- Euro 2012
- Groupe D
- France/Angleterre (1-1)
On en attendait plus…
Lundi soir, dans la touffeur de Donetsk, les Bleus se sont contentés d’un partage des points. Ils auraient pu gagner, ils ont avant tout cherché à ne pas perdre. C’est un choix, mais seule la suite dira s’il était le plus pertinent.
Les époques changent, et parfois dans des proportions surprenantes quand on approche la quarantaine. Longtemps, un match nul des Bleus face à l’Angleterre représentait une bonne affaire, de celles que l’on ne boude pas. Mais hier soir, dans les rues de Donetsk, les mines des supporters français un peu déconfites faisaient retentir le tic-tac du temps qui passe. Oui, désormais, un partage des points avec la perfide Albion figure une contre-performance de l’équipe de France, un bras d’honneur à toutes les défaites qui ont jalonné l’histoire tricolore jusqu’à 1997 et cet ultime succès des Three Lions au Tournoi de France (1-0), un jour où Alan Shearer avait crié « Laisse » à Laurent Blanc qui avait effectivement laisser filer avant que l’attaquant de Newcastle n’arrache un ongle à Barthez sur sa frappe taclée. Ruse et brutalité figuraient une sorte de cocktail indigeste pour les Bleus. C’était il y a quinze ans et plus jamais les représentants nationaux de Sa Très Gracieuse Majesté n’ont pu faire chuter une nouvelle fois leurs anciennes victimes préférées.
C’est sans doute cette réalité-là qui nourrissait le sentiment de frustration. Et puis, il y a l’idée que cette Angleterre, déjà pas très folichonne au maximum de ses forces, se présentait avec les fonds de tiroirs raclés dans tous les sens. Enfin, il y a le contenu de cette rencontre inaugurale du groupe D qui peut laisser quelques regrets, si tant est que l’on ambitionne la victoire, là où d’autres peuvent aussi légitimement estimer que la priorité était avant tout de ne pas perdre. Le coup du verre à moitié vide ou à moitié plein : classique. Pour Laurent Blanc, pas de doute, le risque d’une défaite était plus grand que le bénéfice d’une victoire. « Dans la mesure où l’on n’a pas gagné, on peut dire que ce n’était pas la meilleure tactique. On aurait pu jouer différemment. Les Anglais nous ont proposé ce qu’ils vont proposer pendant tout le tournoi. C’est une équipe de contre. Elle avait gagné ses deux derniers matches 0-1 en étant dominée, comme elle l’a été hier. Elle espérait sûrement refaire le coup. Quand une équipe refuse le jeu, ça ne permet pas de mettre en place ce que tu avais prévu. J’ai lu qu’on avait manqué d’ambition. Que doit-on dire alors de l’Angleterre ? »
Blanc, le vrai maillon faible ?
Il y a toutefois une différence fondamentale : les Anglais arrachent ce qu’ils peuvent avec les moyens du moment. Les Bleus, eux, sont supposés être porteurs d’un projet de jeu. On en a vu quelques bribes, seulement. Soyons indulgents aussi, les conditions ne se prêtaient pas nécessairement aux grandes envolées. Quand un double rideau se dresse dans les vingt-cinq derniers mètres sous une chaleur étouffante, il faut de sacrées réserves pour trouver le jus indispensable pour faire sauter le verrou. Les Bleus ont bien essayé les frappes (15, le plus gros chiffre des premiers matches), mais hormis Nasri une fois et, allez, une demi-volée de Cabaye déviée de justesse, l’option n’a guère été payante. Et puisqu’on parle de Nasri, allons-y gaiement. Le Citizen a d’une certaine manière symbolisé l’impression mitigée qu’a donnée l’escouade tricolore. Le « Petit Prince » (Stéphane Guy, c’est encore pour toi, on te kiffe) a joué juste et s’est montré décisif, ce qui devrait suffire normalement à valider sa prestation. Sauf que le bougre n’a jamais occupé son couloir droit, laissant le pauvre Debuchy tout seul. Au vrai, le véritable homme du match s’appelle Franck Ribéry.
On a suffisamment taillé le Bavarois pour ne pas lui rendre ce qui lui revient. Car c’est bien lui, le milieu gauche supposé, qui est allé régulièrement sur le flanc droit pour animer sur toute la largeur. Sans compter ses retours défensifs de tout premier ordre, en vrai costaud, au diapason d’un Alou Diarra qui aura beaucoup fait pour protéger une défense dont on continue à se demander ce qu’elle vaut vraiment, puisque prévaut encore la loi des vases communicants : quand c’est Mexès qui assure, c’est Rami qui flanche. Et vice et versa. Mais alors, du coup, si derrière ça a été, plus ou moins, si le milieu (Cabaye, top top top) a tenu le coup et que l’attaque a combiné, qui a foiré ? On serait tenté de dire Laurent Blanc. Lui-même. Face à une défense où Évra avait « l’impression qu’ils étaient quinze » , il a sans doute manqué quelqu’un pour occuper la boîte puisque Benzema, naturellement, décrochait pour trouver de l’oxygène. Et forcément, on se demande pourquoi ne pas avoir utilisé la carte Giroud : « Il n’y avait pas forcément beaucoup de décalages sur les côtés ni beaucoup de centres de notre part parce que les Anglais nous ont vraiment proposé deux lignes de quatre. Ils ont rarement pris des risques. Et puis, il y avait Terry et Lescott qui sont très bons dans le domaine aérien. J’ai préféré faire rentrer Hatem qui, sur de petits périmètres, pouvait éventuellement faire la différence. » Sur six petites minutes, on a connu choix plus déterminé. C’est sans doute ça, lundi, les Bleus ont été appliqués, mais pas tout à fait déterminés. Ça peut passer pour un premier match. Mais pour espérer voyager loin, il faudra trouver autre chose.
Dave Appadoo