Marseille, ton univers bouché
Après six saisons pleines dans le cœur étudiant de l’Ardeal roumain (Transylvanie), Billel Omrani a fait ses adieux au CFR Cluj après un énième sacre interne, et sera officiellement un agent libre d’ici quelques jours. Avant de poser ses guêtres ailleurs, le voilà en mesure de s’offrir une parenthèse enchantée avec les Fennecs, du côté d’Oran face à l’Ouganda, puis lors d’un déplacement en Tanzanie. S’il sortira sans doute du banc, l’occasion est rêvée de montrer aux Algériens, qui le connaissent encore peu, que son rôle peut sortir des canons classiques de la cabine d’essayage.

Nasser Chamed, international comorien évoluant au Chindia Târgoviște, qui l’a croisé durant quatre saisons avec son ancien club du Gaz Metan Mediaș, décrit « un joueur technique, puissant, clutch, capable d’évoluer sur tout le front de l’attaque, et qui n’a pas besoin de marquer pour être décisif » . « Souriant et blagueur hors des terrains » , toujours d’après Chamed, Omrani « aurait même pu claquer des saisons à 15-20 réalisations, avec plus de détermination, et faire son trou hors de Roumanie » . Passé pro à 17 ans dans la cité phocéenne après une saison à marcher sur la DH, le natif de Forbach (Lorraine), aurait pu se perdre au milieu de la matrice marseillaise, qui n’attend pas les retardataires. Si l’on regarde de plus près les parcours de ses collègues de génération Wesley Jobello, Najib Ammari, Chris Gadi ou Larry Azouni (dont la carrière reste honorable), tous promis à un grand avenir, Billel Omrani est celui qui a le mieux mené sa barque, et de loin.
Omrani à tout faire
Élu joueur étranger de la saison en Roumanie en 2019, le frère de l’heptathlonienne Yasmina Omrani n’est plus la tête brûlée grillant ses nuits sur la Playstation à l’OM ou à Arles-Avignon. Le calme de Cluj, loin de l’agitation de Bucarest, en ont fait un homme pondéré, fiable physiquement, irréprochable dans la vie d’un groupe et capable d'assurer les efforts défensifs. Apprécié pour son altruisme et son dévouement, adulé par les supporters, en somme. Pas convaincant pour Élie Baup, lofté par Marcelo Bielsa, évaporé sous Michel, brièvement international français U17, U18 et U19, Omrani s’est tout doucement extirpé des carcans qui lui imposaient d’évoluer en pointe, en pivot, sur la seule base de son physique. En se déportant sur l’aile - gauche ou droite selon les besoins - du 4-3-3 de Dan Petrescu le plus clair du temps, l'attaquant d'1,87m est en mesure de repiquer en utilisant ses points forts, pour aider à la construction, faire remonter le bloc et bien évidemment créer des situations par le dribble (petit pont, crochet extérieur), la passe filtrante, le centre en dernier recours.

S’il n’est pas un renard des surfaces à proprement parler (un seul exercice à au moins 12 pions toutes compétitions confondues), son match référence demeure à ce jour sa sortie au Celtic Park pour couler les Bhoys en préliminaires de Ligue des champions. Un duel épique, d’une intensité folle (4-3 pour le CFR), avec un doublé et une passe décisive pour le néo-international algérien, tout en justesse et caractère, qui susciteront l’intérêt du... Celtic, scotché par le rendement de ce bourreau de travail, et de Sheffield United, alors bien placé en Premier League. Buteur ensuite face à la Lazio en Ligue Europa, il participe à la campagne historique du CFR, qui collera deux 1-0 à Rennes, avant de pousser le futur vainqueur sévillan au bord du précipice (but de la qualification annulé à la suite d'une main de l’ancien Monégasque Lacina Traoré, au grand dam d’Omrani & cie). Si l’histoire est coquine, Islam Slimani et Billel Omrani formeront peut-être une chorale en juin 2023, dans un but précis : hurler un nouveau et grandiose « On est champions d’Afrique ! » , coupe en main.
Par Alexandre Lazar Propos de Nasser Chamed recueillis par AL
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