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Manuel Sergio: « Mourinho, c’est mon prix Nobel »

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Le mentor de José Mourinho est une sorte de Stephan Hessel du foot. Le vieux sage donne quelques pistes pour comprendre la méthodologie de Mourinho. Il la connaît bien, c'est lui qui l'a inventée.

Il y a bien eu Manuel Fernandes, Bobby Robson ou Louis van Gaal. Mais le premier mentor de José Mourinho n’est ni entraîneur ni joueur. Il est philosophe. Il s’appelle Manuel Sergio, vit à Lisbonne et a des allures de vieux sage. Ses 37 livres sur le sport et la philo ont fait de lui l’un des maîtres à penser d’une nouvelle génération d’entraîneur : Villas-Boas, José Peseiro, Jorge Jesus, José Mourinho et même… Pep Guardiola. Le Mou dit lui-même que c’est ce vieil homme qui lui a donné envie d’être entraîneur. Mais pas n’importe lequel, le meilleur. Voici Manuel Sergio, un révolutionnaire de 80 ans, l’homme qui a créé le Special One.

Professeur, vous êtes le premier à avoir perçu le potentiel subversif de José Mourinho…La première fois que j’ai vu José Mourinho, c’est à la faculté de motricité humaine de Lisbonne le jour de la rentrée en première année en 1982. Il avait cet air prétentieux qu’il a encore. C’était à la fin d’un cours, je lui ai demandé ce qu’il voulait faire plus tard. Il m’a répondu avec un air très sûr de lui « entraîneur de foot » . C’est assez inhabituel de voir des entraîneurs passer par la faculté. Habituellement, les entraîneurs de foot sont d’anciens joueurs et les étudiants qui passent par ici veulent tous être prof, pas entraîneurs. Alors je l’ai regardé et je lui ai dit : « Celui qui ne s’intéresse qu’au football, ne comprendra jamais rien au football. » Cette phrase a révolutionné sa façon de voir son métier. On en a souvent parlé depuis. Surtout quand il était à Porto.

Qu’est-ce que vous entendez par « autre chose » ?
La culture, mon ami. La philosophie, la littérature, la physique, la physiologie. Pour être un leader, il faut savoir communiquer, transmettre le savoir, avoir la culture et le comportement adéquat pour que les joueurs vous admirent. C’est ce qui différencie un entraîneur normal d’un grand entraîneur. Tous les entraîneurs savent à peu près la même chose sur la tactique. 4-4-2, 4-3-3, 3-5-2, etc. Tout cela, c’est de la musique. Un entraîneur n’entraîne pas des joueurs de foot. Il entraîne des hommes. Ce qui compte, c’est l’aspect humain plus que l’aspect physique. Il faut se demander quel est l’homme nouveau qui doit naître de l’entraînement.

Le foot, c’est de la philo en fait…Le football est bien plus qu’une activité physique. C’est une activité humaine comme la danse ou la musique. Quand vous jouez du piano, vous ne faites pas des tours ou des pompes avant de vous mettre à jouer. Pour vous entraîner, vous jouez du piano. C’est pareil avec le football. La différence entre tactique, physique, mental et physiologique n’a aucun sens. Pour être entraîneur, il faut être un spécialiste en sciences humaines et entraîner tout en même temps.

« Intellectuellement, c’est un surdoué »
C’est l’une de vos idées principales. Ne plus séparer le corps et le mental. Il faut prendre le joueur dans toute sa complexité. Mourinho par exemple a aboli les préparations physiques et les stages de pré-saison…Il y a une révolution à faire dans le football. Je ne suis pas là pour donner des leçons aux entraîneurs. Je dis simplement que c’est la dimension humaine qui fait la différence. Beaucoup de ses joueurs parlent de Mourinho comme d’un « second père » . C’est là que réside le secret des grandes victoires : ne pas s’intéresser seulement à la tactique, mais aussi et surtout à l’homme. Beaucoup d’intellectuels ou de scientifiques pensent que le football est une activité mineure. Pourtant, c’est le plus grand phénomène culturel du monde, celui qui n’a pas compris cela ne comprendra jamais rien au foot. En 40 ans, j’ai écrit 37 livres sur le sujet. Il y a de plus en plus de personnes qui pensent comme moi. Mourinho est celui qui l’a compris le plus rapidement. Pour moi, il est très différent des autres. Intellectuellement, c’est un surdoué.

Mourinho, Vilas Boas, Manuel José, José Couceiro, Carlos Queiroz : le Portugal est l’un des pays d’Europe qui exporte le plus d’entraîneurs dans le monde. D’où vient cet engouement pour les préparateurs portugais ?Il n’y a pas que les Portugais. L’autre jour, André Villas-Boas m’a appelé pour me dire qu’il avait vu mon livre Filosofia do Futeboldans le bureau de Pep Guardiola dans un documentaire à la télévision anglaise. Ça m’a fait plaisir. Le Portugal est un pays qui sait qu’il est périphérique mais qui, curieusement, a le meilleur joueur du monde : Ronaldo. Le meilleur entraîneur : Mourinho. Le meilleur arbitre : Pedro Proença. C’est une manière pour nous de dépasser notre complexe d’infériorité. Car être portugais est une difficulté qui s’ajoute au reste, parce que nous sommes un petit pays perpétuellement en crise. Dans mon cas, mes idées ont un peu voyagé au Brésil mais pas plus, et ici, j’ai créé la faculté de motricité humaine à Lisbonne, du nom de la science que j’ai inventée. Si j’avais été né de langue anglaise, tout aurait été très différent. C’est grâce à José Mourinho, qui a parlé de moi et de mes idées, que mon nom a commencé à être reconnu à l’étranger. Mourinho, c’est mon prix Nobel.

Il y a donc une pierre philosophale qui permet de gagner à tous les coups…La pierre philosophale, c’est l’homme. Mourinho n’est pas révolutionnaire d’un point de vue tactique. Il est révolutionnaire dans sa manière de faire progresser et de transformer les joueurs qu’il entraîne. Ce qui est au centre de cette théorie, c’est l’être humain. Comme on entraîne les frappes, les sauts, les passes, il faut concevoir des exercices pour entraîner la créativité, la générosité, l’intensité, la solidarité. C’est ce que j’appelle la planification anthropologique. C’est ce qui fait que Mourinho est différent de tous les autres. C’est un surdoué d’un point de vue intellectuel.

Propos recueillis par Thibaud Leplat

À lire Le Cas Mourinho, Thibaud Leplat (Hugo sport, 221p, 16,50€)

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Sergio García