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Valdo : « La presse a pardonné à Zico, mais pas à Júlio César » (partie 1)

Propos recueillis par Chérif Ghemmour
Valdo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La presse a pardonné à Zico, mais pas à Júlio César<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» (partie 1)

Valdo Cândido de Oliveira Filho, dit « Valdo »... Milieu offensif emblématique du PSG version Canal + (1991-1995), il était aussi l'un des piliers de la Seleção entre 1986 et 1993 (45 sélections, 4 buts). On avait rencontré Valdo à Saint-Maur, six mois avant la Coupe du monde au Brésil pour parler de la Seleção et des deux France-Brésil qu'il avait disputés en Coupe du monde 1986 en tant que remplaçant (1-1, 3 tab à 4) et le France-Brésil de 1992, en match amical au Parc des Princes (2-0). Dans cette première partie, il raconte Guadalajara 86, Telê Santana, Zico, Platini, Tigana. Et il fait aussi une révélation incroyable sur sa présence en Seleção au Mexique…

Valdo, quel est ton premier souvenir de football entre la France et le Brésil ?

Mon premier souvenir, c’était le match où j’étais. C’était donc le France-Brésil de juin 1986 lors de la Coupe du monde au Mexique. J’étais remplaçant… Sinon, mon autre « premier » souvenir, c’était un autre France-Brésil aux Jeux olympiques de 1984. Je ne jouais pas, mais je l’avais vu à la télé. La France avait gagné… Encore ! (Rires) On avait perdu 2-0 en finale, et la France avait gagné cette médaille d’or. En 1986, c’était la première fois de ma vie que j’ai vu de très grandes stars. Platini, Giresse… Et Tigana ! Il a fait un match extraordinaire contre nous. Et il y avait aussi une très belle équipe brésilienne, avec là aussi, bien sûr, de très grands bonhommes. On peut dire que ce fut peut-être la dernière Coupe du monde avec des joueurs de cette classe. Et j’avais la chance de faire partie de cette équipe du Brésil : il y avait Zico, Carreca, Müller, Sócrates, Edinho, Oscar, Júlio César. Quand tu vois cette équipe du Brésil, tu te demandes encore comment elle n’a pas été championne du monde…

Mais tout le monde se pose encore cette question ! Pourquoi ce Brésil 1982 et 1986 n’a pas gagné le titre mondial ? Comment tu l’expliques ?

Pour moi, il y a des choses dans la vie qui sont comme ça. C’était une génération en or qui, à part être championne du monde, était vraiment très forte de par ses joueurs, que ce soit dans leurs clubs ou bien dans leur carrière. Je pense que la Seleção championne du monde en 1994 était moins forte, mais ils ont gagné et ça leur restera à vie. Je pense que c’est le Bon Dieu qui en a voulu ainsi… Parce que les grands joueurs de 1982-86 n’ont pas eu besoin de titres pour inspirer le respect partout au pays.

Tu as eu la chance de travailler sous les ordres de Telê Santana…

Oh, moi dans le foot, j’ai eu beaucoup de chance… J’ai eu la chance de travailler avec lui : c’était un grand monsieur. Un monstre : il connaissait le métier et avait le respect de tout le monde. Déjà, avec la Seleção 82, il a réussi à faire oublier un peu le Brésil champion du monde 1970. Avec lui, on a joué au beau football brésilien, le futebol arte. J’ai bien sûr regretté le titre perdu en 1986, face à la France, j’y étais. Mais celui qui m’a fait le plus mal, c’est 1982. Quand on a perdu 3-2 contre l’Italie, j’ai pleuré comme un gamin parce qu’on avait une équipe de rêve. Au Brésil, avant le match, c’était de la folie : les pétards, les cris, la musique, les klaxons dans les rues. « Brazil ! Brazil ! » Et après, à la fin du match, quand l’arbitre a sifflé, plus rien… Pas un bruit. Pas de voitures. Rien ! Un silence inoubliable… Et d’un seul coup, au bout de cinq minutes, la vie a repris. J’étais au centre de formation du Grêmio : tout le monde pleurait, tous les mômes… C’est le foot. J’avais 18 ans.

Et pour toi, la plus grande équipe du Brésil, c’est celle de 1970 ou bien celle de 1982 ?

Ah, celle de 1970 ! Elle était plus homogène. Du gardien à l’avant-centre, c’était très costaud. Il y avait Paulo César qui a joué ici, chez vous, à Marseille, dans les années 70… Et Jaïrzinho, aussi ! Magnifique.

En 1986, tu découvres cette équipe de France, quelles sont tes impressions ?

Moi, depuis tout petit que je regarde du foot, j’admire les artistes comme Zico, Zizou, et d’autres… Et puis, après, tu as la tactique : et là chacun doit comprendre son rôle et le jouer jusqu’au bout. Car juste une seconde d’inattention, et tu es mort ! Contre nous, au Mexique, la France est revenue au score grâce au but de Platini : sur cette action anodine, un débordement à droite et un centre devant le but, et Platini seul au deuxième poteau qui marque… Écoute, on était bien dans le match, on dominait à 1-0 et d’un seul coup, on manque de vigilance défensive, et, boum ! Tout est gâché… Ensuite, la France est bien revenue dans le match, et après Zico rate son penalty. Ce penalty…

Comment tu l’as vécu, du banc des remplaçants ?

Là, on s’est dit : « Ça y est, c’est bon ! » Nous, on était tranquilles, Zico prend le ballon, c’est le boss, il n’y a pas de souci. Il était super fort sur les coups francs… Et puis le bon Dieu en a voulu autrement. Bats a arrêté le tir de Zico. Zico ! C’est un monstre. Et j’ai eu la chance de jouer avec lui.
Autour de moi, que des grands noms. Je me pinçais pour y croire : à ma droite, Edinho, à ma gauche Sócrates, p… ! Et moi, j’étais inquiet : j’étais blessé

Et toi, comment tu t’étais retrouvé avec cette Seleção de malade à 22 ans ?

Écoute… Avant la Coupe du monde 86, on attendait la première liste des 40 présélectionnés pour le Mexique. Moi, j’étais jeune à l’époque, et mon rêve, c’était juste de faire partie des 40 meilleurs joueurs du Brésil. Mais je n’ai pas été retenu : j’étais très déçu. Déçu surtout envers moi-même. Peu après, en mai, il y a eu le derby de Porto Alegre : le Grêmio, pour lequel je jouais, contre Internacional. J’étais forfait, car blessé. Une lésion musculaire en haut de la cuisse droite… Le jour du match, le superviseur du club, Antonio Verratti, vient me voir et me dit : « Écoute, tu es convoqué enSeleção. Tu vas au Mexique » . La bonne blague ! Alors je dis à Antonio : « OK, ça va, hein ? Ne me raconte pas d’histoires ! » Mais il était très sérieux, et là, il me dit en insistant : « Non, non. C’est vrai ! » Et il me montre le document certifié de la fédé brésilienne et je me dis : « P… ! Comment je vais faire ? » J’avais cette lésion et on partait le lendemain au Mexique avec la Seleção ! On savait que Zico était du voyage, mais il était blessé, et ils m’avaient choisi, moi ! Je suis donc allé voir le médecin du club qui a fait une lettre pour le staff médical de la Seleção qui attestait que je ne pouvais rien faire pendant 15 jours. En fait, à ce moment-là, j’ignorais qu’il avait écrit ça, mais il m’avait juste dit que je devrais donner cette lettre aux médecins de la Seleção et que je devrais suivre un traitement là-bas. J’ai dit d’accord… J’ai pris l’avion pour Rio et c’est là que j’ai ouvert la lettre. Je lis : « Valdo Candido doit rester au repos pendant 15 jours » . Imagine ce qui m’arrivait ! Que faire ? Arriver à Rio et donner cette lettre ? Mais autant ne pas y aller ! On ne m’aurait pas pris ! On ne prend pas un joueur blessé qui va jouer une Coupe du monde ! Alors j’ai déchiré la lettre… Je l’ai jetée et je suis arrivé à Rio. Et, là, c’était hyper chaud ! Les supporters cariocas du Brésil étaient fâchés parce que je ne jouais pas dans un club de Rio : « Non, mais c’est qui ce Valdo ?! D’où il sort ? » Quel tourbillon !

Et tu te retrouves avec l’équipe du Brésil…

Oui, oui. On a ensuite pris l’avion avec la Seleção. C’était magique : Edinho a tout de suite parlé avec moi, Junior aussi. Je me rappelle, j’avais très faim parce que je n’avais rien mangé depuis mon départ de Porto Alegre. J’ai demandé timidement s’il y avait moyen de manger un petit quelque chose, et tu sais quoi ? On m’a servi rapidement un steak délicieux avec des petits légumes… Leao avait été super avec moi. Il m’a dit : « Ici, on est tous pareils. Fais ici comme tu fais chez toi : tu es le bienvenu. » La Seleção, c’était comme une vraie famille. Autour de moi, que des grands noms. Je me pinçais pour y croire : à ma droite, Edinho, à ma gauche Sócrates, p… ! Et moi, j’étais inquiet : j’étais blessé, j’avais très mal en plus…

Vous arrivez au Mexique : comment ça se passe pour toi, avec cette blessure ?

Premier entraînement. Je tape le ballon d’un seul coup, je suis mal… La douleur est vive. Au bout de trois jours d’entraînement, Gilberto Ti, le préparateur physique, vient me demander : « Valdo, qu’est-ce qui se passe avec toi ? » J’esquive, je réponds à côté. Il faut dire que là, je suis au milieu de toutes les stars brésiliennes, je vis mon rêve à fond… Mais Gilberto insiste : « Ne me raconte pas d’histoires. Je sais que tu as quelque chose… » Alors, je lui montre ma blessure. Et, là il est stupéfait et il me dit très calmement : « Bon, écoute-moi bien : tu ne dis rien à personne. À personne. On va travailler toi et moi, je te ferai aussi des ultrasons, OK ? » OK, j’ai dit… Et on a bien bossé, tous les jours. Au bout de deux semaines, j’étais nickel ! Tu sais, si je n’avais pas pris cet avion, il n’y aurait jamais eu de deuxième chance… Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de rejoindre l’équipe nationale. Heureusement que depuis tout petit, j’étais habitué à supporter la douleur. Quand tu nais au Brésil, avec 150 millions d’habitants à l’époque, il fallait se battre pour survivre dès le premier jour sinon tu es mort…

Revenons au match de Guadalajara : les tirs au but, tu as vécu ça comment ?

Dans les tirs au but, c’est le cinquième tireur qui porte le poids d’une équipe, qui porte aussi le poids de toute une nation. Il faut être un homme. Si tu rates, avec la presse sur le dos qui ne t’épargnera pas, tu es mort. À Guadalajara, notre cinquième tireur, c’était Paulo César. Un monument, ce type ! Le meilleur défenseur au monde. Il est passé par Brest, avant d’aller à la Juve et à Dortmund. Il a tiré en dernier (il y avait 3-3, ndlr) et le ballon frappe le poteau et sort… Après ce match, il n’a plus jamais rejoué en Seleção… La presse avait pardonné à Zico pour son penalty raté. Mais pas à Júlio César… Moi, j’étais sur le bord de la touche, avec tous nos supporters massés derrière nous, dans les tribunes. Ils repliaient leurs banderoles en silence, tristes, la tête baissée… Quand on a quitté le stade en bus, on a pu voir nos supporters, déçus, assis par terre, en train de pleurer… Les supporters, c’est important : il faut toujours les respecter. On se doit de leur donner de la joie. Mais parfois, on leur apporte de la tristesse…

Lors de cette Coupe du monde 1986, tu n’as finalement pas joué une seule fois, non ?

Eh, non. Pas un seul match. Mais tu sais, être déjà dans cette Seleção à 22 ans… J’ai joué la Coupe du monde 1990 en Italie, j’avais fait tous les matchs, mais on a été sortis par l’Argentine de Maradona en 8es (0-1). Pour la Coupe du monde 1994 aux États-Unis, je n’ai pas été retenu…

Propos recueillis par Chérif Ghemmour

Interview tirée du livre La fabuleuse histoire des France-Brésil paru en 2014 (avec l'aimable autorisation des éditions Solar. Ouvrage coécrit par Pierre-Louis Basse, Vincent Duluc, Nathalie Iannetta, Jérôme Latta et Chérif Ghemmour, sous la direction de Benoît Bontout)

Deuxième partie de l'interview, jeudi 26 mars, à 17 heures

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