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Yassine Belattar : « Le PSG est en train de passer à côté de son histoire »

Propos recueillis par Maeva Alliche
Yassine Belattar : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le PSG est en train de passer à côté de son histoire<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Humoriste, journaliste, animateur radio, directeur de théâtre, Yassine Belattar cumule les casquettes, mais avec toujours le même état d’esprit, celui de l’engagement. Cet « ayatollah de la banlieue » comme il se définit lui-même, ne cesse de la défendre au quotidien. Son rôle de conseiller de Pierre Ferracci au Paris FC n’y échappe pas, car banlieue et football sont deux parts intégrantes de son ADN.

Ton spectacle s’appelle Ingérable, qu’est-ce qui est ingérable selon toi dans le football ?
Les mecs de banlieue qui gagnent de l’argent. Tous ces nouveaux mecs, les nouveaux riches deviennent très vite ingérables, comme Ben Arfa ou Nasri. Moins Benzema, lui il sait ce qu’il fait quand même. Ces mecs qui partent de rien et qui gagnent très vite beaucoup d’argent deviennent des types qu’on a très vite du mal à gérer. C’est très difficile de les freiner, être riche ça s’apprend.

Est-ce que ça n’est pas moins un problème de venir de banlieue, qu’un problème d’entourage ? Aussi, mais je me permets de dire ça parce que j’émane moi-même de banlieue, donc je le ressens. J’aimerais dire que ça ne touche pas les jeunes des quartiers, mais malheureusement aujourd’hui beaucoup ont un entourage qui est plus intéressé par l’argent que par la performance même du joueur. Après oui, t’as des mecs de banlieue clean, comme Blaise Matuidi qui est irréprochable. Il m’a l’air d’être plutôt bien construit, à part quand il met une photo de sa meuf sur Twitter, mais sinon c’est un mec intelligent. Même Benzema, il est bien, et pourtant, j’étais le premier à dire qu’il n’avait pas sa place à l’Euro. Force est de constater que ce mec, ça se sent, est un mec intelligent.

L’affaire de la sextape, c’était pas hyper intelligent pour le coup, si ?
C’est fâcheux à n’en pas douter, ça lui a coûté l’équipe de France. Ce qui a été bouleversant pour lui, c’est qu’il a eu la double peine, sportive et sociétale. Y a plein de gens qui l’ont défoncé en disant « c’est une kaïra » . Là j’ai l’impression, de ce que je vois de Benzema, qu’on ne parle plus que du sportif. Sur cette saison, c’est l’un des meilleurs mecs du Real Madrid. Je pense que Deschamps manque d’indulgence le concernant. Il a fauté, il a payé, c’est comme un mec qui va en prison, quand il ressort, heureusement qu’il y a la réinsertion.

Pour toi, il serait temps de le reprendre ?Il ne fait pas le même sport que les autres. Gameiro, Giroud tout ça, c’est de la flûte. Je ne change pas mon point de vue sur sa mise à l’écart, elle était justifiée, c’est pas un arabe, c’est pas un noir, c’est pas un blanc, c’est juste un mec qui se retrouve dans une affaire de sextape, n’importe qui aurait eu la même sanction. Avant même cette présidentielle, on était dans une moralisation des personnes qui ont des privilèges. Ce qui a été problématique au sujet de Benzema, c’est qu’une partie de la société française s’est emparée de l’affaire de manière tout à fait raciale. Mais pour moi, Deschamps n’a pas succombé à la pression d’une frange raciste. Benzema a joué la mauvaise carte avant l’Euro, au lieu de dire « je vous souhaite un bon Euro, on ne m’a pas pris, mais je vous retrouve en octobre » , il a fait une sortie qui peut être prise comme de l’aigreur. C’est comme quand tu te sépares d’une meuf ou d’un mec, tu as toujours l’impression qu’il va être malheureux après toi. Et le problème, c’est que sans lui, l’équipe de France marche bien, du coup Deschamps ne voit pas de raison de le reprendre.

Le PSG, c’est pas notre club, c’est le club du Qatar. Plus les années avancent, plus on le remarque. Lucas, il ne vient pas d’Épinay-sur-Seine, Zlatan ne venait pas des Mureaux, ce club ne représente pas la région dans laquelle il se trouve.

Tu as déclaré avoir toujours eu une histoire d’amour compliquée avec le PSG, pourquoi ?Déjà, de par mon âge, j’étais lié à l’OM. Je suis né en 1982, c’est le club représentatif de mes émotions footballistiques comme beaucoup de gens de cette génération. Ensuite, quand j’ai commencé à vouloir investir dans le foot, il fallait que ça soit un club qui soit au niveau de mes ambitions de banlieusard, c’est tout simplement le Paris FC que j’ai choisi. Aujourd’hui, j’y suis en tant qu’administrateur et conseil auprès du président. L’idée est de dire que le PSG, c’est pas notre club, c’est le club du Qatar. Plus les années avancent, plus on le remarque. Lucas, il ne vient pas d’Épinay-sur-Seine, Zlatan ne venait pas des Mureaux, ce club ne représente pas la région dans laquelle il se trouve. Quand je vais au Parc, que je vois le prix des places, quand je vois la construction de ce club aujourd’hui pour riches, pour les bourgeois, je leur dis : « Vous êtes en train de passer à côté de votre histoire. » Aujourd’hui, le PSG a un problème de représentativité du bassin parisien, qui est pourtant le plus grand bassin footballistique d’Europe. Je suis un ayatollah de la banlieue parisienne, et pour moi, il doit exister, en région parisienne, un club composé uniquement de joueurs du coin.

Tu penses qu’un tel club peut un jour rivaliser avec des clubs de Ligue 1 ? Il y a juste à regarder l’Athletic Bilbao, c’est un club qui a un ancrage régional très fort et qui arrive à rivaliser avec le reste de la Liga. C’est ce que je veux au Paris FC, où être issu de Paris ou sa banlieue doit être une condition sine qua non pour pouvoir y jouer. Du 78 jusqu’au 95, tous les mecs qui joueront pour le Paris FC se diront : « C’est un truc de ouf, ce qu’on représente. » Ma mission, dans les trois ans qui viennent, est de fédérer toute l’élite francilienne autour de ce club, il faut qu’il soit une auberge pour tous les talents franciliens et que tous les mômes se disent : « Ok, le club populaire dans lequel je veux faire mes armes pour un jour y devenir pro, c’est le Paris FC. »

Tu es aujourd’hui conseiller de Pierre Ferraci, président du Paris FC, est-ce que tu pourrais t’imaginer en président de club un jour ? Pas maintenant, mais à terme oui. J’ai trop d’estime pour le président Ferracci, et les gens qui font vivre le club pour prétendre aujourd’hui en prendre la tête. La réalité est que ce qu’ils ont fait, je ne l’ai pas fait. En plus, ça peut paraître vachement prétentieux d’être cumulard. Un club de foot, c’est du quotidien, c’est pas Yassine Belattar qui arrive en tribune et qui sert des mains. Être président de club, pour mon ego, je dirais que c’est intéressant, mais en réalité ça pourrait être préjudiciable car ce n’est pas compatible avec mon humour.

Moi, j’étais 10, comme beaucoup de rebeus, et j’aimais bien faire des passes décisives, j’aime bien mettre des mecs en avant. Je n’ai pas acheté un théâtre parce que je suis un égoïste, j’ai acheté un théâtre parce que ça me fait vachement plaisir de voir des mecs monter sur scène, dire des choses.

Est-ce qu’il y a un sujet en rapport avec le foot qui pourrait t’inspirer pour un futur spectacle ? En fait, tout au long de la journée, je fais souvent des analogies avec le foot, je n’attends pas mon spectacle pour en parler. Par exemple, en discutant avec mon associé tout à l’heure, je lui disais au sujet de l’attitude de Mélenchon pendant l’entre-deux-tours que le mec a perdu, la finale c’est Barça-Real et que lui, malgré tout, il veut rester. C’est comme si Lorient disait : « Je veux jouer. » La réalité est que le foot fait partie intégrante de ma construction, de ma rhétorique, d’ailleurs on dit souvent que tu te comportes dans la vie comme tu es sur le terrain. Moi, j’étais 10, comme beaucoup de rebeus, et j’aimais bien faire des passes décisives, j’aime bien mettre des mecs en avant. Je n’ai pas acheté un théâtre parce que je suis un égoïste, j’ai acheté un théâtre parce que ça me fait vachement plaisir de voir des mecs monter sur scène, dire des choses.

Pour reprendre l’affiche de ton spectacle, pour avoir fait des vannes sur les footballeurs à qui pourrais-tu être comparé ?Je ne fais pas de vannes sur les footballeurs, j’ai beaucoup d’estime pour eux, ce sont des artistes incompris pour beaucoup. Il y a beaucoup de solitude chez les footballeurs. Moi, ce que je veux, c’est qu’ils prennent conscience de leurs poids dans la société. Un footballeur qui montre son cul, ça fait plus vite le tour du monde qu’un accord de paix. Aujourd’hui, j’ai l’âge d’une fin de carrière en Ligue 1, et j’ai envie de dire aux plus jeunes qui pourraient être mes petits frères : « Les gars, vous ne vous rendez pas compte de l’impact que vous avez, même sur les fachos. » Y a des fachos qui scandent le nom de Zidane alors qu’ils détestent les arabes. Les footballeurs doivent plus prendre conscience de ce qu’ils représentent et la balle est de leur côté.

Propos recueillis par Maeva Alliche

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