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Uday Hussein et le torture football club

Par Gabriel Cnudde
Uday Hussein et le torture football club

Durant plus d'une décennie, Uday Hussein, le fils aîné de Saddam Hussein, s'est occupé personnellement de l'équipe nationale d'Irak. Au programme : punition, humiliation, peine de prison et torture. Retour vers une époque pendant laquelle les joueurs étaient bien obligés de tout donner sur le terrain au risque de tout perdre en dehors.

À quelques kilomètres à l’ouest de Bagdad se dressent les vestiges d’un bâtiment en décrépitude, éventré de part et d’autre par les raids aériens de l’armée américaine, symbole passé du pouvoir de la famille Hussein : la prison d’Al Radwaniyah. En approchant ces ruines, les Irakiens entendent encore les cris des victimes des pires exactions commises par le pouvoir en place après les émeutes de 1991, mais aussi ceux des footballeurs torturés par Uday Hussein, Abou Sarhan (Le Loup, ndlr), pendant ses longues années à la tête du comité olympique irakien et de la Fédération irakienne de football. Durant les années 1990, une défaite, ou tout autre match qu’Uday jugeait comme une contre-performance, valait aux Asood Al Rafidain (Les Lions de Mésopotamie, ndlr) un séjour à Al Radwaniyah. Parfois, Le Loup préférait même amener ses « protégés » dans une de ses résidences. Là-bas, joueur et staffs travaillaient douze heures par jour, dormaient au milieu des bêtes et subissaient des tortures en tout genre.

De la gloire à la terreur

Avec une partie de ses terres au sein du Croissant fertile, l’Irak a toujours bénéficié d’une culture du football riche et de récoltes talentueuses. Pendant près de 30 ans, les Lions ont tout remporté, ne laissant à leurs concurrents que quelques miettes : 4 Coupes arabes des nations (1964, 1966, 1985 et 1988), 3 Coupes du Golfe (1979, 1984, et 1988) et même une qualification pour la Coupe du monde 1986 au Mexique. Les héros de ce temps – Ammo Baba, Hussein Saeed ou encore Ahmed Radhi – étaient loin de se douter alors que l’arrivée au pouvoir de la famille Hussein, en 1979, changerait leur avenir du tout au tout. Avec Uday, le fils sadique et ultra violent de Saddam, au sommet du football irakien, le ballon rond n’avait plus rien d’un jeu. En quelques années, Le Loup retira au football son bien le plus sacré : le plaisir de jouer. « Le football sous l’ère Uday était un jeu terrifiant, une pression psychologique insupportable pour les footballeurs. C’était intenable » , racontait il y a quelques années Saad Qais, un ancien joueur, au site In Bed with Maradona.

Parce qu’il pensait que les Lions de Mésopotamie se devaient d’être les porte-drapeaux d’une Irak rayonnante, la cruauté et l’ignoble n’avaient plus de frontières pour Uday. « Lorsqu’on perdait, on était punis de la manière la plus humiliante et dégradante possible, et tout cela affectait les performances des joueurs lors des tournois auxquels on participait » , expliquait Saad Qais. Les coups de fouet, les séjours en prison, les bains glacés et autres pratiques visant à rendre les joueurs plus vicieux et courageux sur le terrain ne firent que les transformer en hommes terrifiés ne serait-ce que de toucher le ballon. « Parce que nous perdions à chaque tournoi, les joueurs ont commencé à développer un complexe d’infériorité. Uday pensait qu’en enfermant les joueurs et en les tabassant, il les rendrait plus forts, plus vicieux » , confiait Laith Hussein, un ancien joueur, à Journeyman Pictures, dans un documentaire de 2003. « Après un match perdu contre le Bahreïn, en 2001, sept joueurs sont allés en prison. Il en a tabassé plusieurs. »

Accepter ou fuir

En 2003, quand les langues purent se délier, les joueurs ne se souvenaient pas précisément des matchs qu’ils avaient disputés, mais pouvaient narrer sans omettre le moindre détail les tortures qu’ils subissaient à Al Radwaniyah ou au siège du comité olympique. « Ils utilisaient des câbles pour nous fouetter. Non, non, ils ne mettaient pas le courant pour nous mettre des décharges » , se souvenait Laith Hussein, un sourire amer aux lèvres. « Après un match perdu contre le Kazakhstan, il a enfermé toute l’équipe dans une pièce aux murs rouges, à la lumière rouge, pour nous rendre fous. Au bout d’une heure, on devenait déjà un peu fous » , poursuivait Hussein en revenant sur les lieux du crime. Alors, pour ne plus avoir à subir de telles épreuves, certains ont essayé de fuir. Vers les États-Unis, ou les pays du Golfe. Habib Jafar a essayé, lui. Après des années de torture, pendant lesquelles il était contraint de monter à une échelle des dizaines de fois à la suite tout en étant fouetté avant d’être jeté aux égouts, Habib signa au Qatar. Mais même là-bas, l’ombre d’Uday planait au-dessus de lui. 40% de son salaire lui revenait de droit. « Il ne nous laissait jamais abandonner ou prendre notre retraite. Et on ne pouvait jamais jouer normalement parce qu’on était trop effrayés » , racontait-il au Guardian en 2003, avant de rêver d’un retour en arrière : « Mon rêve, c’est d’avoir 20 ans à nouveau pour prouver à tout le monde quel bon joueur je suis. »

Parmi ceux qui n’eurent pas la possibilité de fuir, quelques-uns acceptaient les punitions infligées par Uday. C’était par exemple le cas d’Ahmed Radhi et d’Ahmad Ali, les joueurs vedettes du club d’Al Rasheed sur lequel la famille Hussein avait jeté son dévolu dès 1983. « Nous avons accompli de grandes choses à la fois dans notre pays et à l’international. J’ai été puni, mais je le méritais. Je ne défend personne, j’étais probablement le joueur le plus puni de tous, mais je le méritais » , expliquait Ahmad Ali à IBWM. « Oui, on subissait des punitions, mais à l’époque, les choses évoluaient au moins ! Il y avait un plan de développement et on savait quand la ligue commençait et quand elle se terminait. Tout était mieux géré » , confirmait Shaker Mahmoud, un ancien arbitre irakien. Des remarques certes pertinentes, mais qui ne suffiront sans doute jamais à effacer de la mémoire des footballeurs irakiens les horreurs des tortures subies pendant l’ère Uday. Aujourd’hui, le plaisir a repris ses droits sur le football entre le Tigre et l’Euphrate. À jamais, espèrent ses pratiquants.

Par Gabriel Cnudde

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