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  • Foot et trains

Si les trains SNCF étaient dans le foot…

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Si les trains SNCF étaient dans le foot…

Notre glorieux réseau ferroviaire vient d’indigner le pays et de provoquer son premier méga bad buzz sur les réseaux sociaux. La cause ? Le choix de rebaptiser le TGV, emblème patriotique s’il en est, en InOui, sous d’étrange prétextes commerciaux. Une logique qui rappelle les récents namings infligés à notre foot hexagonal. Si le ballon rond et la SNCF sont clairement d’importants piliers de notre patrimoine national, il existe donc bien des raisons de se dire que les trains ont forcément leurs équivalents sur les pelouses de Ligue 1 ou Ligue 2.

Le corail : Stade Malherbe de Caen

Il fut un temps où ces wagons, dont le nom mixe « confort et rail » (si si), au dégradé gris gris si caractéristique, avec leurs sièges qui interdisent la somnolence, berçaient nos souvenirs de départs en vacances en Bretagne. Enfant de la France des années 1970 en pleine modernisation post-gaulliste, ils sont aujourd’hui relégués sur les lignes dont le TGV ne veut pas. Parmi elles, l’indémodable liaison entre Paris et Caen – et sa 3G intermittente – via Évreux, qui prolonge parfois vers Deauville-Trouville (l’enfer tranquille de la gare Saint-Lazare les vendredis soir de longs week-ends et ponts). Dernier résistant d’un réseau ferroviaire d’autrefois où il était possible de finir son Balzac et dont le convoi comptait plus de voitures « fumeurs » que « non fumeurs » , il garde une certaine saveur populaire, pas franchement choisie, mais totalement assumée. À défaut d’être un grand de son temps, on est authentique. Du côté de Michel-d’Ornano et de Nicolas Seube, on ne dirait pas autre chose…


TGV (Turbotrain grande vitesse) : Olympique de Marseille

Il fallait bien passer à la vitesse supérieure. Que la France démontre sa force, son sens de l’innovation technologique, parce que pour tout avouer, nous avons plutôt raté la révolution informatique. Bref, au début des années 1980, une étrange flèche orange commence à strier le pays (en mettant tout d’abord Lyon à deux heures de la capitale) en explosant les records et en suscitant la surprise et l’admiration du monde. Terminé les lents voyages et les couchettes réglementaires, où les intrigues de Maigret se résolvaient en tuant les longues heures à travers la Vienne. Une petite merveille de technologie, ce TGV au design futuriste à la Buck Rogers. Un grand succès pop qui deviendra en miniature le cadeau idéal de tous les Noël made in Jouef. Tous les présidents l’emmèneront ensuite sous le bras pour essayer d’en vendre à l’étranger. Dès lors, ce sera la course à l’échalote, toutes les villes de province ne se sentiront exister qu’en se voyant rattachées au réseau TGV. L’OM de Bernard Tapie imposera la même accélération au foot français. À jamais les premiers.


TER (Transport express régional) : Le National

Il reste une autre France, pour qui le chemin de fer constitue un élément vital, et où l’on laisse sa voiture sur le parking de la gare avant d’aller travailler « en ville » . Avec son allure de Tram un peu costaud et/ou de mini TGV, c’est selon le point de vue, le TER a pour mission d’assurer la continuité territoriale d’un Hexagone qui pense, bien à tort, avoir basculé dans la décentralisation. Donc il faut pouvoir continuer à se rendre à Alençon ou à Pornic, avec une sensation d’ersatz de modernité, même si généralement tout part d’un point de passage du TGV (qui s’arrête étrangement à Sablé-sur-Sarthe ). Symptôme d’un pays où beaucoup doivent vivre de plus en plus loin des « métropoles » devenues trop chères, le TER nous rappelle aussi que tout le monde n’a pas les moyens de rejoindre la L1. Demandez à Laval ou Rodez ce qu’ils en pensent.


RER : Le second club parisien

La SNCF gère en partie ce réseau et son ordre alphabétique, que tous les Franciliens ont appris à détester (dédicace à ceux du B). Usé, saturé, toujours victime d’une panne ou d’un « incident voyageur » , il était censé favoriser et incarner la naissance d’un grand Paris, d’une capitale réconciliée avec sa banlieue, d’un statut d’égalité entre les habitants d’Île-de-France. Et, finalement, on attend toujours que les mentalités et l’économie changent. Tout comme le second club parisien reste bloqué de l’autre côté du périphérique : Red Star, Créteil et ESSG attendant sur le quai que les panneaux distillent enfin une bonne nouvelle.


Eurostar : Le mercato

Le vieux rêve d’un tunnel sous la Manche a débouché sur une liaison Paris-Londres en TGV, dénommée Eurostar (le Brexit mériterait de se pencher sur la question). En moins de deux heures, il vous est possible, souvent en vidant votre codevi, de voir jouer Tottenham ou Crystal Palace. Est-ce que le foot français aurait le même visage sans lui, qui a probablement contribué à stimuler la colonisation française de la Premier League. Étrangement, le Thalys ne semble pas avoir eu le même effet pour la Jupiler League ou l’Eredivisie…


Ouigo : La Coupe de France

Tout le monde, y compris les revenus les plus modestes, doit pouvoir aller se détendre sur les bords de la Méditerranée. Affrontant la concurrence de l’avion voire du bus, à une époque ou le low cost se généralise, la SNCF décida d’inventer le TGV bas de gamme pour rester au contact du bas peuple, en le punissant quelque peu de sa « pingrerie » : vous mettez une demi-heure pour monter dans votre voiture, pas de wagon bar, deux ou trois pauvres « équipages de bord » qui circulent, des mégots écrasés sur la moquette et vous payez la prise d’électricité. Toutefois, pour ce petit retour vers le futur, vous économisez suffisamment pour vous dire que le temps c’est de l’argent, et que, vous aussi, « vous en êtes » .


Inoui : La Ligue 1 Conforama

Tout d’abord une interrogation éthique : des professionnels ont été payés pour cela ? Richard Ferrand est vraiment un petit joueur alors. Donnez un nom aussi incroyablement indigne au bien commun de tout un pays, notre époque pue vraiment. Le train, c’était mieux avant ! Des décennies de fierté cheminotes, de coca renversé sur la tablette qui ne s’essuie pas, de toilettes bouchées dont le robinet ne marche pas, de courses sur le quai et de carré famille à se pendre… Tout cela réduit à une technique de hand spinner pour impressionner le chaland et le nouveau ministre des Transports. Quand est-ce que les ultras viendront avec les syndicalistes de Sud-rail manifester contre le « train moderne » ? Ils ont déjà les fumis en commun…

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Par Nicolas Kssis-Martov

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