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Petites confidences entre ennemis

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Petites confidences entre ennemis

A propos de Pastis à l’OM – Ray Grassi – Payot – 268 pages.

Si la tentative de dénonciation des mœurs du football marseillais avait présenté quelque sérieux, on aurait appelé le texte en découlant du nom de son collectif d’auteurs, les Grassiens plutôt que « Pastis à l’OM ».
En lieu et place, voici un texte qui a pour seul mérite de renvoyer à La Fontaine et sa montagne qui accouchait d’une souris. Mais c’est déjà promettre beaucoup et qu’en sort-il souvent ? Du vent.

Dévoiler les coulisses de l’OM à travers une pseudo intrigue policière qui ne démarre qu’après quatre-vingt quatre pages tout en offrant de nous conter le destin de personnages qui entretiennent des liens obscurs avec le club phocéen relève du ratage.

L’OM. C’est bien simple mais depuis que ce club est en vente, il s’est transformé en reine du bal de fin d’année avec laquelle tout le monde veut danser. Robert-Louis Dreyfus l’avait transformé en Belle au bois dormant. Les affaires telles que la condamnation de son actionnaire devant le Tribunal correctionnel de Marseille auront eu le mérite de relancer les débats, d’animer les esprits.

Restait la question : comment parler de l’OM. Le collectif qui s’est mis à l’ouvrage a choisi le modus operandi du « Je balance sans me montrer », soit de raconter de la façon la pire qui soit et qui vous rabaisse en dessous de ce que l’on souhaite dénoncer. Car quitte à faire la morale, autant le faire avec panache et courage.

Ray Grassi, boxeur, champion de France poids plume, est décédé depuis 1953. Son nom fut choisi pour le virage nord du stade Vélodrome, rebaptisé depuis 2000 en virage nord Patrice de Peretti, du nom d’un ancien supporter. Ray Grassi est ici le pseudonyme choisi par le collectif pour parler de leur OM. D’évidence, le collectif s’est fixé comme idée de peindre des personnages peu recommandables, parfois même répugnants, qui feraient de l’OM un enfer miniature, mais un enfer quand même. Hélas, la règle édictée par Bernanos dans son dialogue des carmélites : « Ce n’est pas la règle qui nous garde, c’est nous qui gardons la règle » n’est pas le dogme qui a été retenu par les auteurs.

Depuis toujours, l’OM suscite des théories farfelues, des interprétations sulfureuses, des allégations d’affaires, parfois outrancières, sur ce club ciment d’une ville. Il est vrai que ce club singulier n’en finit pas d’intriguer. Que l’on veuille ou non, mais l’OM inspire la passion ou la détestation, ce qui vaut encore mieux qu’un emportement boursier. Ensuite, il est toujours tentant de développer des intrigues littéraires au regard du contexte marseillais. A sa mesure, l’OM fait rêver, sans doute à cause de son glorieux passé de champion d’Europe, mais surtout, grâce, ou à cause, de l’image qu’il véhicule au travers d’une ville qui n’est pas réputée pour sa douce tempérance.

Le collectif Grassi a décidé de nous conter le meurtre de Karim Baudroie, cireur de banc marseillais, qui n’en finit pas de descendre à cause d’un genou récalcitrant à l’effort et qui a eu le malheur de mourir, égorgé dans les vestiaires du centre d’entraînement : la fameuse Commanderie. L’histoire nous est narrée par un certain Sargue, journaliste du cru au passé tortueux, marseillais pour toujours, et qui le prouve par l’emploi d’expressions destinées à faire couleur locale comme dégun (personne), ouaï (bazar, bordel), engatse (embrouille). Il croisera sur sa route un policier parisien, une attachée de presse que l’on qualifierait aimablement de gourgandine, le patron de l’OM, un certain René Legrand-Blanc (RLB) dit aussi Dany, en référence à Dany de Vitto, bambocheur de première auprès de qui sa maîtresse tente de gagner un petit milliard de dollars au travers de divers investissements, et qui accessoirement aurait confié à un tueur, dont le fils est joueur de l’OM, l’exécution du fameux Baudroie, à cause de photographies compromettantes avec ce dernier. Le mort se révélera un affreux petit maître chanteur, et son tueur, un avocat marseillais qui en finira par un suicide. Il est aussi question d’un Josip Silurgovic dit Silure, ancien joueur yougoslave porté sur la destruction de l’adversaire du temps de sa carrière, ayant comme ligne de conduite : l’intimidation, l’amour fou de l’OM, et un métier qu’il exerce comme manager du club.

Chaque personnage de fiction a son double dans la réalité que nous connaissons. Et dans un mélange que des individus sanguins qualifieraient d’ignoble, les noms des vrais protagonistes du football olympien nous sont lancés comme des bouées. Mais surtout, la mécanique repose sur des propos portés par les personnages de fiction sur des hommes comme Pape Diouf, Michel Hidalgo, Robert-Louis Freyfus, Pierre Dubiton, Christophe Bouchet, Frédéric Jaillant, Bernard Tapie, créant la confusion et laissant croire que ce livre révèle la vraie nature du football marseillais.

Christophe Bouchet a-t-il réellement mis en place des caméras dans tous les locaux de la Commanderie afin de constituer des archives et s’assurer de la date réelle de signature des contrats comme il l’avoue au journaliste du livre ? René Legrand-Blanc (RLB), l’actionnaire de la fiction, « fasciné par la pègre » , soucieux de rencontrer des parrains locaux, porté sur les virées nocturnes, entouré d’escrocs cherchant à se payer sur la bête, amoureux de ses seuls cigares, hébergeant une prostituée de grand calibre, est-il l’exacte réplique de Robert-Louis Dreyfus (R-L.D) ? Et que penser des affirmations telles qu’OM TV a permis à « Frédéric Jaillant, prélat zézayant, d’encaisser la monnaie : 20.00 euros par mois » , du portrait du maire de Marseille, pathétique dans ses petits bureaux de la mairie « qui ne veut pas d’un dirigeant fort » pour l’OM, des tribunes des supporters décrites comme des lieux de trafic au bénéfice de supporters manipulés qui se moquent des résultats de l’équipe, le tout entre deux tirades sur un agent de joueurs qui aurait collaboré avec un chef de guerre du Liberia, etc…, etc…

Les inquiétudes qui naissent de l’observation du football moderne ne sortent ni renforcées, ni affaiblies de cette petite chose. Cette délation bas de gamme laisse comme un goût étrange. Cette petite morale punitive n’apporte rien. Laissons ce livre sur les étagères d’où il n’aurait jamais dû sortir…

Jean-François BORNE

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