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Non messieurs, ceci n’est pas vraiment du handball

Par Mathieu Rollinger
Non messieurs, ceci n’est pas vraiment du handball

L’analogie a été tentée à plusieurs reprises durant cette Coupe du monde par des commentateurs n’hésitant pas à décrire certaines phases de jeu en s’appuyant sur une comparaison hasardeuse avec le handball. Reste à savoir si cette assimilation relève d’une analyse pertinente ou est seulement un élément de langage sans réel fondement.

Pour certains, ce ne serait vraiment pas du football. Une défense regroupée et compacte, une attaque s’attachant à faire tourner le ballon pendant de longues minutes à la recherche d’une faille ou un arrêt spectaculaire de la part d’un gardien, il en faut peu pour qu’ils soient mis en lien avec le cousin du handball. Et souvent, dans les bouches de Christophe Josse ou Grégoire Margotton, lorsqu’une action de football se rapproche de celles de la petite balle résineuse, c’est au mieux pas académique, au pire indigne d’exister sur un terrain de football. Et si ce raccourci médiatique n’est pas nouveau, il est récurrent en Russie. Vincent Gérard, gardien de l’équipe de France de handball et champion d’Europe avec Montpellier, ainsi que Thierry Anti, entraîneur du HBC Nantes et vice-champion d’Europe, démêlent le vrai du faux.

La parade du gardien

L’action témoin :

86e minute de jeu, entre le Brésil et la Serbie. La Seleção a déjà fait le boulot, mène 2-0 et a sa qualification entre les doigts. Mais Neymar cherche à planter son pion et se présente face à Vladimir Stojković qui ne goale plus qu’avec l’énergie du désespoir. Le gardien s’est déjà pris un chabala sur une sortie similaire face à Paulinho, mais ne fuit pas le duel. Une parade-étoile plus tard, Neymar est contraint à rester muet. Typiquement un sauvetage « à la manière d’un gardien de handball » .

L’analyse de Vincent Gérard :

« Les commentateurs utilisent la comparaison avec le hand dès qu’il y a un arrêt impressionnant, mais tout ça est à nuancer. Au foot, un gardien va exploser en dernier recours, quand il se trouve en face d’un attaquant, alors qu’au hand, on ne fait pas n’importe quoi. On cherche à prendre le plus de place possible, à brouiller les pistes en ouvrant un espace à l’attaquant pour ensuite le refermer. La différence fondamentale est qu’au hand la balle vient du haut, alors qu’au foot elle vient du bas, ce qui change tout en matière de placement. Autre cas où on peut trouver des similitudes : les tirs excentrés. Je me souviens de l’arrêt de Manuel Neuer face à Benzema. Typiquement un arrêt de handball parce qu’il était resté grand pour fermer son angle, a patienté et n’a plus eu qu’à intervenir avec le bras, comme je pourrais le faire face à un ailier. Alors que souvent, sur ces actions, on voit les gardiens qui s’affaissent vers le sol et laissent ouvert le haut de la cage. Sinon pour la plupart des autres situations, les approches sont difficilement comparables. Sur un tir de loin au foot, le gardien pousse avec la jambe du côté pour plonger. Au hand, c’est ce qu’on apprend à ne pas faire. »


La défense de zone

Les équipes témoins :

L’Uruguay, l’Iran, le Danemark, l’Islande, la Suède ou encore la Russie face à l’Espagne, tous ont cherché à poser un bloc bas, réduisant au maximum les espaces, pour faire déjouer un adversaire a priori plus à l’aise techniquement. Cela se matérialise le plus souvent par deux lignes bien compactes et un ou deux voltigeurs désignés pour presser les porteurs du ballon. Une approche qui trouve un large écho dans le handball, où six joueurs sont le plus souvent alignés autour de la zone.

L’analyse de Thierry Anti :

« Les Herbiers m’avaient sollicité pour préparer leur finale de Coupe du France contre le PSG et travailler la défense de zone. Le football se joue sur grand espace et ce n’est donc pas applicable de la même manière que sur un petit espace comme au hand. Dans le foot actuel, savoir défendre en zones est primordial. Beaucoup d’équipes forment des blocs, concentrant leurs joueurs côté porteur de ballon, pour réduire les possibilités de passe et les initiatives individuelles. Si le joueur de pointe n’est pas trop débordé au pressing et que le bloc derrière est solide, les possibilités de passe sont réduites ou contrôlées. Une seule solution : celle à l’opposé, plus difficile à saisir, car elle nécessite une grande transversale qui laisse le temps au bloc de se déplacer. Il faut alors pousser le ballon vite sur les extérieurs, ce qui est moins facile au foot qu’au handball, d’autant plus qu’on est moins précis du pied que de la main. »


L’attaque placée

Les matchs témoins :

Les Espagnols ont échangé 1113 passes pour contourner le bloc russe, à la manière une équipe de hand se mettant en place avant d’attaquer le but. Sauf que la Roja a oublié ce dernier aspect et aurait été sanctionnée pour refus de jeu, si la partie se jouait sur un parquet. Même topo pour l’Allemagne contre le Mexique ou la Corée du Sud, où les allers-retours de la balle s’achevaient trop souvent avec une frappe lointaine trop prévisible pour être dangereuse.

L’analyse de Vincent Gérard :

« Pour moi, le foot se rapproche plus du water-polo, puisque les joueurs peuvent évoluer à proximité du gardien alors qu’au hand, nous sommes contraints par une « zone interdite ». Mais une fois l’attaque placée, handballeur et footballeur recherchent le duel pour attirer un deuxième défenseur, créer un décalage et trouver le surnombre plus loin. C’est un peu le même enjeu dans tous les sports collectifs d’ailleurs et donc la comparaison n’est pas complètement hasardeuse. L’avantage du foot, c’est qu’il y a la possibilité de prendre la profondeur. Au hand, il n’y a qu’un pivot au cœur de la défense, un peu comme lorsque Diego Costa est le seul au milieu de huit défenseurs. Sauf que le pivot au hand a le rôle de bloquer pour créer des espaces à ses attaquants, alors que l’avant-centre n’a pas les mêmes droits. Dernière donnée à prendre en considération : au hand, une fois la balle contrôlée, on peut difficilement la perdre alors qu’au foot, on peut toujours en être dépossédé. Finalement, un attaquant de foot a moins d’avantages qu’un handballeur face à ce type de défense. »


Les matchs chiants

Les purges témoins :

La plupart des matchs du Danemark. Des matchs attaque-défense, verrouillés où les défenses sont inébranlables et où personne ne cherche à jouer les contres. Une configuration où le lien avec le handball est aussi avancé ponctuellement.

L’analyse de Thierry Anti :

« Difficile de faire le parallèle, puisque au hand, on atteint en moyenne de 60 à 70 buts par match, quand un match de foot dans ces conditions se solde la plupart du temps par un 0-0. Je crois surtout que les équipes ont peur de se faire prendre en contre, avec la pression du résultat. Mais les équipes qui ferment derrière, ça n’a rien de nouveau. Dans les années 1960, le catenaccio de l’Inter ou le verrou suisse fonctionnaient très bien, sauf qu’ils savaient exploiter les contres. Aujourd’hui, il y a trop de pression sur les résultats et les équipes n’osent plus jouer. On ne prend pas beaucoup de risques au football face à une équipe regroupée. Au handball, on a fait évoluer les règles pour que les équipes marquent plus de buts, pour que les défenses aient plus de difficultés à bloquer l’attaque. On n’a jamais été frileux : engagement rapide, sanctions sur les défenseurs, le septième attaquant… On en fait peut-être même un peu trop d’ailleurs. »

Par Mathieu Rollinger

Tous propos recueillis par MR

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