l’arbitre est l’autorité suprême sur un terrain de football, et il faut la respecter. Or, Cristiano Ronaldo l’a ostensiblement méprisée avec son geste. La réaction du Portugais à cette décision, certes mauvaise, est beaucoup plus grave qu’une simple contestation un peu zélée : c’est un refus de reconnaître la légitimité de l’arbitre. Une façon de dire « si c’est comme ça, moi, je ne joue plus » . C’est une réaction de gamin, un caprice indigne d’un immense professionnel comme le bon Cristiano.
Jeter son brassard, ce n’est pas anodin
Plus que le fait de quitter le terrain, c’est le jet de brassard de Cristiano Ronaldo qui m’a surpris. Ou, plutôt, l’accumulation des deux. Cristiano qui jette son brassard en quittant le terrain, ça rappelle forcément les jets de maillot de Mateja Kežman ou d’Éric Cantona. Avec une symbolique forte : ta rage, ton émotion, te fait rejeter ton équipe et tes responsabilités. Le brassard n’est pas qu’un bout de tissu qui met en valeur ton biceps, Cristiano, il te confère un rôle, un devoir d’exemplarité, un certain état d’esprit collectif, une responsabilité vis-à-vis de tes coéquipiers que tu dois mener. Jeter ton brassard, c’est renvoyer l’image d’un capitaine de navire qui quitte la barre à la moindre contrariété, en disant à ses moussaillons : « Démerdez-vous ! » Si l’image égoïste du Portugais est souvent injustifiée, surfaite, ce geste-là trahit une autolâtrie inouïe, et surtout un abandon total du collectif.
Parce que si tout le monde réagissait comme ça, on ferait comment ?
Finalement, le plus ridicule avec cette réaction d’humeur, c’est sans doute le contexte dans lequel elle s’est produite. Ce n’était que le deuxième match de qualification à la Coupe du monde d’une phase de groupes qui en comptera dix. C’était certes contre un concurrent à la première place, mais dans un groupe largement à la portée du Portugal, qui aura pléthore d’occasions de se refaire. Est-ce que l’enjeu méritait vraiment une telle explosion ? On aurait dit qu’il s’était fait refuser un but décisif en finale de Ligue des champions. Certains y verront un esprit compétitif à toute épreuve, j’y vois beaucoup de ridicule et de bruit pour pas grand-chose. Des décisions arbitrales injustes, il y en a des dizaines toutes les semaines. Vous imaginez si tout le monde se barrait du terrain pour un oui ou pour un non ? Qu’est-ce qui fait croire à Ronaldo que son petit cas l’autorise à quitter le terrain et à bafouer les valeurs de ce sport ? « Se lever et se barrer » comme Adèle Haenel pourquoi pas, mais que ce soit pour une raison qui en vaille vraiment la peine. Et puis par ailleurs, on devrait être content : sans la VAR, sans la goal-line technology, l’arbitre a, et on en avait perdu l’habitude, pris une décision basée seulement sur ses deux yeux et sur son jugement. Une décision imparfaite, mais humaine, et surtout assumée, de celles qui ont fait jadis le sel de ce sport.
Alexandre Aflalo
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Je ne veux pas faire la balance, mais sachez que Nicolas a été l'un des premiers à se procurer un caleçon CR7 lorsque la collection est sortie. Difficile de faire moins impartial.
Un geste pour se rapprocher du peuple
Par Nicolas JuchaRonaldo ne veut pas être un dieu vivant
Il a marqué plus de buts en matchs officiels que quiconque, remporté cinq Ligues des champions, cinq Ballons d'or, tous les championnats où il a évolué sauf celui du Portugal. Le tout en préservant, à 36 ans, sa masse grasse à 7%. En clair, Cristiano Ronaldo a une maîtrise ultime de son corps et de ses émotions. Sauf que le Portugais, parangon de modestie, préfère laisser au commun des mortels l'illusion qu'il est imparfait. Ce pétage de durite à la fin de Serbie-Portugal n'en était pas un, simplement un immense jeu d'acteur - un indice sur sa future reconversion ? - pour montrer à l'arbitre du match le ressenti psychologique du supporter portugais lambda. Et accessoirement des victimes collatérales, les parieurs qui avaient misé sur son pion décisif.
Que celui n'a jamais fait de caca nerveux...
Soyons clair, au sein du tribunal médiatique qui accable Cristiano Ronaldo aujourd'hui, combien d'inquisiteurs n'ont jamais pété le moindre câble ? Insultes envers la maman de l'entraîneur de son équipe de cœur, rage quit après une énième défaite contre un pote à FIFA, PES ou Animal Crossing, pire, dispute avec sa moitié à propos de l'identité de celui qui doit sortir les poubelles... Chaque jour, des milliards d'humain craquent nerveusement comme CR7 a pu le faire - en apparence, hein - contre la Serbie. Certains esprits mal intentionnés - voire intellectuellement malhonnêtes - vont parler de non-respect du collectif, de la fonction de capitaine ou même du football. Et pourquoi pas de crime contre l'humanité tant qu'on y est ? Ronaldo n'est qu'un homme, avec de gros muscles et un petit cœur qui bat...
Parce qu'il est anti-VAR et aime la ponctualité
Et si CR7 était tout simplement un défenseur du football à l'ancienne, et que ce but refusé l'avait indigné parce qu'il faisait le jeu des pro-VAR ? De plus, au moment de quitter la pelouse, le temps réglementaire était dépassé depuis quatre minutes, quand l'arbitre avait indiqué trois minutes d'arrêts de jeu. Non, Ronaldo n'est pas un enfant capricieux, c'est un homme qui ne plaisante pas avec la ponctualité.
Nicolas Jucha
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Alexandre Aflalo se retranche derrière des sous-vêtements alors qu'il se fournit exclusivement chez Kahmo Sutra, la marque de Mathieu Valbuena. Petit, comme son argumentaire...
Par Alexandre Aflalo et Nicolas Jucha
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