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Bordeaux, brisons le tabou
La qualification de Bordeaux mardi soir face à Sedan (1-0) pour les demi-finales de la Coupe de la Ligue a apporté deux confirmations. Primo, les Girondins ne lâchent rien et continuent leur petit bonhomme de chemin sur tous les fronts. Secundo : les joueurs de Laurent Blanc ne sont pas l'équipe offensive et esthétique vendue à longueur de temps. Explications.
Quelque part du côté de Sao Paulo, Ricardo doit sourire jaune. Bâtisseur du Bordeaux moderne (de 2005 à 2007), le coach brésilien ne ralliait pas les suffrages des esthètes malgré des résultats assez probants (vice-champion de France et une Coupe de la Ligue). Aujourd’hui, les Girondins sont devenus synonyme de beau jeu alors que pour l’essentiel, ce sont les mêmes éléments que cornaquait l’ancien mentor du Paris-SG. On le sait, le projet de jeu est principalement le fruit de l’entraîneur et partant, la tentation est grande de faire de Laurent Blanc l’artisan de ce changement d’étiquette. Après tout, joueur, l’ancien défenseur central de l’Équipe de France véhiculait une image de défenseur élégant, raffiné, véritable enfant de la balle à un poste où les bouchers le disputent souvent aux bûcherons. Personnage entier, peu réputé pour faire des concessions, Blanc apparaissait comme une promesse, celle d’un entraîneur qui ne concèderait rien sur une philosophie résolument offensive. Forcément. Sauf qu’on avait oublié que le même Blanc était aussi le pilier des Bleus de 98, sans doute les champions du monde les plus froids de tous les temps, Blanc patron de la défense peut-être la plus hermétique de l’histoire. Oui, loin des clichés faciles, il y a les faits. Et à bien y regarder, le grand écart vaut peut-être autant pour Blanc que pour son Bordeaux.
La meilleure organisation de L1
Qu’entend-on à propos des champions de France ? Ils proposeraient le plus beau football de la Ligue 1. Les arguments ? Laurent Blanc, on en parlé, mais aussi l’influence de Yoann Gourcuff, meneur racé s’il en est, probablement le joueur le plus proche au niveau de la gestuelle de Zinedine Zidane, dont la seule évocation convoque le grand frisson. Ajoutez à cela quelques highlights sous la forme de buts venus d’ailleurs signés du même Gourcuff et chacun aura compris que Bordeaux s’est imposé depuis plus de deux ans comme la référence offensive du football français. Ok, ok, mais regardons tout ça d’un peu plus près. Ce qui est sûr, c’est que Bordeaux joue bien, très bien même, dans le sens où il possède, et de loin, le plan de jeu le plus cohérent. Forts d’une qualité individuelle supérieure à la moyenne, d’une organisation bien rodée et d’une stabilité sans équivalent dans les équipes de tête, les Girondins dégagent les plus grandes certitudes collectives. Ici une exploitation permanente de la largeur grâce à des latéraux très offensifs, là une colonne vertébrale (Diarra, Gourcuff, Chamakh) d’une solidité extrême ou encore deux milieux de terrain (Wendel, Plasil) polyvalents, disciplinés et techniques, parfaits pour épauler Diarra à la récupération et soutenir Gourcuff à la création. Si l’on ajoute une charnière centrale fiable et complémentaire adossée à des bois toujours bien protégés (Carrasso et Ramé), on obtient le portrait-robot de l’équipe française la plus dominante du moment. L’affaire est donc entendue, Bordeaux pratique le meilleur football du pays. Le meilleur. Le plus beau ? Là, c’est beaucoup moins évident.
La leçon de Chelsea
Car il est temps de battre en brèche une idée largement répandue : non, les Girondins ne sont pas spectaculaires. Les joueurs de Laurent Blanc forment même avant tout une formidable machine à étouffer l’adversaire. Un constat qui trouve une traduction statistique : Bordeaux présente bien la meilleure défense de L1 (15 pions encaissés) pour seulement la troisième attaque du championnat (36 buts inscrits), derrière Lille (42) et Lyon (38). Un comble quand on songe aux difficultés offensives largement commentées des anciens patrons de place. Il faut aussi constater que contrairement à la mitraillette lilloise, le char girondin, solide en diable, très sûr techniquement, manque cruellement de vitesse, Gourcuff, Wendel, Plasil et même Chamakh n’étant pas exactement ce que l’on appelle des flèches. Au petit jeu des comparaisons, on est loin sur ce plan du grand OL des années Essien, Govou, Wiltord, Ben Arfa et autres Benzema, qui, eux, savaient aller très vite avec la gonfle. Faute d’accélérateurs de particules, Bordeaux mise plutôt sur sa mise en place toujours impeccable, sa circulation de balle très propre et, bonus extrêmement précieux, son efficacité surréaliste sur coups de pied arrêtés, en témoigne ce chiffre limpide : en Ligue des Champions, les Girondins ont planté 7 buts sur 9 sur phases arrêtées. En poussant un peu, on pourrait presque croire que l’on parle ici de Chelsea, maître absolu en la matière. Le temps de se souvenir qu’il y a un an et demi, Bordeaux avait encaissé une fameuse raclée à Stamford Bridge (4-0). Une claque comme une révélation de la voie à suivre pour les joueurs au scapulaire. Visiblement, la leçon a été retenue. Et nous de nous prendre à regretter que Bordeaux n’ait pas pris cette fessée par Barcelone…
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