- Italie
Rome, la marche qui fâche

Les ultras de divers clubs de Serie A ont manifesté ce samedi à Rome, pour protester contre le gouvernement. Un rassemblement controversé, alors qu'il est reproché à certains des groupes impliqués d'entretenir des sympathies néofascistes.
Aux dernières estimations, on en comptait quelques centaines. Quelques centaines d’ultras, qui rugissent près du Circo Massimo de Rome pour « condamner un gouvernement élu par personne, probablement le pire que notre patrie bien-aimée ait connu dans l’un de ses moments les plus difficiles » . Déjà pas au beau fixe avant la crise du Covid-19, la relation des ultras italiens avec le pouvoir ne pouvait que se détériorer tandis que la Serie A devrait reprendre le 20 juin à guichets fermés. Leur grogne inquiétait ainsi dans la Botte, alors que l’initiative de la manifestation romaine qui s’est tenue ce samedi est attribuée à des groupes de tifosià la réputation pas franchement flatteuse.
Ultras controversés
Selon plusieurs médias transalpins, comme le quotidien Il Napolista et l’hebdomadaire L’Espresso, l’idée de ce rassemblement émane de groupes, associations et formations politiques bien connus et proches de l’extrême droite qui agissent derrière le nom Ragazzi d’Italia. Le Veneto Fronte Skinhead, une organisation de droite radicale historiquement présente dans la Curva Sud du Hellas, et la Brigata Leonessa, un groupe d’ultras de Brescia dont une frange non négligeable est usuellement catégorisée à l’extrême droite du champ politique, seraient notamment à l’origine du schmilblick. Suffisant pour inquiéter l’Anpi (Association nationale des partisans italiens), organisation fondée par des résistants italiens contre le régime de Mussolini, puis contre l’occupation nazie. Cette organisation avait d’ailleurs envoyé une lettre au préfet de Rome, pour que cette « manifestation dangereuse et subversive soit empêchée, alors que des groupes néofascistes veulent défier les lois de la République ».
Il reste néanmoins impossible de catégoriser politiquement l’ensemble des ultras qui se sont rassemblés dans la capitale, ce samedi. Il convient également de souligner que de nombreux groupes ultras ont notoirement pris leur distance avec l’événement. C’est notamment le cas des ultras de l’Atalanta, qui ont déclaré dans un communiqué que « la Curva Nord de Bergame ne sera jamais impliquée dans des initiatives qui n’ont rien à voir avec le monde des ultras et ne participera pas à ce rendez-vous. C’est pourquoi nous prenons nos distances avec tout cela. Notre Curva s’est toujours distinguée par son caractère apolitique, et a fait de l’union sa force ». L’association de défense des droits des ultras Basta abusi, qui regroupe plus de 150 groupes de tifosi, a elle aussi décliné l’invitation en décrétant que l’événement était « loin de leurs valeurs ». Idem pour les ultras napolitains, qui ont décidé de ne pas faire le déplacement dans la capitale.
Street fighters
Finalement, le regroupement s’est donc tenu autour de 15 heures au Circo Massimo de Rome où demeurent les vestiges de l’antique piste de courses de chars de la capitale. Un lieu de rassemblement officiellement demandé à la préfecture par Forza Nuova, un parti politique d’extrême droite et néofasciste. Au menu ? Pas mal de saluts romains, des « Duce duce ! » scandés par-ci par-là, des bombes fumigènes… Des pétards aussi, à en croire La Repubblica qui s’est rendue sur place pour chroniquer l’événement. Et sinon ? De la baston, forcément, comme le relate le quotidien transalpin : « Vers 15h45, la violence explose dans la via dei Cerchi, la rue qui longe le champ où couraient les chevaux dans la Rome antique. Des ultras et des militants d’extrême droite ont soudainement attaqué la police et les carabinieri. »
Tous les tifosi ne sont évidemment pas à mettre dans le même sac, puisque certains d’entre eux auraient tenté de mettre fin aux débordements. Avec un succès mesuré : « L’aile la moins violente des ultras a tenté de ramener le calme, mais d’autres groupes ont continué à chercher le contact avec les forces de l’ordre. » Certains ultras n’ont d’ailleurs pas seulement défié les policiers, mais se seraient aussi affrontés entre eux, rivalité de clubs oblige. Et puis, plus grand-chose. La préfecture pronostiquait qu’elle pourrait avoir à encadrer jusqu’à 5000 hommes, mais la presse transalpine rapporte que le cap du millier de manifestants n’a en réalité même pas été franchi. Rien d’ingérable en somme, même si l’Italie du football se serait sûrement volontiers passée d’une après-midi comme celle-là avant la reprise de la Serie A.
Pour Aleksander Čeferin, les stades italiens sont « une honte »Par Adrien Candau
Propos issus de La Repubblica