- Droits TV
La fin de la récré ?
Vendredi dernier, la Ligue a lancé un appel d'offres pour les droits TV pour la période 2012/2016. Avec un vrai risque pour qu'ils soient en baisse...
Lancer un appel d’offres pour les droits TV (2012/2016) un vendredi 13 mai était-ce une bonne idée ? Le football français qui aime bien se flageller a répondu par l’affirmative. Depuis que Stéphane Richard, le boss d’Orange, a sifflé la fin de la récré (203M€ la saison pour 350 000 abonnés), les hiérarques de la Ligue 1 n’en finissent plus de consulter pour que la fuite en avant du sport numéro un de l’Hexagone ne se termine pas dans le ravin.
Il s’agit désormais de concilier l’inconciliable : la volonté de la Ligue de participer à la course à l’armement au niveau européen et de toujours empocher plus à l’heure où des pays comme le Portugal, les Pays-Bas, la Russie et l’Ukraine reluquent sans vergogne notre cinquième place à l’indice UEFA ; de l’autre, celle de Canal Plus, de moins en moins dépendant du ballon rond autochtone, de raquer beaucoup moins. Dans une interview donnée aux Echos en février dernier, Bertrand Méheut, le tycoon de la chaîne cryptée laissait entendre que « les droits sportifs sont encore trop chers. La réalité doit prendre en compte ce que nos abonnés sont prêts à payer. Il faut trouver un juste équilibre entre la réduction des coûts des droits et le maintien de l’indispensable qualité du spectacle que nos abonnés attendent. Mais n’oublions pas que la crise économique a impacté tout le monde. » Bref, la quadrature du cercle… Canal ne lâchera plus 660M€ comme fin 2004 quand il s’agissait surtout, dans le cadre d’un choix industriel, de tuer le bouquet concurrent (TPS) et n’est même pas sûr de vouloir encore payer 460M€ comme il y a trois ans. Les dirigeants de la chaîne reprochent surtout aux clubs français d’être trop « télé-dépendants » . Ils rêvent d’une élite à dix-huit clubs et d’une L2 qui ne « boufferait » pas près de 20% des droits (120M€ l’an). Un vœu pieux dans un royaume où les baronnies et les prébendes règnent en maîtresses.
Jusqu’à l’explosion des droits au mitan des 80’s, la plupart des escadrilles hexagonales équilibraient leur budget selon un principe des trois tiers : subventions, guichets, sponsors. La fin des aides directes des collectivités locales et l’émergence des chaînes privées ont fait périclitées cette répartition. Aujourd’hui, les droits télévisuels occupent près de 60% des budgets des clubs de L1. A la décharge des dirigeants français, on leur concèdera que les prix des places sont nettement moins chers que ceux de la Liga ou de la Premier League. Le spectacle n’est, il est vrai, pas le même…
Le deal pour la période de 2008/2012 (668M€ : Canal + Orange) était supérieur à celui de l’Espagne (550M€) et de l’Allemagne (412M€), même si ces deux pays devancent la France à l’indice UEFA. Cela n’empêche pas la Ligue 1 de cumuler 115M€ de déficit sur l’année. Il y a donc urgence à repartir en guerre pour trouver de nouvelles ressources, à l’export (vieille lune) et sur les droits mobiles. Jean-Pierre Louvel, le président de l’UCPF y croit encore et toujours : « Avec l’explosion des smartphones, le lot mobile peut valoir bien plus que les 60 M€ du dernier appel d’offre. La Ligue peut ensuite rendre son offre plus attrayante avec un match le vendredi, un autre le dimanche en début d’après-midi et une journée exceptionnelle durant la trêve hivernale, un peu comme le Boxing Day en Angleterre » . La répartition des lots (avec bien entendu un prix plancher pour le cas où) va dans ce sens. La Ligue proposait ainsi de nouveaux horaires : le vendredi soir (21h), le samedi après-midi (17h), le samedi soir (19 et 21h), le dimanche (14h), le dimanche après-midi (14 (là, on vise carrément le marché asiatique, waouh) et 17h) et le dimanche soir (21h). En dépit d’un optimisme béat qui frise l’incompétence, les dirigeants français demeurent contents d’eux-mêmes sur l’air du « on va y arriver » . Ils devraient plutôt réfléchir à la manière dont ils ont utilisé les 600 puis les 660 M€ (par saison) durant huit longues années. Aujourd’hui, les fans de foot n’ont plus une vision étriquée du ballon. Avec toutes les chaînes existantes, ils peuvent voir en action toutes les meilleures équipes du monde et la comparaison ne joue pas en faveur du pays de Jacques Abardonado. Dans tout l’Hexagone, on voit fleurir des maillots de l’Espagne et du Barça sur le dos de gamins enthousiastes… Une leçon à méditer, peut-être…
Canal Plus et la Ligue finiront de toute façon par s’entendre, même si le rapport de forces est clairement en faveur de la chaîne cryptée. L’instance pourrait lui vendre cinq lots pour un montant avoisinant les 500M€ (avec deux matchs décalés en plus). Restera à trouver un nouveau gogo prêt à acheter un match décalé, entre 70 et 80 M€ (une broutille pour un pensum pareil). Frédéric Thiriez et ses potes pourraient se le vendre à eux-mêmes puisqu’ils lancent en juillet CFoot, leur propre canal sur la TNT payante (4€/mois ou paiement à la séance), également disponible sur le câble, le satellite et l’ADSL.
En attendant que la FFF règle ses problèmes de quotas et d’options de jeu (et de joueurs), la Ligue pourra se consoler en se disant que l’Euro 2016 va rebooster le foot national par l’opération du Saint-Esprit (une coutume locale) et considérer que le paysage audiovisuel aura forcément changé. Les chaînes de la TNT auront peut-être investi dans les somnifères que dispense la L1, mais surtout que des mastodontes de l’Internet (Apple, Yahoo, Google, etc.) pourraient anticiper le développement de la télé connectée (réception de la TV via le Web) d’ici cinq ans. Alléluia…
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