Mieux vaut Trézeguet que onze et tristes ?
Raymond Domenech a décidé de ne pas sélectionner David Trézeguet, acte I. David Trézeguet dit, à qui veut l'entendre, qu'il a sa place en équipe de France, acte II. Raymond Domenech dit que David Trézeguet "fait de la com'" et que "oui il a sa place comme d'autres", acte III. Tout ça, c'est super, mais, en fait, Trézeguet a-t-il vraiment sa place dans cette équipe ?
David Trézeguet est un sacré buteur. Peut-être le meilleur. Il a marqué presque 170 buts avec la Juventus (carrément super), 34 buts en bleu en 70 matchs (carrément pas si mal) et 78 buts avec Monaco (carrément bien quand même).
En Italie, David Trézeguet, c’est Dieu. Là-bas, la presse s’était félicitée que l’attaquant français ne débute pas la finale de la dernière coupe du monde. David était entré en fin de match, en fait. Et avait raté son pénalty. Voilà qui résume la situation actuelle de Trézeguet en bleu : on se demande toujours pourquoi il n’est pas sur le terrain, mais quand il y est, il (se) rate.
Dans la course à l’Euro 08, le camion bleu est tombé dans le panneau écossais : un cul de sac dans lequel Trézeguet a traîné ses guêtres pendant plus d’une heure sans être capable de se trouver à la réception de quoi que ce soit, un centre vrillé, une touche, un corner, une passe-en-retrait-l’arme-absolue comme dirait l’autre. Trézeguet était là, sans y être. A peine une frappe déhanchée pied gauche dans la course qui passe à neuf mètres du but mais qui se voulait sans doute croisée -problème de rotation du bassin, donc problème de course, conclusion : à force qu’on nous le répète, on va finir par s’en persuader, Trézegoal ne court pas. Il marque. Et en Bleu, il marque (le) pas.
Problème : avec la Juve, David Trézeguet régale. 7 buts en 7 matchs depuis le début de la saison. Problème parce que si David piétinait à Turin, on se dirait que le garçon est fini, n’en jetez plus, la coupe est pleine, rangé des bagnoles, plus bon à rien, hop, au placard, une couverture chauffante sur le banc et on n’en parle plus. Mais non, à Turin, ça rigole, donc, problème.
Parce qu’on peut légitimement se poser la question : comment le sélectionneur de l’équipe de France peut se permettre d’ignorer un type qui marque un but par match en Serie A – le championnat le plus difficile d’Europe, si l’on en croit Benzema (lire interview sur sofoot.com) – quand il sélectionne Louis Saha ? (qui finalement a déclaré forfait).
La réponse de Domenech est simple : il doit faire des choix. Des choix d’hommes, mais surtout, des choix tactiques. Or parmi les attaquants sélectionnables, Trézeguet présente un profil unique. Il est le seul buteur de surface. Cissé est profondeur-vitesse-frappe-croisée, Saha est deuxième-attaquant-celui-qui-tourne-autour-plutôt, comme Luyindula, Govou est remplaçant-75-minutes-par-match, Anelka sait tout faire mais préfère partir de loin, Henry pourrait savoir tout faire mais veut tellement qu’on joue pour lui que ça complique un peu les choses même si, en fait, Thierry Henry, c’est Cissé puissance 10, c’est vitesse-crochet-enroulée-petit-filet-opposé, et plus si affinités, et Benzema, ça sera très grand mais c’est encore trop jeune pour flâner seul dans une surface, donc pour l’instant, c’est « seulement » le meilleur attaquant tournant du pays et c’est déjà pas si mal. Donc Trézeguet est seul dans les 6 mètres. Et c’est bien le problème de Raymond.
Dans L’Equipe du dimanche, une émission cryptée, David Trézeguet a tenté d’expliciter les raisons de sa non-sélection d’un point de vue tactique. Selon lui, l’équipe de France joue « trop bas », « trop loin de là où ça se passe » , c’est-à-dire de la surface de réparation (qu’il grise des fois qu’on n’aurait pas compris). Et forcément, si on est loin de la surface, y a pas de place pour Trézegoal.
On l’a dit et répété sur sofoot.com, l’équipe de France de Domenech est une équipe sur la défensive. Mais celle de Jacquet aussi (elle évoluait avec trois milieux défensifs environ), et pourtant Trézeguet y marquait des buts ! Sauf que celle de Jacquet jouait « défensif » mais « haut ». C’est-à-dire qu’elle était composée de joueurs à vocation défensive : Deschamps, Petit, au milieu, par exemple, mais que ces joueurs-là évoluaient haut sur le terrain, pressaient sur la perte, et cherchaient très souvent à étouffer l’adversaire. Il y a comme ça des équipes à forte concentration de laboureurs qui jouent pour bouffer l’autre. C’était le Marseille de Tapie. Une défense à cinq placée à cinquante mètre de ses buts avec très peu d’espace entre les lignes. L’équipe de France de Domenech pourrait jouer ainsi. Peut-être David y aurait alors une place en or, celle de concrétiser les centres des latéraux et joueurs de couloir, celle de convertir en but les erreurs de la défense adverse, incapable de respirer. Au lieu de ça, l’équipe de France actuelle joue bas, et Trézeguet reste chez lui.
Logiquement, il convient donc de se demander si l’équipe de France ne peut pas jouer un peu plus haut, s’organiser autour d’un 4-4-2 qui aurait sacrément de la gueule (tiens, par exemple : Coupet -Sagnol ou Diarra, Gallas ou Mexès, Thuram ou Gallas, Abidal- Ribéry, Makelele, Nasri, Malouda- Anelka ou Benzema, Trézeguet), voire en 4-3-3 superlatif (la même chose, mais on remplace Ribéry ou Malouda par Anelka ou Benzema, voire plus classe encore, une charnière Abidal-Mexès, Malouda arrière gauche et un milieu Ribéry-Makelele-Nasri, on rêve, on n’est même pas sûr que ça tiendrait debout)… Jouer plus haut, cela reviendrait, sans doute, à se passer, peut-être, pourquoi pas, et si c’était une idée ?, de…Thierry Henry. Puisque Trézeguet-Henry ça ne marche pas, ce n’est pas si con.
Sauf que…SE PASSER DE THIERRY HENRY EN ÉQUIPE DE FRANCE ???????? Et après tout pourquoi pas…Arsenal s’en passe très bien. Et le Barça ne devrait pas tarder à tenter l’expérience (quand Eto’o reviendra).
Mais si Domenech se prive d’Henry, tout le monde va lui tomber dessus. Et surtout, Henry correspond davantage à son organisation de jeu que Trézeguet, pour l’instant. Reste à savoir si l’option choisie est la bonne. À voir les matchs contre l’Écosse, voire la Georgie ou la Lituanie, il est permis d’en douter…
Sylvain Taloche
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