Que font les ducs de Bourgogne ?
Défait à domicile contre un concurrent direct, le FC Metz a déjà assuré sa place en L2 pour la saison prochaine. Logiquement, Caen devrait rejoindre les Lorrains dans la charrette avant Noël. Reste donc une place à pourvoir. Pour qui ? Lens ? L'OM ? Soyons sérieux...L'AJ Auxerre, en revanche, présente toutes les caractéristiques du FC Nantes de l'an dernier. La sempiternelle rengaine «On joue le maintien» de vigueur à chaque conférence de presse à l'Abbé-Deschamps depuis bientôt trente ans n'a soudainement plus rien d'une boutade.
Honnêtement, qui peut penser un instant que Lensois et Marseillais sont concernés par la descente ? Certes, tous les guides d’avant-saison avaient fait de ces deux clubs de possibles outsiders pour le titre, ou tout du moins des candidats déclarés à la Ligue des Champions. Ok, leurs prestations n’ont jamais été conformes à leurs ambitions, frôlant parfois l’infâme.
Mais il était certain que Dindane allait se réveiller tôt ou tard, tout comme le fait qu’une charnière centrale ayant disputé la finale de la Ligue des Champions il y a trois ans ne pouvait soudainement se transformer en gruyère.
En résumé, le talent existe chez les Lensois comme chez les Marseillais. Il est peut-être bien caché, mais au moins est-il là. Auxerre, de son côté, n’a pas grand-chose à quoi se rattacher depuis son entame de championnat catastrophique. Un gardien qui n’a de Sorin que le nom, une défense peu rassurante tant sur le papier que dans les faits (déjà 22 buts encaissés, plus mauvais total de la division), une attaque stérile, le champion de France 96 est à sa place, et c’est là le plus inquiétant.
Le projet de jeu prôné par Fernandez est simpliste. Il consiste à allonger systématiquement sur Maoulida en espérant que l’ancien Montpelliérain soit dans un bon jour, ce qui fut rarement le cas depuis la première journée. Les supposés cadres de l’équipe (Pedretti, Kahlenberg) sont bien en dessous de leur niveau habituel. Avec quatorze unités en quatorze journées, les Auxerrois ont plus que jamais chaud au cul. En outre, leur différence de buts (-10) – un baromètre davantage révélateur du véritable niveau d’une équipe que le classement en lui-même -, les condamnerait déjà en cas d’égalité. C’est bien beau de passer six buts à Nice en Coupe de la Ligue, mais ça ne rapporte pas grand chose.
Paradoxalement, c’est un nul à l’extérieur, plutôt un bon résultat en soi, qui a valu aux Auxerrois de réaliser la mauvaise opération du bas de tableau. Avec les victoires de Lens à Saint-Symphorien et de l’Olympique Mandanda à Lyon, voilà les Icaunais dix-huitièmes de Ligue 1.
Et pourtant, les hommes de Jean Fernandez ont été tout proches de l’emporter à Sochaux, ne se faisant rejoindre que dans les arrêts de jeu, dans une rencontre que l’on pouvait qualifier de match à six points. En réalité cette égalisation tardive des Sochaliens risque de coûter bien plus que deux points aux Bourguignons, eux qui sont toujours à la recherche de leur premier succès en déplacement.
A la différence de Lorient, Nice ou Sochaux, Auxerre n’est pas taillé pour jouer le maintien et encore moins pour remonter si accident il y a. Le club n’a pas cette philosophie du match couperet. En un peu plus de vingt saisons dans l’élite, la guillotine a dû se rapprocher deux ou trois fois, tout au plus. C’est justement ce qui a coûté leur place dans l’élite aux Canaris l’an dernier, eux qui étaient totalement pétrifiés à l’idée de recevoir Valenciennes ou Sedan, malgré la présence de plusieurs internationaux dans leurs rangs.
Le championnat de France n’a cependant pas intérêt à ce que l’AJA descende à l’étage inférieur, un an après avoir perdu un autre monument. Certes les affluences de l’Abbé-Deschamps sont rarement supérieures à celles du Stade Louis II, mais Auxerre, c’est tout de même un titre et quatre coupes de France sur les treize dernières années, un quart de Ligue des Champions, une demi-finale de C3, et un des plus gros fournisseurs de l’Equipe de France depuis vingt ans.
Pour redonner confiance à son équipe, Jean Fernandez a déjà tout essayé : jouer en marron et rose, changer de gardien ou écarter Maoulida, qui avait pourtant déclaré être venu « pour le coach » . Dernièrement, il aura même tenté de mettre en place une défense à trois, articulée autour de la tour de contrôle Sammy Traoré. Rien n’y fait, son groupe enchaîne les mauvais résultats. Symbole révélateur du mal-être bourguignon, le seul joueur à donner satisfaction s’appelle Kevin Lejeune, et n’a que 22 ans.
En coulisses, comme d’habitude, on ne voit pas le danger. On se dit que ça va bien finir par payer. Pas question de mettre la pression sur Fernandez, ce n’est pas le genre de la maison. Pourtant, l’ancien coach de l’OM aurait dû flairer le coup. Jamais Auxerre n’avait autant foiré son intersaison. Remplacer des internationaux par des joueurs de Ligue 2 (Lesage, Chafni), fallait y penser ! Que Sagna ou Akalé aient un bon de sortie pour services rendus, soit. Mais que dire des départs de Kaboul, à peine soixante matches de Ligue 1 dans les jambes, ou de Mathis, à qui l’on n’a même pas daigné proposer une prolongation de contrat ? Sans parler du départ de Benoît Cheyrou, joueur le plus régulier de l’effectif depuis trois ans, capitaine exemplaire et souvent décisif. Certes, l’AJ Auxerre n’a toujours pas de sponsor maillot, mais les dirigeants bourguignons ont encore une fois été victimes de l’appât du gain, les ventes de Sagna et Kaboul ayant rapporté rien qu’à elles plus de 20 millions d’euros.
Combien Auxerre aurait-il vendu ses internationaux espoirs dans deux ans ? Vraisemblablement deux fois plus. Et Kaboul ne serait certainement pas parti à Tottenham mais à Manchester ou au Milan. C’était déjà cette tendance à vendre trop tôt sans assurer ses arrières qui fut à l’origine de la discorde entre Jacques Santini et ses supérieurs, notamment l’épisode du transfert d’Abou Diaby vers Arsenal.
Rien qu’en additionnant les indemnités de transferts de tous ses cadres, Auxerre aurait pu se payer Henry, salaire compris. Au lieu de ça, on a préféré miser sur des joueurs au coût, mais aussi au talent, bien inférieurs. Ce n’est pas la première fois. La politique sportive du club consiste à capitaliser l’argent pour avoir le plaisir de contempler les zéros sur les feuilles de comptes, sans jamais investir. Qu’il semble loin le temps des Blanc, Martins et Lamouchi. Plutôt que de casser leur tirelire lorsque le centre de formation n’arrive plus à pondre un Cissé ou un Mexès, comme c’est le cas actuellement, Hamel et Bourgoin ont préféré confier à Sammy Traoré le soin de stabiliser une défense à la ramasse et miser sur Oliech pour percer les lignes adverses. Des mecs pas chers mais à peine titulaires dans des équipes carrément moyennes. Comme si l’ombre de Guy Roux planait toujours au dessus de la tête de Fernandez…Seulement voilà, recevoir les félicitations du jury lors de l’examen de passage devant la DNCG ne garantit pas le maintien.
Par Marc Hervez
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