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  • Foot et histoire de France

Quand Ronsard jouait au football

Par Eric Carpentier
Quand Ronsard jouait au football

Cinq siècles avant Yohann Mollo, le « Prince des poètes et poète des princes » s'adonnait au jeu de balle à l'invitation du roi Henri II. Si les mots étaient délicatement choisis, la pratique était autrement plus violente.

« Toi, vil footballeur ! » s’écrie le comte de Kent dans Le Roi Lear, à l’orée du XVIIe siècle. Il s’adresse à Oswald, le serviteur, fielleux, crapuleux – et finalement tué. Car au pays de Shakespeare, le mob football, ou football de foule, a mauvaise presse dans la haute société de l’époque. Mieux, il est purement et simplement interdit. Nicholas de Farndone, alors Lord-maire de Londres, est le premier à se mouiller en 1314 : « Nous décidons et interdisons, au nom du roi, sous peine de prison, que de tels jeux soient pratiqués désormais dans la cité. » Simple et pas funky. En 1609 encore, 3 ans après la première représentation de King Lear, une ordonnance condamne à Manchester le tort causé par « une compagnie de personnes viles et désordonnées s’adonnant à cet amusement illégal avec une foeth ball dans les rues. » Les fraises blanches ont une dent contre ceux qui n’en ont pas.

Il faut certes dire que la pratique est loin d’être paisible. On l’appelle communément soule. Ce sont les Français, par l’intermédiaire de Guillaume le Conquérant, qui l’ont introduite en perfide Albion au XIe siècle, et les règles sont rudimentaires : il n’y en a pas. Le but est d’amener en un certain point, place, quartier, paroisse ou village une soule, l’objet qui donne son nom au jeu et qui peut être une balle de paille ou de bois, une outre de vin ou encore une vessie remplie d’air. Le nombre de participants n’est généralement pas défini, non plus les limites de l’aire de jeu et les coups permis. D’où des procès pour crânes fendus, des dégâts humains et agricoles considérables, et des interdictions, en France aussi : Philippe IV le Bel, Philippe V le Long, Charles V le Sage proscrivent tour à tour un jeu dont ils n’apprécient que modérément le caractère brutal. Ainsi, selon la légende, 40 hommes auraient péri noyés au cours d’une partie à Pont-l’Abbé, province de Bretagne. L’Anglois Philipp Stubbs décrit lui la soule en des termes peu amènes dans son Anatomie des abus de 1583 : « L’un de ces passe-temps diaboliques usités même le dimanche, jeu sanguinaire et meurtrier plutôt que sport amical. Ne cherche-t-on pas à écraser le nez de son adversaire sur une pierre ? Ce ne sont que jambes rompues et yeux arrachés. Nul ne s’en tire sans blessures et celui qui en a causé le plus est le roi du jeu. »

Un ballon poussé sur une verte place

D’autres ont cependant une vision plus romantique de cet ancêtre du football. Ainsi Pierre de Ronsard, l’intemporel prince des poètes et poète des princes, chantre de l’amour et « soulier déchaîné » . C’est que, suivant la pratique millénaire du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » (Évangile selon Saint Matthieu), la soule est devenue le jeu des rois. Les interdictions successives n’empêchent d’abord pas le jeu de s’enraciner chez le peuple, qui s’unit selon sa paroisse ou son état civil, mariés contre célibataires. Puis il grimpe l’échelle sociale et oppose chanoines et choristes sous les transepts de la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre qui n’a pas encore pour archiprêtre l’Abbé-Deschamps. Il devient enfin loisir de gentilshommes. En Angleterre, ce sont 2 shillings débités des comptes royaux pour payer les ballons de James II en 1497. En France, c’est Henri II jouant sur le parvis de Saint-Eustache ou au Pré aux Clercs, aux abords de l’abbaye Saint-Germain-des-Près. Et refusant d’engager une partie sans son poète favori. L’auteur de Mignonne allons voir si la rose est tant épris de la soule qu’il l’évoque dans sa cour à Marie (Continuation des Amours, 1555 ; ore signifie tantôt, nda) :

Ore le chien couchant, les oiseaux, et la chasse,
Ore un ballon poussé sur une verte place,Ore nager, lutter, courir et voltiger.
Jamais à mon esprit de repos je ne baille. Mais je ne puis amour de mon cœur desloger :
Car plus je suis actif, et plus il me travaille.

Celui dont le procureur de la République de Lille opposait récemment l’amour courtois aux pratiques de DSK réussit là une performance unique dans l’histoire du monde : causer foot pour serrer une fille bien née. Mais c’est au fils de son ex-protecteur qu’il réserve ses plus beaux vers traitant de la soule, dans Le Bocage Royal, consacré à Henry III, Roy de France et de Pologne. Il y acclame l’agilité de son souverain en deux alexandrins brillants. Deux vers historiques à montrer dans toutes les écoles de football, de France et de Navarre. Deux vers visionnaires à réciter avant chaque coup d’envoi, en hommage à un jeu sanglant devenu combat d’artistes :

Faire d’un pied léger poudroyer les sablons,
Voir bondir par les prés l’enflure des ballons.

Par Eric Carpentier

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