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On était à la course de dromadaires, sport roi du Qatar

Par Hugo Lallier, à Doha
On était à la course de dromadaires, sport roi du Qatar

Tandis que l’émirat gazier s’apprête à accueillir une finale de Coupe du monde se tenait cette semaine la véritable attraction de la société qatarienne : la fête des fondateurs. Sa passion pour les courses de dromadaires éclaire son rapport au ballon rond.

Un portrait du régent Tamim Al-Thani surplombe l’étendue de sable. Ce même petit sourire en coin et ce regard oblique, qui dominent les halls d’hôtel, renseignent les visiteurs égarés. Aux abords du camélodrome d’Al-Shahaniya, perdu entre les terres ocres de la péninsule, des dizaines de pistes de course et des mains courantes dévalent sur des kilomètres. Le décor ressemble à ces stades municipaux paumés dans des bourgades de la campagne française. Un air du stade Henri-Jeanne de Bayeux en Normandie. Une épicerie, une banque et une clinique vétérinaire sont les rudiments de la capitale, Doha, qui semble bien loin.

Ici, pas de « Camel races this way » entonné à tue-tête comme dans les couloirs du métro de la cité ultramoderne. Contrairement aux employés de la capitale, les petites mains du camélodrome parlent péniblement anglais. Des ouvriers s’acharnent sous un soleil de plomb à ramasser les déchets ou arroser l’herbe grasse des espaces verts. Cachés dans des turbans qui ne les protègent pas vraiment des rayons du soleil, ces travailleurs souffrent.

« Au stade, il y a trop de monde »

Mohammed, perché sur son dromadaire, entraîne l’animal pour la course de l’après-midi. « C’est le meilleur », entonne-t-il aux passants dans un cri de joie aux airs de complainte. Il est 10h passé, et l’une des courses de la matinée vient de s’achever. Le sprint de dromadaires, c’est pour les lève-tôt. La compétition a débuté à 6h. Le principe de ce sport traditionnel est simple : il ressemble à nos courses de chevaux, sauf que le jockey est remplacé par un robot piloté à distance. Avec le football et le handball, il est le plus suivi à la télévision.

Ici, c’est mieux parce que tu es le coach, le spectateur et en plus tu peux gagner de l’argent. Au foot, tu te contentes de regarder.

Les pick-up affluent vers la sortie, et quelques thobes s’approchent de la supérette pour grignoter une barre chocolatée. Au volant de son Land Cruiser blanc flambant neuf, Ali s’apprête à rejoindre son écurie à quelques kilomètres du champ de course. Il a le regard vif, un débit mitraillette et quelques poils hirsutes qui lui courent sur une joue glabre. « La course de chameaux, c’est mieux que le football. Moi, je ne suis pas comme mon fils, je n’aime pas trop aller à l’intérieur des stades, il y a trop de monde, s’épanche-t-il sur le chemin vers son haras, les yeux plantés sur la route. Ici, c’est mieux parce que tu es le coach, le spectateur et en plus tu peux gagner de l’argent. Au foot, tu te contentes de regarder. »

Mondovision

Dans l’enclos, ses 25 dromadaires entretenus par sept domestiques broutent la hasiz, cette herbe sèche que scalpent les mâchoires de l’artiodactyle. Para, un petit modèle, concourt en début d’après-midi. 8 kilomètres de distance. Un tour de piste. 150 000 riyals qatariens à gagner, soit près de 40 000 euros. Aux yeux de tous, Ali a le plus mauvais dromadaire du plateau et il ne pourra pas tenir la cadence imposée par ses concurrents… À écouter ce vieux renard, l’engouement autour des courses de dromadaires serait bien plus important que pour la facétie inventée par les Anglais. Une position partagée par un comparse, Mohammed, autre propriétaire de dromadaire : « Pour moi, c’est le sport numéro un. Il n’y qu’à voir le monde qu’il y a. » Même si, à l’heure où le Qatar organise le grand raout du football mondial, on se garde de dire du mal du ballon rond…

On préfère rester dans nos voitures que de s’asseoir dans les gradins et suivre la course en tournant autour du circuit.

Sur le parking, une cinquantaine de pick-up patientent avant la course. La tribune à quelques dizaines de mètres est désespérément vide. « On préfère rester dans nos voitures que de s’asseoir dans les gradins et suivre la course en tournant autour du circuit », justifie Ali qui ouvre un paquet de chips qu’il fait reposer sur le tableau de bord. Le quinquagénaire se réjouit de suivre la course avec les commentaires de la radio qui braille en fond. La fête des fondateurs est retransmise sur la 97:00 FM : deux voix graves présentant les enjeux de la course. La télévision a également fait le déplacement, des caméramans sont planqués, caméra au poing, à chaque virage.

Para chute

Surprise à l’issue du premier kilomètre : Para vire en tête. Les pick-up se chamaillent sur le bitume en bord de piste. Les roues se frottent et les coups de klaxon s’envolent. « C’est plus nerveux qu’au foot », se marre Ali. Une voiture de police ferme la marche, les carambolages sont vite arrivés dans cet océan de pare-chocs. Dans son habitacle, Ali est comme un fou. Un talkie-walkie dort sur sa jambe droite. Il hurle dans un autre des encouragements coupés au couteau. La manière avec laquelle il tchate avec son dromadaire rappellerait presque comment Hervé Renard motivait ses joueurs contre l’Arabie saoudite lors de la première journée du Mondial.

C’est niveau Coupe du monde aujourd’hui.

Et ça hurle toujours plus fort dans l’habitacle puisque le dromadaire faiblit. Para finit par chuter au classement. Ali comprend qu’il ne remportera pas la course. Il y a trois jours, il a empoché un prix de 6000 euros environ, mais cette fois-ci la marche est trop haute. « C’est niveau Coupe du monde aujourd’hui », souffle le propriétaire. Son poulain finira 9e sur 11. Ça reste toujours plus brillant que la sélection nationale du Qatar pour ce Mondial à la maison…

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