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Sur les traces de Rabah Slimani, l’enfant de Sarcelles

Par Quentin Moynet à Sarcelles
Sur les traces de Rabah Slimani, l’enfant de Sarcelles

Rabah Slimani est l'homme fort de la mêlée des Bleus. Le pilier droit de 25 ans, qui sera titulaire jeudi contre le Canada, fait la fierté de ceux qui l'ont vu grandir à Sarcelles, une ville de foot qui se convertit doucement au rugby. Plongée dans l'enfance d'un gamin du 9-5.

Au centre sportif Nelson Mandela de Sarcelles, on ne parle que de lui. Son nom revient en boucle dans toutes les discussions. « Tu as vu qui a marqué le premier essai contre l’Italie ? C’est Rabah ! » , s’exclame un jeune joueur, avant d’enfiler son maillot et ses crampons pour participer à l’entraînement de l’école de rugby de l’AAS Sarcelles, ce mardi 22 septembre. Trois jours plus tôt, Rabah Slimani, à la réception d’un coup de pied rasant de Frédéric Michalak, avait inscrit son premier essai en équipe de France pour son entrée en lice à la Coupe du monde. Jusqu’à son remplacement par Nicolas Mas à l’heure de jeu, le pilier droit de 25 ans avait aussi successivement martyrisé en mêlée les deux gauchers italiens Matias Agüero et Michele Rizzo.

Une performance remarquée dans la ville du Val d’Oise où est né et a grandi l’international français. « On lui a tous envoyé des messages pour le féliciter, surtout que c’est un essai qui ne lui ressemble pas » , explique Clément Betton, 26 ans, ami d’enfance de Rabah. « On est arrivés au club de rugby de Sarcelles la même année, quand on avait dix ans, poursuit-il. Tout le monde s’est rapidement rendu compte qu’il avait un potentiel énorme. » Ce potentiel, les éducateurs sportifs de l’AASS l’ont repéré lors d’un tournoi scolaire annuel entre les écoles primaires de la ville. Rabah Slimani est alors en CE2. « On s’est tout de suite dit« celui-là, il faut qu’on l’amène au rugby », se souvient Florian Kubiak, son entraîneur en minimes (moins de 14 ans). Très jeune, il était déjà très fort. Il avait un sacré gabarit et il n’avait pas peur du contact. »

Bagarres du dimanche matin et poignets cassés

Deux ans plus tard, Rabah, qui s’est déjà essayé au judo, au basket et au foot, signe sa première licence de rugby, en même temps que son petit frère Chérif. D’abord pour les goûters et les fameux repas du mardi soir au club house, une tradition à l’AASS. « C’était un gros, gros mangeur » , avoue Clément Betton. Mais rapidement, il se prend de passion pour ce sport méconnu à Sarcelles, terre de football. Passion qui le poursuit jusque chez ses parents, un appartement situé au premier étage d’un immeuble du quartier des Rosiers. Le dimanche matin, le gamin émerge dès huit heures pour regarder Rencontres à XV, émission de France 2 sur le ballon ovale. Chérif, qui partage sa chambre, n’a alors plutôt pas intérêt à oublier de le réveiller. « Ça partait en bagarre sinon » , raconte le benjamin de la famille, 23 ans, maillot d’entraînement du Stade français sur le dos.

« Ils se sont bien préparés à jouer au rugby tous les deux, souffle sa grande sœur Anissa, se remémorant les nombreuses échauffourées entre ses deux frangins. Les lampes ont pris, les canapés ont pris, les miroirs ont pris aussi. Ils n’avaient pas peur des coups. » Chérif sourit. « Quand on jouait au foot derrière notre immeuble avec d’autres enfants, on faisait souvent un jeu qui s’appelle « la qualif ». Celui qui marque est qualifié pour le tour suivant. Avec Rabah, on faisait exprès d’être les derniers à marquer pour être l’un contre l’autre et se rentrer dedans. Un jour, je l’ai dribblé et il m’a mis un tacle par derrière. J’ai cru qu’il m’avait cassé la jambe. » À défaut d’avoir cassé la jambe de son petit frère, Rabah s’est fracturé les deux poignets à huit ans, en sautant d’un jeu pour enfants, devant son immeuble. « Un vrai casse-cou ! » , conclut Anissa.

« Rabah, c’était l’étoile dans Mario »

Sur le terrain, le jeune Slimani impressionne tout le monde. Son physique détonne, et sa vitesse surprend. « Il était hors norme par rapport aux autres, assure Florian Kubiak. Malgré son gabarit, il courait plus vite que tout le monde. Il était plus intelligent aussi, il sentait le jeu. Il savait faire vivre le ballon, jouer un deux-contre-un, anticiper, plaquer. » Pilier, talonneur, troisième ligne, il joue presque partout, en fonction des besoins de son équipe. En cadets (moins de 16 ans), lors de sa dernière saison au club avant son départ au Stade français, il évolue même à l’ouverture le temps de quelques rencontres. « Rabah, c’était l’étoile dans Mario, sourit Clément Betton. Quand l’équipe en face était un peu trop forte, tu le mettais en dix et tu avais de grandes chances qu’il aille marquer dès le premier ballon touché. C’était notre perce-muraille. » Même au pied, il soulage son équipe. « Il avait un coup de pied de mammouth, confirme Mathieu Roncevic, arrivé au club deux ans après Rabah. Quand on était en difficulté dans nos 22, il prenait le ballon et il dégageait au pied. Parfois, il prenait aussi les pénalités. »

Homme à tout faire, Rabah Slimani se démarque aussi par sa rigueur, sa maturité et sa capacité de travail. Toutes les semaines, il s’astreint à des entraînements supplémentaires avec les juniors (moins de 18 ans) ou les seniors du club. Et son jeune âge ne l’empêche pas de faire des dégâts. « Quand il allait péter, certains mecs ramassaient » , affirme Clément Betton. « Il était déjà à leur niveau, même meilleur parfois, enchaîne Raheel Siddique, un autre de ses coéquipiers à l’époque. Pendant les vacances aussi il s’entraînait alors qu’on était en repos. » Respecté, admiré même, Rabah est le leader de son équipe. Ses mots sont rares, mais souvent justes. Et sa présence suffit à elle seule pour rassurer le groupe. « Il n’avait pas besoin de parler, c’était un leader silencieux » , ajoute Florian Kubiak.

« La main de Slim »

Malgré les louanges et l’intérêt de plusieurs gros clubs de la région parisienne, Rabah Slimani reste le même adolescent discret, sérieux et travailleur. Mathieu Quéré, professeur d’EPS au collège Voltaire de Sarcelles où il a étudié, n’a pas le souvenir du moindre écart de conduite du futur joueur du XV de France. « C’était une crème, un gamin ultra gentil, ultra respectueux. Le contraste est assez drôle entre le combattant sur le terrain et l’élève au collège, plaisante-t-il. En général, les professeurs savaient quand des élèves étaient doués dans un sport, parce qu’ils en parlaient. Rabah, je ne savais pas, parce qu’il n’en parlait pas. Il est hyper humble. » Mais parfois mauvais perdant, comme après cette finale du tournoi de futsal du collège remportée par les profs face à l’équipe de Rabah, gardien pour l’occasion. « Il continue de dire qu’on les a volés, pour un ballon soi-disant sorti en touche, sourit Monsieur Quéré. En revanche, je ne sais pas si Rabah se souvient que je lui ai marqué une panenka ce jour-là. Dans un but de hand ! »

Quand il sort du collège, Rabah rentre directement chez lui. Consigne stricte du paternel. « Il devait faire ses devoirs et après seulement il pouvait jouer au foot dehors, précise Anissa. La règle, c’était d’être rentré à la maison avant le coucher du soleil. Donc en hiver, c’était 17 heures. L’été, on était contents parce qu’on pouvait rester dehors jusqu’à 22 heures. On vivait en fonction du soleil. » Et personne n’ose défier celui qui est surnommé « la main de Slim » en raison de sa carrure et de ses paluches impressionnantes. « Il ne fallait pas blaguer avec son père, il était imposant » , confirme Raheel Siddique. Décédé il y a quelques mois, le père de Rabah a utilisé le sport pour occuper ses enfants et les empêcher de traîner dans le quartier. « Sans le sport, ça aurait été dur à Sarcelles, il n’y avait rien d’autre à faire » , reconnaît Chérif, qui avait arrêté le rugby il y a quelques années avant que son père ne le force à reprendre.

Les potentiels inexploités de Sarcelles

À Sarcelles, Rabah Slimani a découvert qu’il pouvait utiliser sa puissance autrement que pour se battre avec son petit frère. C’est aussi là qu’il a côtoyé des éducateurs qui l’ont marqué. Mustapha Achourene notamment, à qui il a rendu hommage après son décès en portant un brassard sur lequel il avait écrit « Mouss » lors d’un match de Top 14 contre Bordeaux en novembre dernier. C’est enfin là qu’il a rencontré sa future femme et mère de ses trois enfants, Justine. Alors malgré un emploi du temps surchargé et sa vie de famille à Clamart (Hauts-de-Seine), il revient dès qu’il le peut dans une ville qui a enfin adopté le ballon ovale. « Tout le quartier, toute la ville même, commence à regarder le rugby, assure Chérif, aujourd’hui pilier au Stade français en tant que joker Coupe du monde. Même nos voisins qui ne nous parlent jamais sont venus nous féliciter après l’essai de Rabah contre l’Italie. C’est une fierté pour les gens de Sarcelles de le voir en équipe de France et d’entendre parler de leur ville. »

Depuis l’explosion de Rabah au plus haut niveau, d’autres jeunes de Sarcelles se sont illustrés, comme Sekou Macalou et Judicaël Cancoriet, qui ont respectivement signé au Stade français et à Clermont cette année. « Il y a des potentiels qui ne sont pas exploités ici, Rabah le sait, il veut les aider » , ajoute Chérif. En juin, il s’est ainsi rendu au collège Voltaire pour parler aux jeunes. « Il nous a appelés un lundi à 13 heures. Une heure après il était là, raconte Mathieu Quéré. On a organisé un truc en catastrophe. » Devant une bonne centaine d’élèves rassemblés dans le hall de l’établissement, il a tenu un discours « hyper pédagogique, de grand frère » . Un appel à ne pas tomber dans la facilité, à toujours se remettre en question et à bosser. La grande force de Rabah, qui lui permettra peut-être de devenir champion du monde, moins de cinq mois après avoir remporté le titre de champion de France avec Paris. « Si c’est le cas, il y aura une grosse fête à Sarcelles, promet Clément Betton. On en fera d’abord une sans Rabah, puis une autre avec lui. C’est sûr. »

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