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Óscar García : « Cruyff a fait de moi ce que je suis aujourd’hui »

Propos recueillis par Adel Bentaha et Adrien Hémard, à Reims
Óscar García : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Cruyff a fait de moi ce que je suis aujourd&rsquo;hui<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Jusqu'à l'été dernier, un vin mousseux et la cathédrale étaient les deux seules bonnes raisons d'aller passer du temps à Reims. Il y en a désormais une autre : parler de football avec Óscar García. Débarqué dans la cité des Sacres au mois de juin, l'ancien milieu offensif du Barça et accessoirement coéquipier de Ronaldo, Romário et Figo, espère redonner vie au football champagne. Entretien fleuve avec un homme qui le dit haut et fort : non, le cruyffisme n'est pas mort.

Après six journées, Reims compte 7 points. Comment vous sentez-vous en ce début de saison ?Le projet de jeu souhaité se met petit à petit en place. On se laisse le temps d’explorer les différentes pistes tactiques qui s’offrent à nous. J’ai été un peu déçu par les matchs nuls face à Montpellier et Metz. Nous aurions dû nous imposer, car nous étions largement supérieurs. Je suis donc très satisfait du succès obtenu à Rennes. Il a enfin validé le travail effectué par les joueurs, qui assimilent doucement mes idées.

J’aime le fait de me dire qu’un garçon est devenu professionnel ou a atteint un certain niveau grâce à moi. De tous les clubs que j’ai eu l’occasion d’entraîner, le projet du Stade de Reims est celui qui ressemble le plus à ce j’ai connu à Salzbourg.

Vous avez dit que construire une équipe, « c’est comme construire une maison. Vous ne pouvez pas y vivre les premiers mois. Elle ne devient habitable qu’après trois ou quatre mois ». La maison Stade de Reims sera prête quand, alors ?Ce que je veux dire par là, c’est qu’il faut avant tout créer une base. Quand tu construis une maison, il faut d’abord t’assurer que les murs tiennent et que le vent n’entrera pas. En football c’est pareil. Cela implique l’ensemble du club et pas seulement l’équipe et le staff. Quand l’administration fait bien son travail, l’entraîneur est satisfait, puis les joueurs lui rendent sur le terrain. Tout est une question de communication, et ce processus peut et doit prendre un certain temps. Pour le Stade de Reims, il faudra également du temps. Les dirigeants savent que je privilégie un jeu offensif et me font confiance. Mais je ne viens pas ici uniquement pour amuser la galerie, je veux donner des résultats sur le long terme. Nous commençons déjà à montrer de belles choses, mais je dois encore apprendre à connaître mes joueurs, à établir un plan de jeu fixe, et ensuite, seuls les résultats nous diront la vérité. Il y aura assurément des moments un peu compliqués durant la saison, donc autant être préparé d’entrée à toute éventualité.

Qu’est-ce qui vous a motivé à venir retaper le Stade de Reims ?La direction m’offre la possibilité de travailler avec les jeunes, et c’était ce que je recherchais en majeure partie. Durant ma carrière, j’ai toujours fait en sorte d’avoir un œil sur l’équipe réserve afin de lancer les jeunes dans le bain professionnel. Je n’aime pas vraiment arriver dans une structure d’envergure, déjà faite. J’aime bien ce challenge de la voir grandir. J’aime le fait de me dire qu’un garçon est devenu professionnel ou a atteint un certain niveau grâce à moi, et Reims s’inscrit dans cette lignée. De tous les clubs que j’ai eu l’occasion d’entraîner, le projet du Stade de Reims est celui qui ressemble le plus à ce j’ai connu à Salzbourg. Durant mes précédentes expériences, j’ai souvent eu affaire à des effectifs plutôt « âgés » . Ça me fait donc d’autant plus plaisir de retrouver ce que j’ai pu connaître en Autriche.

Vous voyez des similitudes entre Reims et Salzbourg ?Bien sûr. À Reims, il y a une excellente équipe II avec beaucoup de talents, et l’un de mes objectifs, c’est d’en lancer le plus possible. Eh bien à Salzbourg, c’était assez similaire. Comme ici, il y a l’équipe de Liefering qui sert de filiale et qui évolue en deuxième division autrichienne. Red Bull axe tout son système sur la formation, et je retrouve ce même processus à Reims. Par exemple, le centre d’entraînement a été refait à neuf, afin de mettre les catégories jeunes en avant et dans les meilleures conditions. Salzbourg, c’était une découverte pour moi, et depuis, j’ai tout gardé. Ce qu’a fait Ralf Rangnick au sein du groupe Red Bull a marqué son époque. Dans la formation, l’utilisation du ballon, le pressing et le contre-pressing… Cette marque de fabrique autrichienne et allemande est jusque-là inégalée et elle continue de m’inspirer.

À Salzbourg, vous avez lancé des joueurs comme Upamecano, Naby Keïta, Ćaleta-Car ou Minamino. Vous comptez reproduire ce schéma cette saison ? Tout à fait. Je veux construire une équipe à Reims et non pas seulement l’entraîner. Cela passe donc d’abord par les jeunes. Quand je pense à des garçons comme Haïdara, Samassékou, Laimer ou Schlager, que j’ai connu gamins en Autriche et qui jouent aujourd’hui les premiers rôles en Bundesliga, je me dis que j’ai réussi ma mission. Idem avec Upamecano qui m’avait vraiment impressionné à Liefering. C’est ce que je veux faire à Reims. En réalité, j’observe cet effectif depuis près d’un an, je sais donc de quoi sont capables ces joueurs. Des talents comme Mbuku ou Kebbal par exemple, à qui personne n’offrait d’opportunité, c’est précieux. Quand tu vois leur intelligence de jeu, c’est difficile de ne pas leur faire confiance. Eh bien, c’est valable pour tous les jeunes dont je dispose au Stade de Reims. Ils auront tous leur chance.

Tout est neuf, mais Reims a une histoire, notamment avec son « football champagne » qui ne doit pas vous laisser indifférent…Quand on s’intéresse au football et à la France, Reims sonne comme une évidence. Mon père me parlait énormément de cette équipe et de son âge d’or, au même titre que Saint-Étienne. Je débarque donc en terrain assez connu et en un lieu chargé d’histoire. J’ai pu le voir de mes propres yeux lors de mon premier passage en France (5 mois à Saint-Étienne en 2017, NDLR). Alors aujourd’hui, ce n’est peut-être pas un club rempli de titres et d’une salle des trophées immense, mais la manière dont les dirigeants ont réussi à le stabiliser en première division et à en faire une structure sérieuse, qui grandit à vue d’œil, ça me suffit amplement. Tous ces facteurs font une différence énorme dans les choix d’un entraîneur. L’environnement est également excellent. Reims est une très belle ville, à l’architecture similaire à Sabadell (sa ville de naissance, NDLR) et la nourriture excellente. J’aime beaucoup la cathédrale. Quand la Sagrada Familia sera achevée, je pourrais comparer. (Rires.) Et évidemment, nous ne sommes qu’à une heure de Paris !

La Premier League est la NBA, avec une manne économique énorme. La Ligue 1 est une zone de draft géante.

La Ligue 1 semble vous passionner. Pourtant, les Français eux-mêmes se montrent critiques vis-à-vis de leur propre championnat. D’où vient cette affection ? J’ai surtout appris à apprécier la Ligue 1 depuis que je suis entraîneur. Je remarquais toujours un ou deux excellents jeunes à suivre en France, et petit à petit, c’est devenu une habitude pour moi de suivre les journées de Ligue 1. Malheureusement, en Espagne, il n’y avait qu’un ou deux matchs diffusés chaque week-end. Je me débrouillais donc toujours pour suivre cela via internet. Ce manque de visibilité m’étonne. Les gens sont tellement obnubilés par la Premier League qu’ils en oublient le reste. Ce qui est sûr, c’est que les Français doivent être fiers de leur championnat. Il m’arrive également de regarder la Ligue 2 ou de m’être laissé aller à un ou deux matchs de National. Je respecte beaucoup le football français.

La Ligue 1 peut-elle concurrencer les autres grands championnats ou du moins se mettre à niveau ?Évidemment. Le déséquilibre existant entre la Ligue 1 et la Premier League par exemple n’est pas sportif, mais économique. Du point de vue du terrain, la France n’a rien à envier aux autres. Hormis l’Espagne et l’Angleterre, aucun autre pays ne me semble actuellement supérieur. Vous savez, les joueurs français disposent d’une caractéristique singulière : l’adaptation. Ils partent souvent tôt à l’étranger, mais finissent toujours par s’y imposer. Imaginez donc ce que cela donnerait s’ils restaient en France ? La Ligue 1 atteindrait un niveau encore plus élevé. Pour concurrencer les autres ligues, le football français doit donc faire confiance à ses jeunes. Les joueurs anglais ou espagnols quittent rarement leur pays, car on leur offre suffisamment de garanties sportives et extrasportives qui leur permettent de rester. C’est là que la France doit faire la différence.

« Tu vois l’ESTAC, c’est par là-bas. »

Donc vous êtes d’accord avec Pablo Longoria qui dit que le football français est une sorte de NBA du foot ?Je dirais plutôt que la Premier League est la NBA, avec une manne économique énorme. La Ligue 1 est une zone de draft géante. Chaque été, c’est le bal des transferts où les jeunes joueurs français sont mis en valeur et rejoignent l’Angleterre. Quand on regarde l’équipe de France, tous les joueurs sélectionnés évoluent dans des clubs du top 10 ou 15 mondial et, à une ou deux exceptions près, tous sont passés par les championnats français.

Mon premier cadeau, c’est un ballon offert par mon père et il était aux couleurs du Barça, c’est vous dire. Alors quand j’ai rejoint la Masia à 9 ans…

Vous aussi, vous venez d’un gros vivier, de Sabadell, en banlieue de Barcelone. Beaucoup de pros en sont issus, dont Sergio Busquets. C’est comment Sabadell ? C’est un peu le point névralgique du football catalan. Tout est relié au ballon. On dispose d’énormément de petits clubs et d’un nombre de licenciés parmi les plus élevés du pays. La ville a très vite compris l’importance du football et a tout fait pour devenir un centre essentiel pour la préformation et la formation de jeunes footballeurs. Et tout ça, sans avoir jamais eu d’équipe professionnelle d’envergure. (Le CE Sabadell a connu quatorze saisons en Liga, mais la dernière remonte à 1988. Le club oscille surtout entre D2 et D5, NDLR.) À titre personnel, j’ai eu la chance d’avoir un père qui a vite compris la qualité de cet environnement formateur. Il m’a, par exemple inscrit au Club Esportiu Mercantil, où il n’y a même pas d’équipe senior. La catégorie maximum étant les U19, les installations étaient meilleures pour les petits de mon âge. Je l’en remercie encore aujourd’hui, car à 9 ans, j’ai rejoint la Masia. Je vivais à seulement 20 kilomètres du Camp Nou, donc quand tu viens de Sabadell et que tu aimes le football, ton objectif est de jouer au Barça. Sans trop le savoir, ma nouvelle vie débutait.

Que devez-vous au Barça ? Ce club a fait de moi ce que je suis. Mon premier cadeau, c’est un ballon offert par mon père et il était aux couleurs du Barça, c’est vous dire. Alors, y rentrer… Chaque été, nous attendions la carte d’invitation du club qui nous disait si l’on était conservé ou non. Quand j’avais 10 ou 11 ans, ils avaient recalé 15 joueurs de notre promotion et on s’est retrouvé à 5 ou 6 dans l’équipe, ça nous a encore plus soudés. À la Masia, j’ai appris une philosophie de jeu singulière, à aimer ma région, la ville de Barcelone et surtout mon club. De l’extérieur, les gens n’arrivent pas vraiment à comprendre ce que représente ce « barcelonisme », mais il n’y a qu’en grandissant à l’intérieur que l’on peut comprendre cela. Le FC Barcelone, c’est une fraternité.

On imagine donc que la cause catalane est essentielle pour vous.Bien évidemment. Nous portons l’emblème de toute une région. J’ai une opinion politique à ce sujet que je n’exposerai pas ici, mais il faut absolument du dialogue pour stabiliser cette région. Quand un camp se place en décideur, écrase l’autre et refuse d’écouter ce qu’il a à lui dire, ça devient difficile. Il faut revenir à un principe d’égalité et non de supériorité.

Vous aimez le Barça, vous y avez joué, vous en êtes socio. En ce moment, ça doit être dur, non ?
Je parlais de maison et de vent tout à l’heure, eh bien le Barça fait actuellement face à une tempête dans sa demeure. C’est triste de les voir perdre des matchs de prestige comme face au Bayern, mais c’est comme ça : c’est une période creuse. En revanche, il faut retrouver notre identité de jeu. Le tiki-taka, c’est primordial. Tu ne peux pas débarquer dans un club qui joue avec un style aussi singulier, que les enfants apprennent à maîtriser dès l’âge de 6 ans, et tout chambouler d’un claquement de doigts. Alors ça prendra peut-être une ou deux saisons, mais il faut absolument revenir aux fondamentaux.

Dans la surface on avait Romário, dans la profondeur on avait Ronaldo et dans les couloirs on avait Figo. C’était beau, non ?

Vous avez connu des heures un peu difficiles au Barça. Est-ce comparable à ce qu’il se passe actuellement?Notre génération a fortement participé à la reconstruction du FC Barcelone au milieu des années 1990. On nous appelait la Quinta del Mini, car nous étions cinq et que nous avions fait nos classes dans le Mini Estadi, la succursale du Camp Nou. (La Quinta del Mini était composée d’Óscar Garcia, son frère Roger, ainsi qu’Albert Celades, Ivan de la Peña et Toni Velamazán, NDLR.) Nous étions en 1995 ou 1996, et l’ère Johan Cruyff arrivait à son terme. Notre génération avait tout gagné chez les jeunes, et nous étions attendus comme la relève. Malheureusement, le club traversait une crise sportive évidente. On ne pouvait pas recruter, car à cette époque, les équipes ne disposaient que de trois ou quatre étrangers maximum. On nous a donc envoyés pour sauver les meubles. Je pense que sans ces difficultés, notre génération aurait connu une reconnaissance encore plus grande. Finalement, ce sont Xavi et Iniesta qui ont récolté les lauriers quelque temps plus tard.

C’est Johan Cruyff qui vous a lancé dans le grand bain en 1993. Il représente quoi pour vous ? C’est un entraîneur exceptionnel et c’est lui qui a fait de moi ce je suis aujourd’hui. C’était un génie qui anticipait tous les scénarios possibles. Je donnais tout pour cet entraîneur. Sans aucune exagération, je suis devenu entraîneur grâce à lui. D’ailleurs, quand vous regardez nos différents effectifs, nous sommes tous devenus entraîneurs par la suite. Vous pensez que c’est dû au hasard ?

Est-ce qu’Óscar García comprenait Johan Cruyff ?(Rires.) J’avais parfois du mal à suivre ses gestes, je ne vous le cache pas. Ça lui arrivait de partir dans de longs discours et de faire plein de mouvements avec ses bras que l’on ne comprenait pas tout le temps, mais ça démontrait tout son génie. Avec les jeunes, il était particulièrement exigeant. Quand j’y pense, c’était intense. Il nous grondait sévèrement et nous faisait refaire tout ce que l’on ratait jusqu’à ce que ça lui semble correct. Il avait surtout peur que les jeunes perdent un peu la tête, et maintenant que je suis à sa place, je le comprends. Je me souviens qu’il lui arrivait de venir me voir lorsque j’étais remplaçant et que je m’échauffais sur la touche. Il me disait : « D’accord Óscar. Tu entres sur le terrain, tu marques et on se casse tous à la maison », puis il partait s’asseoir. Je le regardais et je me disais : « merde, mais il est fou. » C’était sa manière de me mettre un peu la pression et de me faire entrer dans mon match.

Le cruyffismeest-il mort ? On a en tout cas l’impression qu’il est devenu obsolète, qu’il a besoin d’une mise à jour.
Non, le cruyffismeest toujours parmi nous. Ce concept, c’est avant tout une manière de mettre en lumière le spectacle et le spectateur. Une manière de s’amuser, en faisant de l’attaque une priorité. Cette philosophie ne peut donc pas disparaître, car cette notion d’ « amusement » existera toujours dans le football. Vous ne trouverez aucun joueur dirigé par Johan Cruyff qui vous dira le contraire. Ça dépasse le cadre barcelonais, c’est une manière de voir le football en général, et beaucoup d’entraîneurs perpétuent cette vision.

Vous avez joué avec Guardiola, Ronaldo, Hagi, Figo, Rivaldo, Stoitchkov. C’était comment de s’entraîner avec ces cracks ?C’était énorme. J’étais cependant suffisamment intelligent pour comprendre que je ne serais pas titulaire. Tout ce que je voulais, c’était rester dans la rotation afin d’avoir un minimum de temps de jeu. Je m’exerçais également beaucoup aux côtés des attaquants. Je voulais apprendre d’eux et non pas venir en tant qu’admirateur. Les fameux quotas de joueurs étrangers jouaient également un rôle important dans notre incorporation au groupe. Évidemment, ça permettait aux joueurs espagnols d’avoir plus de place au sein de l’effectif, mais ça créait également une certaine concurrence. Les clubs espéraient ainsi pouvoir vendre ces joueurs locaux à bon prix pour ensuite, éventuellement, investir sur des footballeurs étrangers qui, eux, coûtaient cher. C’était toute une mécanique.

À part Ronaldo, le Brésilien, qui était le plus fort ?Je dois avouer que Robert Prosinečki me surprenait beaucoup . Je ne m’attendais pas à voir un joueur aussi complet. Il arrivait à mêler technique et puissance ce qui, pour un joueur de cette époque, était assez rare. Il aurait très bien pu jouer de nos jours. Mais quand j’y repense, dans la surface on avait Romário, dans la profondeur on avait Ronaldo et dans les couloirs on avait Figo. C’était beau, non ?

Quand j’entraînais le Maccabi Tel Aviv, nous jouions même nos matchs de Coupe d’Europe à Chypre ! Un jour c’était calme, et le lendemain, ça repartait à coups de rafales.

Malgré votre amour du Barça, entre 2000 et 2004, vous avez porté les couleurs de l’Espanyol. Ce n’était pas trop difficile de revenir au Camp Nou ? Déjà, en 1999, Louis van Gaal ne souhaite pas me conserver au FC Barcelone. C’était son choix, et je le respecte. Je rejoins donc Valence. Mais dès l’année suivante, un impératif familial m’a obligé à revenir à Barcelone. Le Barça ne pouvait alors pas me recruter, et l’Espanyol restait la seule solution. Évidemment, j’aurais aimé revenir au Camp Nou en blaugrana, mais ça ne s’est pas fait…

Puis est venu le moment d’enfiler la casquette d’entraîneur, avec des débuts surprenants sur le banc du Maccabi Tel Aviv. Pourquoi ce choix ?À cette époque, en 2012, Johan Cruyff travaillait comme conseiller auprès des Chivas de Guadalajara, et son fils Jordi était directeur sportif du Maccabi Tel Aviv. Les deux m’ont sollicité, et il fallait que je me décide. Le Mexique, c’était un peu trop loin, et puis je me suis dit que Jordi et moi étions de la même génération et anciens coéquipiers. J’ai donc opté pour cette destination.

Après une pige d’un an à Brighton, que vous avez mené en demi-finales de play-offs de Championship, vous êtes même revenu au Maccabi Tel Aviv, que vous avez très vite fui à cause de la guerre.Lors de mon premier passage, la ville était en état d’urgence. Nous avons alors connu cinq jours de conflit armé. Mais lors de mon deuxième séjour là-bas, la situation s’est dégradée avec près de cinquante jours de conflit. La plupart de nos entraînements étaient annulés ou délocalisés dans les villes alentours, et pour les matchs, c’était pire. Nous jouions même nos matchs de Coupe d’Europe à Chypre ! Un jour c’était calme, et le lendemain, ça repartait à coups de rafales. On recevait des informations contradictoires d’une semaine à l’autre, j’ai donc quitté mes fonctions. J’ai vraiment vécu une période difficile à Tel Aviv… L’erreur que j’ai faite, c’est d’avoir tout de suite voulu rebondir à Watford, quelques semaines après. D’ailleurs, ça n’a pas duré très longtemps à cause de problèmes de santé. Mentalement, j’étais très affecté à mon arrivée en Angleterre. Je n’ai pas réussi à retrouver suffisamment de motivation, et ma santé en souffrait. J’ai écourté mon passage pour faire une pause au niveau professionnel. Ça devenait vital.

Puis vient le passage à Saint-Étienne où, malgré des résultats corrects, vous claquez la porte après le derby. C’était le pire jour de votre carrière, cette défaite 5-0 ?Cette défaite reste marquante. Jusque-là, nous restions effectivement sur des résultats honorables, mais cette déroute a un peu précipité les choses. Je me retrouve dans le match le plus important de la saison, obligé d’aligner des joueurs qui n’avaient pratiquement pas joué de la saison. On se retrouve à dix juste après la pause et puis on encaisse tous ces buts… Je tiens néanmoins à souligner que ce derby n’a pas été la raison principale de mon départ. Dans le vestiaire, ça se passait même assez bien. Disons que cela a été le résultat de quelques dysfonctionnements en interne, qui ne m’ont pas du tout plu. J’étais surtout gêné vis-à-vis des supporters.

Je me dirigeais vers mon banc et j’ai reçu une bobine de tickets de caisse en pleine face. Ma lèvre a explosé. Les gens ont pensé que c’était du papier toilette, mais je vous assure que ce n’en était pas.

Entre-temps, il y a aussi eu un passage à l’Olympiakos, où vous avez notamment été agressé lors d’un match contre le PAOK, avant de démissionner avant la fin de saison, après une grosse colère du président envers les joueurs. C’était ingérable ?Non, c’était super ! La Grèce et le football, ça ne rigole pas, et je m’y suis réellement plu. Ce match contre le PAOK était spécial. Nous luttions directement pour le titre et leurs supporters ont décidé d’en découdre avec nous. Il y avait des heurts avant même le coup d’envoi. Je me dirigeais vers mon banc et j’ai reçu une bobine de tickets de caisse en pleine face. Ma lèvre a explosé. Les gens ont pensé que c’était du papier toilette, mais je vous assure qu’au regard de la blessure que j’ai eue, ce n’en était pas. On va dire que ce sont des choses qui arrivent ! (Rires.) J’ai décidé de partir peu après, là encore à cause de soucis internes, administratifs.

Avant d’entraîner le Celta avec votre frère, vous n’aviez jamais entraîné en Espagne, où vous avez fait toute votre carrière de joueur. Comment expliquer ce paradoxe ?J’ai souvent eu l’occasion de jouer à l’étranger, mais mes transferts ont toujours été annulés au dernier moment. J’ai eu plusieurs offres de France ou encore de West Ham en fin de carrière, mais ça ne s’est jamais fait. Ça a longtemps été un petit regret. Quand je suis devenu entraîneur, je me suis donc assuré de voyager partout où je pouvais. J’ai toujours eu envie de découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles langues ou une nouvelle philosophie de jeu. Cela explique également pourquoi j’ai tardé avant de connaître ma première expérience en Espagne. Quand le Celta m’a fait cette offre, qui plus est avec mon frère comme adjoint, je me suis dit que c’était le moment. Je voulais me poser quelque temps au pays et me voilà reparti.

Vous avez abandonné l’idée d’être un jour entraîneur du Barça ?On a toujours le droit de rêver, non ? Pour l’instant, ils n’ont pas encore pensé à moi, mais un jour, peut-être qu’ils me solliciteront, et les Barcelonais peuvent être sûrs que j’irai avec plaisir.

Tout ce qu’il vous manque dans votre CV, finalement, c’est une sélection avec la Roja.
Comme joueur, j’ai eu l’honneur de jouer les JO en 1996. Ensuite, il y a eu quelques occasions d’être sélectionné en A, mais cela ne s’est jamais fait. Je suis déjà fier de ce que j’ai accompli, d’avoir été adjoint de Johan Cruyff en sélection de Catalogne par exemple, c’était fantastique. Jouer des matchs contre l’Argentine, c’est inoubliable. Et puis avoir porté les couleurs du FC Barcelone suffit totalement à me combler. Le Barça est mon équipe nationale.

Ça vous a fait quoi de recroiser Lionel Messi sur un terrain, avec un maillot autre que celui de Barcelone ? En tant que supporter inconditionnel du Barça, j’ai été très affecté par son départ. Vraiment. J’aurais aimé le voir porter les couleurs du club jusqu’à la fin, le voir achever sa carrière comme il se doit. Après, je suis content de le voir en Ligue 1 et surtout qu’il ait joué son premier match à Reims, contre mon équipe.

Qu’avez-vous pensé de l’ambiance ce jour-là, et de la photo de votre gardien Predrag Rajković avec lui ?C’était une atmosphère particulière. Nos supporters voulaient absolument voir Messi, ce qui justifie les chants et tout le soutien qu’il a pu recevoir. Après, il ne faut pas y voir une défiance envers leur propre équipe. Les supporters étaient simplement heureux de voir le meilleur joueur du monde débarquer dans leur stade. Pour Rajković, c’est vrai que j’aurais aimé que ça se passe loin des caméras. Cela étant dit, je ne peux pas en vouloir à un joueur de montrer son affection pour un autre. Le football, c’est une passion et c’est aussi bien de garder un regard admiratif. Beaucoup de ces joueurs n’ont également jamais eu l’occasion de rencontrer Lionel Messi, il n’y a pas de quoi leur en vouloir.

C’est comme dans la vraie vie : certains ont besoin d’étudier pour s’en sortir, et d’autres disposent d’une débrouillardise naturelle. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut muscler son cerveau et le solliciter en permanence.

Vous arrivez à Reims avec une idée du beau jeu. Et ce, après plusieurs années où Reims a obtenu des résultats sans être flamboyant. Vous sentez une responsabilité de devoir réussir en proposant du beau football ?Selon moi, on ne peut gagner qu’en jouant bien. Certains diront qu’il vaut mieux privilégier une assise défensive stable pour assurer le résultat, mais moi, je pars du principe qu’il faut tout bêtement marquer un but de plus que l’adversaire. Donc autant tout donner pour l’attaque. Dire qu’on peut « assurer un résultat » , c’est une légende urbaine. Tu ne peux pas conserver un score, car il y a un adversaire en face de toi et tu ne peux pas prévoir ce qu’il va se passer. La seule façon d’assurer la victoire, c’est d’attaquer et de marquer un but supplémentaire. Point. Le football est assez cyclique. José Mourinho, au top de sa carrière, tout le monde le prenait en exemple. Ensuite est venue l’ère Guardiola. Et puis ça a été au tour des entraîneurs allemands. Dans cinq ans, ce sera peut-être un autre entraîneur qui sera à la mode. Je ne préfère pas me référer à telle ou telle méthodologie, mais faire selon mes propres réflexions.

Vous dites que votre objectif ultime est de « jouer avec le ballon comme le FC Barcelone et sans ballon comme Salzbourg ». Mais concrètement, c’est quoi le style Óscar García ?
C’est tout à fait ça. Le ballon doit être la priorité d’une équipe, peu importe son système de jeu ou la philosophie qu’elle choisit d’adopter. Lorsque vous l’avez en votre possession, vous attaquez évidemment, mais vous défendez également. Vous mettez une pression directe à votre adversaire en le faisant reculer et vous formez un premier rideau avec votre bloc offensif. Enfin, vous l’éloignez de vos buts et vous assurez une sécurité défensive essentielle à votre équipe. Sans ballon, c’est exactement pareil. Vous occupez l’espace sur la largeur sans laisser la moindre faille et surtout, vous essayez de récupérer le ballon le plus vite possible.

Dans votre approche, vous donnez aussi beaucoup d’importance à l’humain, au-delà du sportif. Pourquoi ?L’humain doit être primordial dans une équipe, jusqu’au terrain. Il faut connaître ton coéquipier comme un frère. Pour cela, je fais des entretiens avec mes joueurs, on discute de la vie, j’essaye d’en apprendre plus sur leur personnalité. Sur le terrain, je les observe beaucoup. C’est un moyen de les comprendre. Je ne peux pas donner une consigne sur le même ton à deux joueurs différents. Il faut s’adapter au caractère de chacun. J’ai connu des joueurs de 30 ans très sensibles et d’autres de 18 ans déjà très matures et prêts pour le haut niveau. Les seules capacités physiques ne suffisent plus pour être un bon footballeur. C’est comme dans la vraie vie : certains ont besoin d’étudier pour s’en sortir, et d’autres disposent d’une débrouillardise naturelle. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut muscler son cerveau et le solliciter en permanence. Ça manque parfois dans notre sport.

Flâner sur le terrain après l’entraînement et sentir l’odeur du gazon, ça m’aide à décompresser.

Quand vous jouez avec des gobelets en carton pour parler tactique lors d’une interview au Daily Mail, ça participe à muscler votre cerveau ?
Comme nous étions dans un bar, j’ai pris ce que j’avais sous la main ! La prochaine fois, peut-être que je le ferai avec des coupes de champagne ! (Rires.)

Vous faites quoi en dehors du foot ?(Il réfléchit.) En réalité, rien ! Donnez-moi le football et ma famille, et je suis comblé. Le football, c’est une nécessité pour moi, je n’y peux rien. Certains regardent des séries, moi dès que je rentre chez moi, je me pose devant du football. Je prends tout ce qu’il y a. Flâner sur le terrain après l’entraînement et sentir l’odeur du gazon, ça m’aide à décompresser. Il y a des personnes pour qui le football est stressant. Moi, le football me relaxe.

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Propos recueillis par Adel Bentaha et Adrien Hémard, à Reims

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