Sunil Gulati et les USA
A bientôt 49 ans, Sunil Gulati préside la Fédération Américaine de Football (mais avec un vrai ballon) depuis mars 2006. Si certains apprécient le travail qu'il accomplit pour la reconnaissance des États-Unis dans le monde du foot, d'autres lui reprochent encore d'avoir échoué à installer Jurgen Klinsmann le Californien sur le banc de la sélection nationale. Il s'étend dans cette interview pour World Soccer sur le futur du soccer, sur le court et long terme, au pays de l'Oncle Sam.
Est-ce que la Fédération Américaine de Football fera une offre pour accueillir la Coupe du Monde 2018 ? On y planche actuellement ; on prendra une décision vers le 1er juin ou peu après. Clairement, ramener la Coupe du Monde ici serait un plus, pour la Fifa comme pour le soccer aux USA. Un de nos plus grands avantages réside dans le nombre potentiel de stades, modernes et énormes, qui peuvent accueillir parfaitement un Mondial, que nous possédons et qui n’auraient pas besoin de rénovation. Et de nouvelles enceintes encore plus larges sont prévues pour des villes comme New York ou Dallas.
Quelle est votre réaction à l’idée de la Premier League anglaise d’organiser des matchs à l’étranger ? Il semblerait que les USA soient dans la liste… Il y a eu des réactions très violentes contre ce projet, de la part de la Fifa, de l’Uefa, de la Fédération Anglaise. Nous avons été clairs sur le fait que si la Fifa désapprouve, alors nous n’accepterons pas. Si la Fifa donne sa bénédiction, alors nous considérerons l’idée.
La fédération US a l’expérience de ce genre de situation… A plusieurs reprises, des pays d’Amérique Centrale ont voulu organiser des matchs chez nous, mais la Concacaf a refusé. Et une de nos équipes, les Los Angeles Salsa en A-League, a demandé à prendre part au championnat mexicain, mais leur requête a été rejetée aussi.
Est-ce que ça aide ou cause du tort au jeu américain que des équipes étrangères viennent jouer chez vous ? Ça peut aller dans les deux sens. C’est positif si ça nous aide à améliorer le niveau du football ici – en intégrant à notre jeu des grandes stars. Mais si c’est juste pour venir s’ajouter sur un marché déjà surpeuplé, je ne suis pas sûr que ce soit utile. Je ne pense pas que, pour le moment, notre jeu puisse connaître le succès en se réfugiant derrière le reste du monde.
Pensez-vous que le football s’enracine chez les Américains ? Absolument, et la plus grosse part de ce succès revient à la Major League Soccer, qui s’est clairement imposée d’elle-même. Ce n’est pas encore la NFL ou la Major League Baseball, mais elle a une présence remarquable sur la scène sport américaine après seulement douze ans d’existence. Les principaux diffuseurs nationaux, en anglais et espagnol, ont aussi contribué à ce succès, et l’arrivée de Beckham a capté l’attention de ceux qui ne s’y intéressaient qu’occasionnellement. Notre challenge, c’est qu’ils deviennent des fans complets.
Internationalement, les États-Unis ont-ils gagné du prestige ? Oui, je pense. La pierre angulaire du respect, c’est d’avoir une bonne équipe nationale et que les clubs réussissent bien. Nous avons accueilli des compétitions internationales, la Major League Soccer s’améliore, nous avons des joueurs qui jouent à l’étranger. Je ne pense pas que notre puissance commerciale ait été mise en doute. Et nous avons de plus en plus de personnes impliquées dans les différents comités de la Concacaf ou de la Fifa. La Fifa nous prend au sérieux, niveau soccer. C’est un immense changement comparé à il y a 25 ans.
Êtes-vous satisfait des performances de la sélection américaine sous les ordres du coach que vous avez nommé, Bob Bradley ? Yes ! Depuis un an et demi qu’il est là, nous avons remporté la Gold Cup et nombre de matchs amicaux importants. On aurait aimé envoyer une équipe plus forte à la Copa America (les USA ont perdu leurs trois matchs de groupe, ndlr). Mais comme ce n’était pas un tournoi obligatoire pour nous, les clubs européens n’ont pas relâché nos joueurs. On essaye d’organiser plus de matchs à l’étranger, comme nous en avons déjà prévu en Angleterre le 28 mai ou en Espagne le 4 juin. On aimerait accueillir l’Argentine en juin à New York.
Êtes-vous satisfait de la variété ethnique de la sélection ? Je ne vois pas ça comme un problème de composition ethnique. Ce que nous voulons, c’est une équipe de gagnants, jouant un bon football, ayant de bons résultats. Je pense que nous avons tout cela sous la main.
Quand vous avez nommé Bradley, vous avez évoqué la possibilité de nommer également un directeur technique. Cette idée est-elle toujours d’actualité ? Oui, on s’est penché activement sur l’affaire, et on cherche la personne adéquate. Probablement, ce sera un coach international.
Pourquoi avez-vous mis Wilmer Cabrera à la tête de la Bradenton Academy (le centre du formation de la fédération pour les meilleurs jeunes du pays) ? C’était un joueur du top niveau, membre de l’équipe nationale de Colombie. Et il a eu beaucoup de succès en tant que jeune entraîneur plus tôt dans sa carrière, et en plus, il est bilingue. Ce sont de gros avantages. Le programme Bradenton consiste à construire des équipes fortes chez les moins de 20 ans et en sélection Olympique. De nombreux joueurs peuvent se révéler.
Êtes-vous conscients du fait que beaucoup de jeunes sortants de la Bradenton Academy voudront aller en Europe après ? Le nombre de joueurs qui sont allés directement en Europe n’est pas si élevé. Je ne suis pas sûr que la situation empirera non plus. Il est plus probable qu’ils joueront en MLS deux ou trois saisons avant de considérer un départ. Evidemment, la MLS peut les convaincre de rester en leur offrant plus d’argent. Mais au final, c’est au joueur de décider ce qu’il y a de mieux pour sa carrière. Peu importe ce que les jeunes joueurs décident, plus la MLS évolue, plus elle a besoin de joueurs. En novembre, la MLS a reçu la permission d’augmenter le nombre de joueurs internationaux dans ses équipes. Mais nous allons devoir trouver un moyen de débusquer de plus en plus de jeunes talents dans ce pays. Il est clair qu’à 17 ans, lorsqu’un jeune doué doit prendre sa décision, il prend en compte bien d’autres choses que le soccer – le rôle de l’éducation universitaire dans la société américaine est central pour comprendre cette dynamique. Bien que je pense que c’est socialement un point positif, aller à la fac à cet âge met beaucoup de nos jeunes les plus talentueux derrière leurs homologues d’autres nations pendant les années les plus importantes de leur développement.
Interview par Paul Gardner, pour World Soccer
Traduction : Pierre Maturana
Par