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Kosovo : aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain

Par Matthieu Rostac
6 minutes
Kosovo : aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain

Il y a sept ans exactement, le Kosovo prononçait son indépendance. Entre-temps, l'équipe nationale a réussi à se faire tolérer par la FIFA et l'UEFA sans pour autant en être membre. Histoire et portrait d'une nouvelle nation du foot européen qui préfère conjuguer sa vie au futur plutôt qu'au passé.

5 mars 2014. Les spectateurs du stade Olympique Adem Jashari – du nom de l’un des fondateurs de l’armée de libération du Kosovo – viennent de s’ennuyer ferme pendant 90 minutes devant un bon gros 0-0 des familles. Pas grave, l’important est ailleurs : en accueillant Haïti à Mitrovica, la sélection nationale kosovare vient de disputer son premier match officiel plus de six ans après l’annonce de son indépendance le 17 février 2008. D’ailleurs, les 17 000 billets mis à disposition ont été écoulés en seulement sept heures trois jours plus tôt. Dans la foulée, la Fédération de football serbe avait demandé dans une lettre adressée à la FIFA la levée immédiate de cette autorisation arguant que l’équipe nationale du Kosovo arborait des symboles nationaux sur leurs maillots – chose proscrite par la FIFA elle-même – tandis que les travées étaient le théâtre de chants anti-serbes et de drapeaux brûlés. Vrai ou non, les Dardanët ont depuis disputé trois autres matchs amicaux officiels, le 21 mai contre la Turquie (1-6), le 25 mai contre le Sénégal (1-3), puis le 7 septembre contre Oman (1-0). Le tout, sous l’égide de la FIFA, même si cette dernière ne fait que « tolérer » la présence du Kosovo, le pays n’étant membre ni de la FIFA ni de l’UEFA. Dire que la situation du football kosovar est un vrai bordel relève de l’euphémisme. Comme une mise en abîme du contexte politique de son pays.

Football et politique ne font pas bon ménage

Lorsque le Kosovo déclare son indépendance en 2008, cela fait presque dix ans que le pays a été placé sous administration provisoire de l’ONU suite à la guerre qui fit rage entre 1998 et 1999. Ce même ONU qui enverra un observateur afin de proposer une indépendance au Kosovo en 2007. Proposition refusée par le Conseil de sécurité des Nations unies en raison d’un veto posé par la Russie, mais qui servira de base au Parlement kosovar pour annoncer l’indépendance du pays de manière effective et unilatérale l’année suivante. Si la Serbie, soutenue par la Russie, a bien tenté un recours pour invalider cette indépendance, le fait est que la Cour internationale de justice a considéré en 2010 que le Kosovo n’avait pas violé le droit international en prononçant son indépendance. Pourtant, quatre ans plus tard, seuls 110 pays (dont 108 membres des Nations unies) ont reconnu officiellement l’indépendance du Kosovo. Voilà pour la petite histoire politique.

Une controverse tout aussi vive en matière de football, la première demande d’adhésion à la FIFA du pays remontant au 6 mai 2008. Sauf qu’il faut être « un état indépendant reconnu par la communauté internationale » pour être accepté de l’instance du football mondial. À l’époque, seuls 51 états membres des Nations unies avaient reconnu l’indépendance. En mai 2012, la Fédération kosovare de football obtient de la FIFA une autorisation pour organiser des matchs amicaux avec son consentement… retirée quelques jours plus tard suite à une plainte de la Fédération de football serbe. Décision appuyée par Michel Platini, le président de l’UEFA considérant qu’il ne s’agissait là que de considérations politiques et que cette décision allait à l’encontre des statuts de l’UEFA. Quelques mois plus tard, neuf joueurs avec des origines kosovares, parmi lesquels Lorik Cana, Grani Xhaka ou encore Xherdan Shaqiri envoyaient une lettre à Sepp Blatter demandant que le Kosovo puisse jouer des matchs amicaux. Autorisation qui interviendra donc près de deux ans plus tard face à Haïti.

Albert Bunjaki et Albert Bunjaku sont dans un bateau

Avant ça, la sélection kosovare avait toutefois participé à plusieurs matchs, morcelés dans le temps comme le pays le fut par l’histoire. Les deux premiers matchs, disputés à neuf ans d’écart (le 14 février 1993 et le 7 septembre 2002), le furent en compagnie du voisin albanais. Ce même voisin avec qui le Kosovo disputera également son dernier match non-officiel le 17 février 2010. Entre-temps, la sélection kosovare aura trouvé le temps d’enchaîner deux victoires face à la sélection monégasque puis l’Arabie saoudite en 2006 et 2007, après avoir participé en 2005 à ce qui reste aujourd’hui son seul tournoi : le cinquantième anniversaire de la Fédération de Chypre du Nord de football, une poule à trois avec la Chypre du Nord et la Laponie. Un total de sept matchs joués en l’espace de dix-sept ans, donc, sans compter les oppositions réalisés avec divers clubs professionnels.

Mais sportivement, l’équipe du Kosovo, ça vaut quoi ? Malgré le fait qu’il dut attendre quatre ans avant de disputer à nouveau un match avec sa sélection (entre 2010 et 2014), l’entraîneur Albert Bunjaki est resté en place depuis 2009. Ancien adjoint à Kalmar FF, le technicien est avant tout un homme qui travaille avec les jeunes, lui qui fut un temps en charge des section jeunes du Örebro SK. Le profil type pour une équipe, mais aussi une Fédération qui a encore terriblement besoin d’emmagasiner de l’expérience, entrées sur la scène internationale véritablement l’année dernière et avec un féroce besoin de stabilité sur le long cours. À ce titre, la sélection peut s’en remettre à d’anciens footballeurs internationaux ayant décidé de rentrer au bercail. C’est notamment le cas de Samir Ujkani, le gardien remplaçant de Palerme, qui a décidé de faire une croix sur la sélection albanaise pour le Kosovo, tandis que l’attaquant Albert Bunjaku, ancien de Kaiserslautern et meilleur buteur de la sélection kosovare (2 buts), est revenu à Pristina après six sélections avec la Nati entre 2009 et 2010. De même que Mehmet Hetemaj, ancien d’Albino Leffe et de la sélection finlandaise (3 sélections).

Une génération entière de binationaux et une pépite de 17 ans

Surtout, si certains fils d’immigrés politiques pendant les guerres de Yougoslavie ont choisi d’honorer un autre pays – le meilleur exemple étant Adnan Zanuzaj, n’ayant pas répondu à une convocation du Kosovo contre Haïti – d’autres préfèrent défendre les couleurs des Dardanët au détriment de leur pays d’adoption. Et ce, malgré plusieurs sélections en équipe de jeunes : Bersant Celina, joueur de Manchester City, a dit adieu à la Norvège pour le Kosovo, alors que Lorent Sadiku, ancien de Helsingborgs, a choisi son pays de naissance après quelques sélections chez les U21 suédois. Certains joueurs, même, n’ont pas vu le jour sur la terre de leurs ancêtres, mais ont le Kosovo dans le cœur. Imran Bunjaku, né à Zurich, joueur des Grasshopper, et ancien des U21 albanais, ainsi que Flamur Kastrasi, récent champion de Norvège avec Strømsgodset, né à Oslo et qui joua longtemps en jeunes au pays de Tore André, Flo font désormais partie des cadres kosovars.

Le tout donnant un mélange hétérogène avec des joueurs éduqués principalement au football scandinave, suisse, voire allemand, dont le dénominateur commun aurait pu être la rigueur si seulement la Turquie ne leur avait pas collé un set de tennis le 21 mai dernier. Défensivement, tout reste à construire. Pour l’offensif, c’est une autre paire de manches. Anel Raskaj, capitaine de la sélection et un temps comparé à Zidane par son entraîneur de Halmstads Janne Andersson, peut encadrer le prodige Enis Bunjaki pour envoyer du jeu. Seulement âgé de dix-sept ans, le meneur des juniors de l’Eintracht Francfort compte déjà quatre sélections avec les Dardanët. Un gamin qui n’avait alors que quatre mois lorsque la guerre du Kosovo a débuté le 28 février 1998.

Lyon, au carrefour de ses ambitions

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