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Qui est Mehdi Chahiri, la sensation du début de saison du Racing ?

Par Arthur Stroebele
Qui est Mehdi Chahiri, la sensation du début de saison du Racing ?

Avec deux buts en cinq rencontres, Mehdi Chahiri est la belle trouvaille du début de saison strasbourgeois. Débauché au mois de janvier, l'ailier nordiste, qui évoluait alors en National au Red Star, commence à éclore dans l'élite à 24 ans, et ce, sans être passé par un centre de formation. Portrait d’un joueur qui a pris son temps, mais qui semble définitivement lancé.

23 août dernier, première journée de Ligue 1. À l’affiche : Lorient-Strasbourg. « Quand le calendrier est sorti, Mehdi a tout de suite remarqué l’adversaire du premier match », avoue son agent Thomas Buanec. Sans pour autant que ce soit une « obsession », le destin a tout de même été rieur avec Mehdi Chahiri, qui s’est donc dépucelé en Ligue 1 au Moustoir et y a même inscrit son premier but dans l’élite. L’histoire aurait pourtant pu être bien différente et s’écrire avec un autre maillot : celui des Merlus. Retour alors à la saison 2014-2015, que le natif de Grande-Synthe a passé au sein de l’équipe réserve du FC Lorient. Pour la première fois de sa vie, Chahiri a alors dû quitter ses proches et sa région, cocon auquel il est viscéralement attaché. En Bretagne, il côtoie notamment Marvin Gakpa et surtout Denis Bouanga. Problème : la greffe ne prend pas. « Il a eu du mal à s’imposer, mais ce n’était pas une question de qualité technique ou footballistique, raconte Franck Redondo, son formateur chez les jeunes de l’Olympique Grande-Synthe. Mehdi n’était pas épanoui dans sa vie, et ça se comprend, car être loin de ses proches pour la première fois, c’est difficile. »

 Il avait beau être tout frêle, tout petit… Techniquement, il voyait tout avant les autres. Son plat du pied devant les buts était déjà exceptionnel. Quand je vois ce qu’il montre à la télévision, il a exactement le même toucher de balle qu’à l’époque.

Un sentiment confirmé par Marvin Gakpa, qui confiait ceci à La Voix du Nord en 2015 : « Mehdi ne se plaisait pas trop au centre de formation. Ça faisait un changement par rapport à ce qu’il avait connu avant. On est du même coin, je l’ai donc pris sous mon aile. Il loge à l’appart’. On est colocataires. Moi, je cuisine. Lui, il fait la vaisselle. » Avec Gakpa le Dunkerquois, Mehdi Chahiri retrouve alors quelques repères. À titre collectif, la saison se passe plutôt bien, puisque la réserve lorientaise remporte le titre de champion de CFA. Insuffisant pour Chahiri, qui décide de refaire ses valises et de revenir chez lui en fin de saison, à Grande-Synthe, pour tenter de filer un second élan à sa carrière.

Grande-Synthe dans la peau

Hormis une saison de U16 à Boulogne-sur-Mer, Mehdi Chahiri a fait toutes ses gammes dans son club de toujours, l’Olympique Grande-Synthe (OGS), et y a toujours été un « leader » selon Redondo. « Il avait beau être tout frêle, tout petit… Techniquement, il voyait tout avant les autres. Son plat du pied devant les buts était déjà exceptionnel. Quand je vois ce qu’il montre à la télévision, il a exactement le même touché de balle qu’à l’époque. » Soutenu par ses parents, sa tante et sa grand-mère, présents au bord du terrain à tous les matchs, le Grand-Synthois progresse tranquillement. Avec un état d’esprit qui n’a quasiment jamais changé : « C’était un garçon très calme et réservé. Mais dès l’instant où il n’y avait pas de ballon, qu’on faisait un peu de coordination, il boudait ! Il lui fallait toujours un ballon, un jeu, un but, rigole Redondo. Mais c’est vraiment un super gamin, très attaché au club. » Lorsque Chahiri revient à l’OGS après son expérience lorientaise, à 19 ans, Franck Redondo, passé entre-temps entraîneur adjoint, récupère un jeune qui ne montre aucun signe de déception et qui conserve son humilité. Mais un blocage psychologique s’installe : Mehdi Chahiri ne marque plus, lui qui était artilleur principal dans toutes les catégories. Malgré ça, Dunkerque décide de lui faire confiance lors de l’été 2016, sans lui offrir pour autant le moindre contrat professionnel.

« Il mettait n’importe quel défenseur sur les genoux »

Au total, Chahiri passera trois saisons à Dunkerque. Bilan : deux premiers exercices moyens, avec des entraîneurs pas toujours enclins à lui filer à manger, un temps majoritairement passé avec la réserve du club, puis un troisième, en 2018-2019, où l’arrivée de Claude Robin en septembre va tout changer. « C’est effectivement une question d’entraîneur, tranche d’emblée son ancien coéquipier Alexis Calant. À ses débuts à Dunkerque, j’ai l’impression qu’il voulait surtout jouer, s’amuser, sans voir plus loin. Et puis, il y a eu un déclic sous la houlette de Robin, qui lui a accordé sa confiance : il s’est structuré, a perdu quelques kilos, et c’était parti. » Sans encore être indiscutable, Chahiri joue davantage et est toujours sous les yeux de sa grand-mère qui se rend au stade Marcel-Tribut pour les rencontres à domicile.

À Dunkerque, le vestiaire n’était pas assez grand pour accueillir tous les joueurs. Du coup, les cadres et les jeunes étaient séparés. Avec Mehdi et Yvann Maçon, notamment, on était dans ce qu’on appelait « le loft ». Et c’était la folie dans ce vestiaire, que des petits coups en douce où on se remplissait les chaussures d’eau, où on se piquait les lacets…

C’est à cette période qu’il est repéré par l’agent Thomas Buanec : « On le suivait à une époque où il ne jouait presque pas. C’est un travail de scouting. Mais on a vu son potentiel et on a décidé de l’aider, alors qu’on prend peu de joueurs en National. » À l’entraînement, le Nordiste s’amuse, et impressionne : « Il mettait n’importe quel défenseur sur les genoux. Dribbler comme il le fait, c’est un don », ose même Alexis Calant. Enfin épanoui dans un vestiaire, Mehdi Chahiri dévoile ainsi une autre facette de sa personnalité : « C’est un petit foufou, extrêmement chambreur !, lâche Calant, aujourd’hui en prêt à La Louvière, en quatrième division belge. À Dunkerque, le vestiaire n’était pas assez grand pour accueillir tous les joueurs. Du coup, les cadres et les jeunes étaient séparés. Nous, avec Mehdi et Yvann Maçon (aujourd’hui à Saint-Étienne) notamment, on était dans ce qu’on appelait « le loft ». Et c’était la folie dans ce vestiaire, que des petits coups en douce où on se remplissait les chaussures d’eau, où on se piquait les lacets… Rien de méchant, mais ça faisait du bien dans une saison sportivement compliquée. » Les Dunkerquois se battent alors longtemps pour ne pas descendre, avant de mieux finir le championnat et sécuriser leur place en National. Chahiri n’inscrit que deux buts au cours de la saison, mais ses performances sont suffisantes pour que le Red Star, relégué de Ligue 2, lui offre son premier contrat professionnel, à 23 ans.

« En deux semaines, il a mis tout le monde d’accord »

Ce recrutement est aussi un coup de Vincent Bordot, actuel entraîneur du Red Star. Auparavant à Sannois Saint-Gratien, le coach faisait des montages vidéo des équipes adverses : c’est là qu’il a découvert le potentiel de Chahiri. À son arrivée à Bauer à l’été 2019, il demande aux dirigeants de l’enrôler, « mais il ne venait pas comme le numéro un à son poste », avoue-t-il aujourd’hui. Sauf que la donne évolue très vite : « Il a mis tout le monde d’accord sur les deux premières semaines d’entraînement. On était presque étonnés de son niveau. On s’est dit qu’il donnait peut-être tout au début et qu’après il n’y aurait plus rien, mais pas du tout. Il est resté tellement propre devant le but et tellement juste dans ce qu’il faisait… De là, j’ai arrêté les recherches pour un titulaire : je l’avais trouvé. » Et Chahiri s’est, lui, retrouvé devant le but. Cinq buts inscrits sur les trois premières rencontres, des un-contre-un dévastateurs, des plats du pied – sa spécialité – chirurgicaux et une excellente qualité sur coups de pied arrêtés. Un niveau de performance qui impressionne même ses coéquipiers, comme le gardien David Oberhauser : « Je suis arrivé après lui au club, mais à mon premier entraînement, j’ai compris que c’était l’homme fort de l’équipe. Et ça s’est vu sur le terrain : les matchs où il était absent, on n’a pas souvent gagné… » Le gardien, désormais au Puy, trouve même un bienfait dans ce parcours atypique sans centre de formation : l’ailier est frais, il tente, il percute, et son jeu n’est pas stéréotypé.

Les médias commencent alors à s’intéresser à celui qui devient très vite la pépite du Red Star, les adversaires se méfient, et l’ailier traverse une passe plus compliquée sur les trois matchs suivants. Vincent Bordot raconte : « Je savais qu’après ses performances du début, ça allait parler dans tous les sens et qu’il y avait le risque qu’il en fasse moins aux entraînements. Et, de façon logique d’ailleurs, c’est ce qu’il s’est passé. Il a été perturbé mentalement. Mais remonter la pente quand on est un peu dans le creux, c’est très dur, je lui avais dit. Et en fin de compte, il a su se relever. À chaque fois, il rejaillissait. » Pas en reste sur le plan tactique ou technique par rapport à ses coéquipiers, le joueur doit surtout passer un cap mental. « Il lui fallait de la constance, alterner jeu collectif et jeu individuel, qu’il se donne davantage dans les efforts, estime Bordot. Mais surtout dans les attitudes sur le terrain : il ne peut pas arriver à l’entraînement en laissant penser qu’il est un peu négatif ou pas très enthousiaste, parce qu’il est de nature nonchalante. Et c’est un point sur lequel on a énormément travaillé ensemble. À raison, puisqu’il a superbement progressé dans ce domaine. »

Cap à l’Est

Sans sourciller, au Red Star, Chahiri sort une saison exceptionnelle, oublie ses démons du passé devant les cages et claque quatorze buts et trois passes décisives toutes compétitions confondues, au cours d’une saison qui s’est donc arrêtée en mars. Sauf qu’à cet instant, son avenir est déjà réglé : il sait qu’il va découvrir la Ligue 1 dans les mois qui suivent. Le Racing Club de Strasbourg, interpellé par les grosses prestations du joueur, a cherché à l’enrôler dès le mois de janvier. « La condition sine qua non de ce transfert était que Mehdi puisse signer à Strasbourg au mercato hivernal et qu’il soit prêté dans la foulée au Red Star. Pour sa progression, on a jugé important qu’il fasse une saison complète là-bas », raconte son agent. « Surtout, à Strasbourg, on sait que l’effectif n’est pas pléthorique, et que si le staff le prend, c’est pour lui faire confiance. » Les deux clubs s’entendent, malgré des sollicitations d’autres écuries de Ligue 1 et de clubs étrangers : Chahiri signe un contrat de quatre ans et demi avec les Alsaciens. Un nouveau dépaysement, sauf peut-être niveau ambiance, puisqu’il quitte le très chaud public de Bauer pour découvrir celui de La Meinau. En quelques mois, il est surtout passé du troisième échelon français à l’élite.

Tous ceux qui l’ont côtoyé le savaient capable de franchir cette marche. « Bien sûr qu’il était prêt, abonde Vincent Bordot. La Ligue 1 se joue beaucoup dans les trente derniers mètres avec du un-contre-un, donc c’est parfait pour ses qualités. Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui peuvent l’arrêter… » David Oberhauser confirme : « J’ai un peu connu ce niveau, et je savais qu’il avait les qualités pour s’y épanouir. Sur le match contre Monaco, il profite d’ailleurs des largesses adverses pour s’engouffrer et marquer. Les ailiers sont les joueurs les plus forts des équipes et ont souvent l’occasion de performer, ça collait parfaitement. » Un match contre Monaco après lequel Alexis Calant, fidèle à sa réputation de chambreur, lui a rappelé quelques souvenirs : « J’ai vu qu’il avait été élu homme du match côté strasbourgeois. Je lui ai envoyé un message pour le féliciter, mais je lui ai surtout dit qu’il aurait quand même pu nous marquer quelques buts à Dunkerque et ne pas tout garder pour le Red Star ou Strasbourg ! » Des débuts loués, mais Vincent Bordot le sait, gare à l’enflammade : « Il faudra qu’il réitère ça sur dix ans de Ligue 1 pour qu’on dise de lui qu’il aura fait une belle carrière. Ce n’est pas quatre ou cinq matchs. Mais c’est évidemment tout ce que je lui souhaite. Ça passera par un travail sans relâche », prévient le coach. Si les débuts avec le Racing sont réussis pour Chahiri, les Alsaciens, eux, doivent rapidement corriger un début de championnat décevant collectivement (18es). Mais nul doute qu’ils pourront compter sur la fraîcheur de Chahiri, définitivement pugnace face aux difficultés. Et à qui l’air alsacien semble parfaitement convenir.

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