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Wimbledon : la véritable histoire du Crazy Gang…

Par Thomas Pitrel
Wimbledon : la véritable histoire du Crazy Gang…

Cela s’est passé quelques années avant la création de la Premier League : la formation d’une escouade de 12 salopards, et même un peu plus, un commando de cinglés complets qui déferla sur le football anglais, arrachant les têtes de leurs adversaires pour leur chier dans le cou. Ils s’appelaient Vinnie, Dennis, John ou Lawrie, mais on les appelait le Crazy Gang. C’était le bon vieux temps à Wimbledon.

Cet article est issu du hors-série « Bad Boys » de SO FOOT publié en 2016.

Il n’a été nommé entraîneur de Wimbledon que depuis quelques jours lorsque Bobby Gould se retrouve devant la porte du motel miteux où ses joueurs ont l’habitude de descendre lors de leurs tournées estivales en Suède. Nous sommes en 1987, et le club londonien fait déjà trembler la première division anglaise depuis un an, sans avoir pour autant perdu ses réflexes prolétaires. « Ce n’est pas notre standard, n’est-ce pas ?souffle l’ancien joueur d’Arsenal à son adjoint Don Howe, également passé chez les Gunners. Dis aux gars de ne pas défaire leurs valises, nous allons ailleurs. » Après un coup de fil au tour operator, Bobby fait migrer sa troupe vers un hôtel quatre étoiles et marque clairement sa volonté de faire les choses à sa manière. Problème : l’effectif ne l’entend pas de cette oreille, lui qui est parvenu à passer de la D4 à la D1 en quatre ans, à la force du poignet. « Un peu plus tard, je suis rentré dans ma chambre, se souvient le coach. Ils avaient rempli la baignoire d’eau et avaient mis absolument toutes mes affaires dedans. Ils avaient aussi foutu mon lit sur le balcon. » Sur le mur, un message : « Welcome to the Gang. »

Traîné par un bateau de pêche, la tête dans l’eau

Bobby Gould vient de mettre un pied dans la plus belle aventure du football anglais, et l’autre chez la plus belle bande de timbrés de l’histoire. « Parce que ce bizutage était vraiment une façon de me souhaiter la bienvenue, ils le faisaient avec tout le monde » , sourit aujourd’hui le sexagénaire. Sans prétendre à l’exhaustivité, on relèvera simplement que son prédécesseur avait retrouvé son lit dans l’ascenseur, et que la plupart des jeunes recrues se retrouvaient à poil devant l’objectif des photographes, ou sur le toit du bus, ou abandonnées sur une aire d’autoroute. Parfois, ils se faisaient aussi pisser dans les godasses, quand celles-ci n’étaient pas clouées au sol. Lors d’un voyage en Finlande, le kiné s’était, lui, retrouvé attaché par les chevilles à un bateau de pêche et traîné la tête dans l’eau pour voir combien de temps il pouvait tenir. Mais ce n’était rien à côté du niveau atteint au moment de l’arrivée d’Eric Young. Ce dernier avait en effet commis l’erreur de venir aux entraînements avec l’équipement de Brighton, son ancienne équipe. Ses coéquipiers l’ont déshabillé avant de brûler ses fringues dans le vestiaire, déclenchant l’alarme incendie. Lorsque les pompiers sont arrivés, ils ont découvert l’intégralité de l’effectif en train d’exécuter une danse indienne autour du feu. « Quand on arrivait, le défi était intense, confirme l’ancien défenseur John Scales, membre de la tribu de 1987 à 1994. Mais pour ceux qui le supportaient, ça valait le coup, ils s’intégraient alors dans le groupe le plus soudé qui soit. »

Le coach Dave Bassett nous encourageait clairement à nous battre. Ça pouvait être dans un pub, en déplacement, à l’entraînement, n’importe où.

Car la folie du Gang n’est pas seulement due à l’esprit d’étudiants attardés de la plupart de ses joueurs, elle a été savamment pensée et théorisée par un homme : Dave « Harry » Bassett. Auteur d’une honnête carrière amateur terminée à Wimbledon, ce docteur Frankenstein fait ses premières expériences en tant qu’entraîneur-adjoint en 1977, au moment où, après de nombreuses tentatives, les Dons obtiennent enfin le statut professionnel et intègrent la quatrième division. Gradi, le coach de l’époque, adepte d’une discipline de fer, a alors le plus grand mal à contrôler un effectif très jeune. Sans doute parce que Dave les couvre à chaque fois qu’ils se mettent des beignes à l’entraînement ou qu’ils décident de mettre une boîte en carton ou de l’huile à friture bouillante sur la tête d’un chauffeur d’autocar lancé à 130 km/h. « Il a créé de toutes pièces une atmosphère de folie, clame Matt Allen, auteur du livre The Crazy Gang. Pendant les entraînements, avant les matchs, pendant les matchs, il a vraiment voulu que Wimbledon devienne cette équipe puissante et agressive qu’elle est devenue. Il a injecté sa folie personnelle dans l’équipe. Il savait que Wimbledon n’aurait pas les moyens de se payer des joueurs pour réussir, et que, donc, il fallait développer un style unique. » Mais pour appliquer ses idées, Dave avait besoin d’un coup de pouce du destin.

Du cerveau de chameau et des testicules de mouton

Ce coup de pouce a un nom : Sam Hammam. Sam aime se définir comme un « homme des rochers » parce qu’il est né dans les montages du Chouf, au sud-est de Beyrouth. Mais il a surtout fait fortune en participant à la construction de l’aéroport d’Abu Dhabi puis en investissant dans le BTP en Arabie saoudite au moment du boom pétrolier, avant que la guerre du Liban ne le fasse fuir vers Londres à 30 ans, en 1977. À peine débarqué dans la capitale anglaise, l’homme d’affaires tente d’investir à Chelsea après une discussion avec un chauffeur de taxi supporter des Blues, puis finit par acheter 30 % des parts de Wimbledon, juste parce qu’à la base, son sport, c’est le tennis, pas le football. Ce qui ne l’empêche pas de se prendre au jeu. En février 1981, lorsque l’ancien propriétaire file à Crystal Palace en embarquant Dario Gradi, Sam Hammam rachète tout : le club, le stade et le pub accolé au stade. Puis il installe Dave Bassett au poste de manager. Question méthodes de management, les deux hommes sont exactement sur la même longueur d’ondes. En guise d’échauffement avant les matchs, Dave demande à ses joueurs de courir les bras en l’air en hurlant « Power ! » jusqu’à se casser la voix afin de troubler l’adversaire. De son côté, Sam n’hésite pas à interrompre les speechs de l’entraîneur pour menacer ses joueurs de leur faire bouffer du cerveau de chameau ou des testicules de mouton s’ils ne gagnent pas. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Vinnie Jones en 1987

Tout va tellement bien que l’équipe commence rapidement à grimper les échelons de la gloire. « Nous étions une bande d’espoirs formés au club avec des caractères très forts, nous avions grandi ensemble, se souvient Glyn Hodges, né à une poignée de miles de Plough Lane, le stade de Wimbledon. Dave Bassett nous encourageait clairement à nous battre. Ça pouvait être dans un pub, en déplacement, à l’entraînement, n’importe où. » À la moindre friction entre deux joueurs, le reste du groupe forme un cercle autour d’eux pour les laisser se bastonner, et à la fin des séances d’entraînement est souvent organisée une petite partie de « Harry Ball » ; un mélange fou entre rugby et catch. Le week-end arrivé, ces exercices inhabituels permettent au Crazy Gang d’être fin prêt pour appliquer sa stratégie : balancer de longs ballons devant et mettre une pression physique dingue à l’adversaire. « Grâce à ça, dès que la balle était dans la surface, ils étaient capables de jouer des coudes pour la récupérer, valide Bobby Gould. Tout ce dont on avait besoin, c’était d’un gardien capable de dégager à 90 mètres et d’un mec de 1,90 m en pointe. »

Fash the Bash et son frère homo

Le mec en question s’appelle John Fashanu. Cauchemar de tous les défenseurs, le style de jeu du colosse est parfaitement décrit par Ronnie Brooks, un recruteur de Norwich City où il a commencé sa carrière : « Fash ne faisait pas de prisonniers. Même quand il était gamin, vous préfériez toujours l’avoir dans votre camp plutôt que dans celui d’en face. » Peut-être parce que, tout gamin, John a été traumatisé quand son père a décidé de repartir au Nigeria. Placé dans un orphelinat, il resta complètement muet pendant plusieurs mois. Quelques années plus tard, il est une certitude : Fashanu ne donnait jamais sa part au chien, ni sur le terrain, ni en dehors, où son désintérêt pour l’alcool ne l’empêchait pas de distribuer des patates de temps à autre. Peu de temps après son arrivée, il suit ses coéquipiers en discothèque lorsqu’on lui rapporte qu’un joueur de Queens Park Rangers, également présent à la soirée, répand des rumeurs sur les penchants homosexuels de son frère Justin, également footballeur pro. John suit le corbeau jusqu’aux toilettes pendant que ses collègues du Crazy Gang sécurisent la zone… mais Justin intervient avant qu’il n’ait eu le temps de lui démolir le portrait. Plus tard, il évoquera l’incident en ces termes : « Aujourd’hui, Justin n’est plus là(son frère s’est suicidé en 1998, N.D.L.R.), et s’il ne m’avait pas arrêté ce jour-là, ce joueur ne serait plus là non plus. Donc s’il lit ça, il ferait mieux de faire ses prières et de remercier mon frère, parce que sans lui, il ne serait plus de ce monde, mon pote. »

Sur le terrain, « Fash the Bash » , recruté en mars 1986, donne juste l’impulsion nécessaire à Wimbledon pour consolider sa promotion dans l’élite du football anglais. Un exploit célébré à sa juste valeur. « Quand nous avons repris le train pour King’s Cross après le dernier match, nous avons fait une énorme bringue à l’intérieur, qui a continué ensuite. Pas seulement pour la soirée, mais pendant des jours » , évoque Glyn Hodges. Cette bande de fous venait de donner tout son sens au mantra répété match après match : « We came, we scored, we fucked up home » ( « on est venus, on a marqué, on s’est barrés à la maison » ). D’après Matt Allen, cette troisième montée en quatre ans validait surtout les méthodes d’un homme : « Réussir à donner à ses joueurs l’envie de gagner à ce point, ce n’est l’apanage que des grands managers comme Arsène Wenger, Harry Redknapp ou José Mourinho. Techniquement et tactiquement, Dave Bassett était loin de ceux-là, mais il pouvait prendre des joueurs très moyens, les améliorer et les transformer en individualités assez fortes pour réussir ce genre de choses. » En dehors des joueurs du cru que sont Dennis Wise ou Wally Downes, Dave Bassett et Sam Hammam ont réuni une belle brochette de cinglés que le monde va apprendre à connaître, comme Nigel Winterburn, Dave Beasant, Lawrie Sánchez. Et Vinnie Jones.

Vinnies Jones aime manger des oreilles

Aujourd’hui, Vinnie Jones est souvent le premier nom que l’on cite dès que l’on évoque le Crazy Gang. Peut-être pour sa reconversion à Hollywood. Peut-être parce qu’à peine arrivé, il s’était adressé un peu durement à Kenny Dalglish, la star de Liverpool, qui venait de le tacler ( « Fais encore ça une fois, mon pote, et je t’arrache l’oreille pour chier dans le trou » ) avant de tirer l’oreille du pauvre Kenny sur chaque corner. Peut-être aussi pour ses innombrables frasques en dehors du terrain, ses cicatrices sur le visage après des bastons avec des gitans ou l’habitude qu’il avait prise de se pointer à l’entraînement avec une batte de baseball. « Quand tu construis une équipe, tu cherches de bons joueurs, pas des types pour marier ta fille » , a un jour raisonné Dave Bassett pour justifier son recrutement en novembre 1986. Mais pour vraiment comprendre Vincent Jones, il faut commencer par évoquer son principal fait d’armes en tant que joueur. C’était le 6 février 1988, Wimbledon recevait en championnat Newcastle et sa jeune pépite, un certain Paul Gascoigne, que Bobby Gould avait confié aux mains expertes de Vinnie. Ce dernier avait donc offert un cliché mythique aux photographes en malaxant les testicules de son vis-à-vis, puis une réplique non moins mythique récitée de mémoire par Gazza himself : « Il s’est approché de moi pour me dire :« Je m’appelle Vinnie Jones, je suis un gitan, je gagne beaucoup de fric et je vais t’arracher l’oreille avec les dents, puis tout recracher dans l’herbe. Tu es seul mon gros, tout seul avec moi ! » Tout le temps, j’ai senti son souffle derrière moi, comme un dragon. Je ne me suis jamais plaint d’être taclé, mais il s’agissait à chaque fois de pures agressions ! À un moment, il m’a craché au visage en me disant :« Je vais juste tirer un corner, mais ne t’inquiète pas, mon gros, je reviens ! » »

Vinnie Jones & John Fashanu

L’anecdote est connue, mais moins ce qui a suivi. En rentrant aux vestiaires, Gascoigne a éclaté en sanglots, puis a décidé d’envoyer des fleurs à Vinnie. Ce dernier a répondu en faisant envoyer une brosse à chiottes à sa victime. Deux semaines plus tard, les deux équipes se retrouvaient en Cup, Wimbledon l’emporta 3-1, et Jones, élu homme du match, repartit avec une télé neuve sous le bras. Sur le chemin du retour, il fit arrêter le car devant l’hôpital le plus proche, provoquant l’inquiétude de toute l’équipe. Il se présenta à l’accueil, posa la télé sur le comptoir, demanda à ce qu’elle soit installée dans l’aile des enfants, puis remonta dans le bus. Pendant un temps, quand le Crazy Gang est arrivé en D1, le personnage de Vinnie contribua même à rendre l’équipe sympathique aux yeux du public. Quand ils sont arrivés en première division, il y avait l’attrait de la nouveauté, ils arrivaient des petites divisions, ils n’avaient pas d’argent, les médias adoraient ça, explique Matt Allen. Ils aimaient le fait que Vinnie Jones ait travaillé sur des chantiers avant de faire du football. Ça n’avait rien à voir avec les autres équipes. À cette époque, Paul Gascoigne pesait quelques millions de livres, alors que l’intégralité de l’effectif de Wimbledon devait à peine valoir un million. On tenait presque l’équivalent anglais du fameux Petit Poucet. Mais un Petit Poucet qui utilise ses bottes de sept lieues pour marcher sur le monde et mettre des coups de pied au cul de ses adversaires.

L’équipe la plus détestée d’Angleterre

Assez vite, alors qu’on ne leur donnait aucune chance, les joueurs de Bobby Gould commencent à décrocher des victoires contre Manchester United et Chelsea (deux fois) et même Liverpool à Anfield. « Il y a un journaliste qui avait écrit que si Wimbledon n’était pas relégué à la fin de la saison, il nous enverrait une caisse de champagne, se délecte Glyn Hodges. Nous avons fini 6es, et nous avons bu son champagne pour fêter ça. » Wimbledon sera maintenant l’équipe la plus détestée d’Angleterre, que ce soit par ses adversaires, par ses fans, ou par les commentateurs. Toujours amateur de bons mots, Gary Lineker déclarera notamment qu’il « préférait regarder Wimbledon sur Ceefax (le télétexte anglais)plutôt qu’à la télé » . Mais les critiques ne font que renforcer l’esprit d’équipe. Elton John ayant réussi à convaincre Dave Bassett de signer dans son club de Watford, c’est Bobby Gould qui va grimper sur le banc pour cueillir son plus incroyable fruit, un an plus tard.

Après avoir sorti Newcastle de la Cup grâce à Vinnie Jones, Wimbledon élimine Watford, puis Luton Town, et se qualifie pour la finale face au grand Liverpool. La veille de l’événement, Gould applique les techniques de gestion des troupes propres au club. « Je les ai envoyés dans le pub au coin de la rue, pour aller boire quelques bières. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient tristes et inquiets. Je leur ai dit de se relaxer et d’être heureux, de ne pas avoir peur. Je savais que s’ils se relaxaient le vendredi, ils seraient bons le samedi. » Même si, ce soir-là, la majorité de l’effectif rentre passablement éméchée dans son hôtel de Wimbledon Village, l’entraîneur n’est absolument pas inquiet. « Dennis Wise et Alan Cork ont entraîné le gardien en tirant des penaltys à la façon du tireur de Liverpool pendant deux heures après le dernier entraînement. Le lendemain, Liverpool a eu un penalty, et Dave Beasant est devenu le premier gardien à arrêter un penalty en finale de Cup. » Mieux : à la 37e minute, Lawrie Sánchez inscrit d’une tête décroisée le seul but pour l’une des plus grosses surprises en finale de Cup. Avant de rejoindre ses joueurs au pub pour fêter ce qui reste le seul titre au palmarès du club, Bobby Gould va faire une apparition en conférence de presse : « Jusqu’ici, vous avez toujours eu votre mot à dire. Voilà le mien : rien. » On peut le dire : les relations avec la presse n’ont jamais été très cordiales. Conceptualisées par le propriétaire du club, Sam Hammam, les réprimandes contre les journalistes médisants étaient réparties en trois niveaux, selon la gravité : 1. Une douche d’eau glacée ; 2. Un seau de jus de myrtille sur la tête ; 3. Les plus méchants étaient déshabillés et traînés dans la boue et la merde de chien avant d’être balancés dans une flaque.

Du Crazy Gang à la Premier League

Apothéose d’une histoire de fous, la victoire en Cup a aussi marqué le début de la fin pour le Crazy Gang. « Il était assez clair après ça que l’équipe allait exploser d’une certaine façon, annonce John Scales le fataliste. Sam Hammam voulait faire rentrer du cash, Bobby Gould voulait de nouvelles têtes et nous avions changé de dimension. » Les figures de proue du groupe commencent alors à quitter le navire les unes après les autres, à commencer par Vinnie Jones en 1989, puis Bobby Gould et Dennis Wise en 1990, mais le pire coup de poignard à l’esprit du clan est sans doute donné un an plus tard. En 1991, le plan de modernisation des stades ayant suivi la catastrophe de Hillsborough, couplé à l’approche de la Premier League, pousse Sam Hammam à faire migrer les matchs de son équipe vers Selhurst Park, le stade de l’ennemi Crystal Palace. Or la bonne vieille enceinte de Plough Lane était pour beaucoup dans le processus d’intimidation que faisait subir le Crazy Gang à ses adversaires. « Les tribunes, la pelouse, les infrastructures, les vestiaires… En y repensant, tout était horrible, affirme John Scales. Mais, du coup, les autres équipes détestaient venir chez nous. Nous avons perdu quelque chose en partant pour Selhurst Park. » Et lorsque l’état d’origine de Plough Lane ne suffisait pas, les joueurs en rajoutaient pour mettre l’ennemi dans les plus mauvaises dispositions possibles. « Quand une équipe adverse venait, ils foutaient le bordel dans les vestiaires, ils chiaient dans les toilettes et après ils cassaient la chasse d’eau » , rigole Matt Allen.

Quand une équipe adverse venait, ils foutaient le bordel dans les vestiaires, ils chiaient dans les toilettes et après ils cassaient la chasse d’eau.

Cela sentait d’autant plus fort la fin de la folle histoire du Gang que si le maintien était souvent plus qu’assuré tous les ans, Wimbledon n’était jamais parvenu à franchir le palier financier qu’aurait constitué une qualification en Coupe d’Europe – la victoire en Cup était tombée au moment de la suspension des clubs anglais post-drame du Heysel. Même le retour en 1992 de Vinnie Jones pour reformer le duo de choc avec John Fashanu, resté au bercail, n’avait plus forcément sa place dans l’Angleterre de la Premier League. Le 23 novembre 1993, contre Tottenham, Fash met son coude dans la tronche du défenseur central Mabbutt qui retombe dans un grand « crac » et n’est pas loin de perdre un œil dans l’affaire. Une enquête est lancée par la FA, et les Spurs envoient deux avocats pour plaider leur cause. « Ils ont montré des tonnes de vidéos depuis des centaines d’angles différents pour mettre la pression, témoignera Fashanu dans News of the World en 1994. J’ai regardé ça et je me suis dit : « Si c’est ça que devient le football, je ne veux plus en faire partie. » » Fashanu quitte le club à la fin de la saison et laisse son pote Vinnie prendre le relais. En février 1996, celui-ci est dépêché à Dublin pour écrire une chronique sur le match amical entre l’Angleterre et l’Irlande, finalement annulé en raison de mouvements de foule dans le stade. Au chômage forcé, Vinnie Jones se jette quelques verres au bar et se met à insulter Gary Lineker, avant de s’en prendre à Ted Oliver, un journaliste du Daily Mail qui s’était moqué de lui. Il lui maintient la tête entre ses deux grosses paluches, façon étau, avant de lui mordre le nez jusqu’au sang. Jones s’excuse rapidement en expliquant que ce n’est qu’une blague qui a mal tourné, mais le mal est fait et, le lendemain, l’affaire est étalée dans les journaux, faisant pleuvoir les lettres d’insultes sur le fautif. Au fond du trou, Vinnie attend que sa femme s’absente de la maison, puis rejoint un petit bois où il a l’habitude de chasser le pigeon, avec la ferme intention de mettre fin à ses jours. Le fusil chargé à la main, il aperçoit Tessie, son Jack Russell, en train de jouer dans le jardin, et reprend finalement ses esprits.

La résurrection du Gang?

Rien ne va plus. Alors que l’exil à Selhurst Park était censé être provisoire, Sam Hammam, qui avait pourtant continué à étaler sa folie en se baladant avec un éléphant sur la pelouse avant une rencontre, finit par se rendre à l’évidence en revendant Plough Lane, finalement démoli en 2000. Pas assez solide financièrement, Wimbledon est en train d’étouffer sous l’arrêt Bosman et l’arrivée massive de stars étrangères dans les grands clubs anglais. Depuis plusieurs années, les rumeurs les plus folles circulent sur un déménagement du club dans une autre ville. Plusieurs options sont avancées : Blackpool, Cardiff, Dublin… Le 13 février 2000, Sam finit par vendre ses dernières parts dans le club, juste avant la relégation de l’équipe en Division One. C’est la fin de ce que Matt Allen appelle un « conte de fées complet. Sauf que Wimbledon ressemblait plutôt aux vilaines sœurs de Cendrillon. Mais ça reste un conte de fées. » Les nouveaux propriétaires du club n’en font pas partie. Voulant à tout prix trouver un nouveau stade pour renflouer les caisses, ils finissent par faire déménager le club à Milton Keynes, à quatre-vingt-dix bornes de son lieu de naissance. Outrés, les supporters créent alors un nouvelle équipe, l’AFC Wimbledon, pour faire renaître le phénix. « C’est une résurrection, veut croire John Scales. Ce sont les mêmes fans qui venaient nous soutenir à l’époque. La communauté, c’est ça le football. Les joueurs, eux, ont une carrière limitée dans le temps. » Parti du plus bas niveau, le nouveau Crazy Gang a déjà imité son aîné en bouffant de la promotion tous les ans pour atteindre enfin la League Two, l’équivalent de la quatrième division et premier niveau professionnel, en 2011. Aujourd’hui, le club semble voué à faire l’ascenseur entre la League One et la League Two. Mick Pugh, un ancien représentant de l’AFC Wimbledon, avait beau affirmer que « le fighting spirit est toujours là » , il semble évident que le football ne vivra plus d’expérience aussi traumatisante et jouissive que celle du Gang de Vinnie, Harry, Fash et les autres. « Vu la façon dont ils jouaient à l’époque, ils ne tiendraient pas dix minutes aujourd’hui, s’amuse Matt Allen. Le match s’arrêterait avant parce que six joueurs auraient déjà été expulsés. »

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Par Thomas Pitrel

Tous propos, sauf mention, recueillis par TP

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