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Savidan : « Je voulais boire des coups avec mes potes »

Propos recueillis par Andrea Chazy et Maxime Marchon
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Savidan : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je voulais boire des coups avec mes potes<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Quel meilleur parrain que Steve Savidan pour une fête du football amateur ? Aujourd’hui coach du FC Bassin d’Arcachon (D5), l’ancien éboueur devenu international français a accepté de suivre la rédaction de So Foot sur ce projet fou qu’est l’organisation de cette première édition du Vrai Foot Day, la première journée consacrée au foot amateur. À l’occasion de l’annonce de sa participation à l’événement du 13 octobre prochain, on en a profité pour revenir sur le meilleur de ses années de footballeur du dimanche. Première partie de l'interview.

Quand tu repenses à tes premières années de foot, ça t’évoque quoi ?Le club de mes parents. Mon père était postier, donc j’ai commencé à l’Association sportive des postes, télégraphes et téléphones (ASPTT) d’Angers. J’ai passé les mercredis de mon enfance sur les terrains de foot, je devais prendre trois bus et traverser la ville pour aller aux entraînements. Quand je pense à cette période, j’ai tout de suite cette image de huit gamins entassés dans une CX, sans ceinture, avec le dirigeant qui clope à l’avant. Ça, c’est pour l’aller. Au retour, on ajoutait les trois verres de rosé. On est nostalgique du passé, de ces années 1980, ce ne sont que des bons souvenirs. J’avais entre 5 et 6 ans, j’étais multisports (gym, athlé, hockey), mais diagnostiqué hyperactif. C’étaient les plus belles années du foot amateur, un vrai lieu de vie, même de syndicalisme.

Jouer pour un club ASPTT, ça changeait quoi ?Tu voyais les collègues de ton père le week-end ! Et lui, il voyait les mêmes personnes semaine et week-end. Le foot faisait partie de la vie, il n’y avait pas de réseaux sociaux, donc c’était un moyen d’avoir de la proximité avec des gens. Le réseau social de l’époque, c’était la Poste.

Entre-temps, tu passes par l’Intrépide d’Angers. Et puis, après les U17, vient le SCO…Oui ! Ça se fait bêtement, je fais une bonne saison en réserve, mais le club dépose le bilan. Il ne leur reste qu’un moyen de continuer en championnat : faire jouer les jeunes. C’est comme ça que je commence en National.

Du coup, tu passes d’un cadre très déstructuré de la rue à un club organisé. Comment tu le vis ?À Angers très bien, car je n’avais pas l’impression que c’était un club pro. De toute l’histoire du club, pourtant centenaire, on est la seule génération à ne pas avoir joué à Jean-Bouin parce que la mairie ne voulait pas refaire le terrain. On a joué sur un petit terrain à côté, celui de la réserve où on jouait d’habitude, donc aucun sentiment de changement. Financièrement, je gagnais 300 balles, je bossais à droite à gauche comme barman, je faisais mon BEP compta, bref rien ne changeait, même pas la licence, car tu n’es pas joueur pro. Juste les déplacements plus longs à la limite.

Mais les coachs te demandaient plus de choses ?

Quand le banquier t’appelle un mardi matin pour te reprendre la carte parce que tu as trop abusé le week-end, c’est que tu n’es pas pro…

Non, c’est un mode de vie amateur. Il y a des joueurs qui arrivent de l’échelon au-dessus et ils font un peu changer les choses, mais c’est petit à petit. On voyait qu’ils venaient de l’étage au-dessus notamment grâce aux voitures ! Quand le banquier t’appelle un mardi matin pour te reprendre la carte parce que tu as trop abusé le week-end, c’est que tu n’es pas pro… Les anciens m’ont pris sous leurs ailes, ils me disaient de ne pas payer le week-end. Pourtant, ça me faisait plaisir.

C’était qui, les anciens ?Cyril L’Helgoualch, Gilles Kerhuel, Stéphane Rivoal que je côtoie toujours et qui me faisait sécher les cours. Son épouse ne l’avait pas suivi à Angers, et je jouais à la console chez lui. Il avait un vivarium avec un gros serpent dedans.

Pourquoi tu as toujours travaillé à côté de ton métier ?Par obligation, tout simplement, et un peu par envie. Ma femme travaillait aussi, donc je suivais. Par la suite, j’ai aussi joué sur ce côté, qui m’a rendu sympathique auprès du public. C’est quand je suis arrivé à Châteauroux qu’il y a eu un problème d’adaptation. Pas au niveau de la vie quotidienne, mais du foot. Ça s’est très bien passé avec Joël Bats parce qu’il me voulait, mais beaucoup moins avec son successeur Thierry Froger. Je lui en voulais, mais c’est seulement plus tard que j’ai compris l’exigence qu’il me demandait. Il voyait un réel potentiel en moi, mais j’avais des réels manques sur la compréhension du jeu. Et quand tu ne le comprends pas, et surtout je n’avais pas envie de le comprendre, alors on arrête. Là, le virage entre le foot amateur et le foot pro était très fort. Des mecs comme Malouda ou Roudet étaient formatés à ça, et en fait, je n’étais pas dans la même logique. Je voulais boire des coups avec mes potes en plus de faire l’entraînement ! Les gens me demandent toujours pourquoi j’arrive à 30 ans en équipe de France sans avoir fait de sélection jeunes. Voilà la réponse.

Ta femme t’a suivi à Châteauroux ?Oui, et du jour au lendemain, on se voyait tout le temps, alors qu’à Angers, elle travaillait, elle avait une vie professionnelle super active. On est fait pour vivre ensemble, mais pas H24.

Tu t’es considéré amateur jusqu’à quand ?Jusqu’à Angoulême (saison 2003-2004, juste avant son transfert à Valenciennes, N.D.L.R.), où je me suis vraiment retrouvé dans la merde. J’avais utilisé tous mes crédits, on m’a donné l’opportunité, mais je ne l’ai pas saisie. Et je venais pour « finir » à Angoulême, après avoir été à Ajaccio et Beauvais et en ayant bien gagné ma vie.

Qu’est-ce que tu as changé quand tu es arrivé à Angoulême ? Est-ce que tu as seulement évolué dans ta mentalité ou tu as changé des habitudes comme celle de moins fumer, moins sortir ?Pour moi, c’était fini quand j’ai atterri à Angoulême, donc j’y suis allé dans un total relâchement. Initialement, j’allais au stage UNFP et sur la route, j’appelle un pote qui joue à Angoulême et qui me propose de venir m’entraîner avec eux quelques jours. Aujourd’hui, l’UNFP fait des stages sur un mois, permet de remettre des joueurs en jambes alors qu’avant, on y allait pour faire juste un match amical de temps en temps ! Quand j’arrive à Angoulême, le courant passe direct, mais ils ne pouvaient pas s’aligner sur ce que je gagnais avec le chômage. Je leur ai dit de faire la meilleure proposition, ils ont fait le maximum, et j’ai signé direct, car ils me voulaient. Ils me voyaient comme un bon mec en plus d’un bon joueur, capable de bien s’intégrer au club.

C’était quoi la proposition ?C’était 3000 euros environ. Au chômage, je gagnais 2000 euros de plus, mais ce n’était pas bien grave, car le club me voulait, il y avait une ambiance sympa. Sportivement, j’ai vécu une année de merde, car on est descendus, mais j’ai été élu meilleur joueur de l’équipe et j’ai terminé meilleur buteur, paradoxe total. C’était une expérience riche en émotions, deux dépôts de bilan la même année, plein de bouffes chez les potes, car personne n’avait les moyens de sortir. Beaucoup avaient des enfants, on était dans un autre système, tu prépares un peu le retour à la vie active.

Avec ta femme, tu avais évoqué l’idée d’arrêter le foot pro et de retrouver une vie normale ?

Tu passes d’une équipe où quinze joueurs fument sur les vingt, à seulement trois ou quatre.

Non, car ça n’avait pas vraiment commencé. Je n’ai jamais été un réel titulaire, je n’ai pas joué dans les tops clubs de L2 ou de National, mon niveau a toujours été le même. Tu arrives au début des années 2000 où le foot prend une ampleur folle, l’exigence requise est montée en régime, il ne fallait plus être simplement un bon footballeur, il fallait être un bon sportif. Tu as des centres de formation qui dégorgent de mecs, et toi, tu as 24 ou 25 ans… C’est la fin du football où tu peux sortir quand tu veux. Ce n’était pas impossible, mais différent.

Qu’est-ce qui avait le plus changé justement quand tu dis que c’est différent ?Tu passes d’une équipe où quinze joueurs fument sur les vingt, à seulement trois ou quatre. Tu passes d’un football où tout le monde sort après les matchs vers un football où seulement un petit groupe le fait. L’impact et l’exigence dans l’entraînement changent aussi radicalement. Tout change, la visibilité explose. Avant, le foot était limité à Téléfoot et à Canal+, et il y avait une couverture très faible de la Ligue 2, un match diffusé de temps en temps. Même le National est télévisé aujourd’hui.

Le foot féminin également.Les gens ne se rendent pas compte du changement qu’il y a eu. Aujourd’hui, je ne serais pas footballeur professionnel en ayant eu la vie que j’ai eue. Les professionnels sont des machines de guerre. À Bordeaux, quand je vois les séances des filles, je me dis qu’on a vraiment passé un cap. Le joueur de R1 aujourd’hui, on lui demande pratiquement la même chose qu’un joueur de CFA ou National à l’époque où je jouais : trois à quatre entraînements par semaine ! Le niveau général des joueurs et joueuses a augmenté. En DH il y a dix ans, il y avait une dizaine de joueurs d’un bon niveau sur les deux équipes réunies. Aujourd’hui, ça joue au foot.

Est-ce qu’il y a des joueurs que tu as connus en foot amateur qui étaient vraiment très forts, mais qui n’ont jamais percé parce qu’ils étaient fêtards ou pas assez sérieux ?Ce sont plein de paramètres réunis qui font que tu es repéré par un club pro et que c’est le moment, ce n’est pas un fait précis. Quand je suis pris à Châteauroux, c’est parce que Joël Bats est venu voir Angers-Fréjus et que je marque quatre buts alors qu’on est mal classés. De nos jours, il est plus difficile de passer à côté d’un joueur avec Internet. Dès l’âge de treize ans, les bons joueurs sont draftés et les vidéos se diffusent. Un bon joueur de douze ou treize est systématiquement regardé par le grand club de son coin.

Et du coup, le joueur auquel tu penses qui est passé à côté d’une belle carrière, c’est qui ?Ça aurait pu être moi. Cela s’est joué à peu de choses finalement. Prétentieusement, quand je suis allé en équipe de France, plusieurs joueurs m’ont dit qu’ils se reconnaissaient en moi. Je me souviens d’attaquants comme Stéphane Samson, le meilleur attaquant du Mans quand je jouais, Réginald Ray, Laurent Dufresne… qui cassaient tout en Ligue 2, mais qui n’ont jamais passé le cap en Ligue 1. Peut-être que la Ligue 1 était plus prétentieuse qu’aujourd’hui, plus exigeante sur les joueurs, mais c’est aussi parce que tu pouvais faire de très belles carrières en Ligue 2. Benjamin Nivet a fait une très belle carrière et a principalement joué en Ligue 2.

Benjamin Nivet, c’est le dix à l’ancienne, une figure de « l’ancien football » , qui prend une bière après le match, qui ne se couche pas tous les soirs à 21h. On a le sentiment qu’il nous ressemble, il est plus facile de s’identifier à ce type de joueur qu’à Neymar. Tu penses qu’on aura l’occasion de revoir des joueurs dans le même registre ?Je pense que ça va se finir, les mecs qui ont aujourd’hui entre 30 et 35 ans, qui ont connu 1998, ne vont pas tarder à tous partir à la retraite. Maintenant, on verra seulement des joueurs qui ont été profilés dès le plus jeune âge comme joueurs de football professionnel.

C’est la fin d’un certain type de football finalement ?Ce n’est pas la fin d’un football, plus la fin d’un type de footballeurs. Je ne suis pas sûr que dans le foot d’aujourd’hui, on rencontre beaucoup d’histoires de vie comme celles que ma génération a pu connaître. L’autre jour, en déplacement avec mon équipe, j’ai demandé à mes joueurs dix minutes dans le vestiaire sans téléphone après le match. Je voulais simplement que ces dix minutes se passent entre eux, sans contact avec l’extérieur. Ce sont des trucs qu’il y a dix ou quinze ans, tu ne t’imaginais même pas ! Demain, la caméra sera encore plus présente, peut-être que même les supporters seront dans le vestiaire. Tout sera visible de l’extérieur parce que le football devient un spectacle et les coulisses en font partie. Peut-être même que les coulisses seront réservées aux privilégiés, qui sait ?

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Propos recueillis par Andrea Chazy et Maxime Marchon

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