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Primes aux bons payeurs ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Primes aux bons payeurs ?

Après la polémique sur la bonne éducation de nos représentants en crampons, voici que pointe la sempiternelle complainte sur les primes. En gros : l’impolitesse impose une amende, et la récompense au mérite se mesure aussi au degré de fierté nationale procurée. Et si on changeait plutôt de système en arrêtant de culpabiliser les footballeurs ?

Les premiers coups politiques sont venus de la droite, trop heureuse de zapper son refus de l’augmentation du SMIC et de ne pas abandonner la xénophobie larvée à Minute (avec sa Une sur Nasri, grand succès sur les réseaux sociaux ; merci, ils n’en demandaient pas tant). Même Jean-Louis Borloo, retombé pourtant dans les poubelles de l’histoire depuis son effacement présidentiel en faveur de Nicolas Sarkozy, se piqua d’inciter les Bleus à renoncer à leur bonus individuel de 100 000 €, petite gâterie pécuniaire enregistrée automatiquement en cas de qualification pour les quarts de finale. Évidemment, tout le monde cita la sélection italienne, autrement plus exemplaire quant au parcours et au plaisir dans le jeu, qui adopta d’elle-même de marquer sa solidarité envers son pays, si durement touché par la crise, et dont les fonds ainsi libérés iront vers l’Émilie-Romagne qui a subi le tremblement de terre que l’on sait.

On ne peut évidemment que louer le choix des champions du monde 2006. Un geste de charité n’est jamais une mauvaise chose en soi, surtout en matière d’image, et quelques religions dites de salut affirment même que cette démarche pourrait se révéler plutôt profitable pour les événements post-mortem. Mais cela reste un penchant caritatif, donc exceptionnel et provisoire. Pour nos amis italiens, il est évident que certaines arrières-pensées de circonstance ne sont pas absentes et qu’il ne s’avère pas inutile de montrer que le footeux n’incarne pas qu’un gros égoïste avare et rapace, notamment après la petite série de scandales qui a frappé et déshonoré la Serie A.

Et les bons élèves ?

Signalons avant tout que ces primes ne sortent pas de la poche du contribuable, mais qu’elles sont puisées dans les contrats des sponsors submergeant l’EDF depuis 1998, grâce, il est vrai aussi, au travail de sape et au sens du vice quasi–miraculeux de la FFF qui leur a fait signer leur chèque avant la compétition en leur promettant que, cette fois-ci, c’était bel et bien fini de rire. Il ne s’agit donc que de redistribuer auprès de ces têtes de gondole en short l’argent qu’elles permettent de collecter, et d’entériner que nos 23 gars censés exhaler l’amour du maillot restent d’abord des professionnels qui font le taff. Cette rémunération correspond, en l’occurrence, comme chez les amateurs au plus bas niveau où ces petits cadeaux existent, à un résultat objectif : une phase finale, une victoire, etc. Et, pour le compte, la sélection tricolore a bien rempli sa partie de sa relation contractuelle avec la fédération : se hisser en quarts.

Maintenant, si l’on doit indexer ces primes sur la qualité de jeu, on souhaite beaucoup de plaisir à ceux qui seront capables d’en coucher noir sur blanc les critères observables et quantifiables. Enfin, dernier angle mort de l’actuelle déferlante bien-pensante, réac’ à souhait : pourquoi punir tout le monde ? Et l’individualité de la peine ? Puisqu’il paraît qu’il y a des bons élèves, ils n’ont certainement pas à amortir le contrecoup des bêtises de leurs camarades du fond de classe et être de la sorte privés de leur petit paquet d’images avec les étoiles européennes imprimées dessus. La solution serait-elle dès lors de reporter sur Cabaye ce que doit Nasri ou de gonfler par trois l’enveloppe de Lloris ? Olivier Giroud a, de ce point de vue, bien raison de refuser, avant son départ pour Arsenal où, certes, les 75% d’imposition le feront désormais bien sourire, de payer les pots cassés des Ménez et compagnie…

Dédommagement

Et si on se posait enfin les bonnes questions, sans honte ni demi-mesure. Avant d’imposer un code de conduite à nos joueurs ou d’attendre une prise de conscience citoyenne de leur part, réfléchissons vaguement à la manière de faire tourner le système autrement. L’équipe de France génère des revenus confortables qui abondent dans les caisses de la FFF, qui a pour principale mission d’assurer le développement du foot amateur. Noël Le Graët pourrait saisir cette opportunité pour annoncer que, dorénavant, l’argent ainsi récolté servirait à financer la formation des bénévoles dans les clubs, comme le demandait l’AFFA, à soutenir l’essor du foot féminin ou, en cette période de vaches maigres pour la nation, à alléger le poids de la construction des stades de l’Euro 2016 sur les collectivités territoriales (voire, pourquoi pas, à subventionner des projets de coopérations en Afrique). Et qui sait, tout simplement, à aider les clubs rétrogradés à ne pas virer leur personnel administratif désormais en surnombre ?

Les capés ne seront plus que dédommagés, avec en retour sur leur investissement patriotique la plus-value engrangée à la suite d’une sélection sur leur valeur sportive marchande. Vous suivez ? À condition que personne ne soit sanctionné s’il refuse de répondre à l’appel du sélectionneur national, dans la mesure où ces conditions ne lui sembleraient pas satisfaisantes. Pour anticiper l’argument inévitable du populisme, si, à l’étranger, on persiste à distribuer des lots de consolation à six chiffres, que notre belle et grande patrie se grandisse en montrant l’exemple, car, comme l’expliquait Witold Gombrowicz, écrivain polonais installé chez nous qui a tant fait pour le rayonnement de notre littérature : « Être français, c’est justement prendre en considération autre chose que la France. » Cela sera toujours plus fidèle à notre héritage républicain que de bastonner, avec un drapeau tricolore, des sales mioches pourris-gâtés, fabriqués à la chaîne dans les centres de formation de l’Hexagone avec l’argent des impôts (et sans que cela ne choque personne jusqu’à présent). N’est-ce pas ?

Par Nicolas Kssis-Martov

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