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Lukas Podolski : « Champion du monde, c’est pas écrit sur mon front, hein ! »

Propos recueillis par Ronan Boscher, à Kobe.
Lukas Podolski : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Champion du monde, c&rsquo;est pas écrit sur mon front, hein !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il est plus proche de la fin que du début. Actuellement au Vissel Kobe, sans doute plus pour très longtemps, Lukas Podolski fait le point : la mentalité japonaise, une embrouille avec Breitbart, son goût des glaces, du voyage, son peu d’intérêt pour les coachs italiens et le 13 novembre 2015 au Stade de France.

T’as déjà eu l’opportunité de venir jouer en Ligue 1 dans ta carrière ?J’avais une piste sérieuse pour Monaco, à l’été 2009, quand j’étais au Bayern. Mais on n’est pas allés jusqu’aux discussions finales. J’avais aussi eu une offre de Manchester City, qui m’avait rencontré dans un hôtel. Mais je suis revenu à Cologne finalement.

C’est à Cologne que tu as grandi, que tu as chopé le virus du foot. Le foot de rue même. J’étais tout le temps dehors à jouer au foot. Je suis hyper content d’avoir vécu à cette période où le foot se jouait encore dans la rue. Parce qu’aujourd’hui… Dans la rue, t’apprenais des gestes que tu ne peux pas apprendre dans les clubs. La rue, c’est la culture du dribble, du contact, de la bagarre aussi, du petit terrain, des types de plein de pays, des matchs contre des darons à trois enfants. C’était comme ça, mon enfance.

Elle te manque, cette période ?Je te dis oui, direct. Ça me semblait normal d’être dans la rue avec le ballon. Ça ne parlait pas d’argent, on ne te promettait pas à boire, à manger, ni une douche. Non, t’allais jouer et marquer des buts. Point. Quand je vois les gamins des académies aujourd’hui… T’as l’impression qu’ils n’ont qu’un chemin possible pour faire leur éducation foot : on te dit à qui passer le ballon, t’as déjà des séances vidéo, tu dois forcément être bon à l’école, ça parle déjà d’argent. Ils ont tout. Les académies leur lavent leurs sous-vêtements, leur donnent le PQ, voire leur lavent le cul ! Faut qu’on les laisse un peu plus jouer. Mais c’est le nouveau monde, et je vois pas comment on peut changer ça. Si un jour, je suis coach de gamins, j’entraînerai comme j’aime. Tu ne me verras pas derrière un ordi portable à lui expliquer qu’il faut courir dans telle ou telle direction, à 70% d’intensité, ses kilomètres parcourus, les saloperies de stats. Le foot, c’est pas ça. Mon but ne serait pas de faire de ce gamin un joueur capable de gagner la Bundesliga. Non, j’essaierais plutôt de développer au maximum son potentiel, sa qualité intrinsèque pour qu’il devienne professionnel en Bundesliga. Ensuite, ce sera à lui de voir quelle couleur il voudra donner à sa carrière.

Au Stade de France, le 13 novembre 2015, au moment des bruits d’explosion, j’ai tiqué. Je me disais « Quand même, les bruits, là, ils sont très lourds, très forts. » D’autres joueurs les ont perçus différemment.

Pourquoi tu es tombé amoureux du foot plutôt qu’un autre sport ?Peut-être, déjà, un lien inconscient de transmission avec mon père. Quand j’avais 2-3 ans, il était pro en Pologne, donc je ne l’ai pas vu jouer, j’ai juste vu des photos de cette époque. Il m’a raconté 2-3 trucs, comme les longs déplacements de 24 heures en bus. C’était pas simple, mais j’aimais bien le principe. En fait, le foot, c’est venu naturellement pour moi. Mon voisinage, mes amis, quand il s’agissait de faire du sport, ça ne partait jamais en tennis, basket ou quoi. C’était du foot, que du foot. Partout, tout le temps. Après l’école, jusqu’à la nuit.

Tu avais des idoles ?Ronaldo, le Brésilien. Il était rapide, direct, marquait beaucoup. J’ai joué deux fois contre lui avec l’équipe nationale. On avait échangé nos maillots, d’ailleurs. Et je n’ai pas eu à me battre avec mes collègues pour le choper. Ils savaient tous que ça ne pouvait être que pour moi. Aucun débat possible.

Avec l’équipe nationale, tu as vécu un match qui restera tristement dans les mémoires : celui contre la France, le 13 novembre 2015, à Saint-Denis. Tu retiens quoi de cette date ? Au moment des bruits d’explosion, j’ai tiqué. J’avais beau me dire que ça pouvait être des bruits de gros pétards, je me disais : « Quand même, les bruits, là, ils sont très lourds, très forts. » Je sais que d’autres joueurs les ont perçus différemment. Pendant le match, on ne nous a rien dit sur ce qui se passait vraiment. On a réalisé et su à la fin du match et les jours qui ont suivi. Après la rencontre, on est restés dans les vestiaires. Personne ne pouvait dire ce que ces bombes signifiaient vraiment, s’il pouvait y en avoir d’autres ailleurs, si les attaques dans Paris étaient vraiment terminées. Il y avait beaucoup d’agitation dans les vestiaires, avec les gens de la sécurité, de la police. Je me souviens du public qui s’était réfugié sur la pelouse ou qui essayait de rentrer dans le tunnel et les vestiaires en fin de rencontre. C’est le moment le plus trouble, étrange, que j’ai vécu dans ma carrière.

Stade de France, 13 novembre 2015

Tu as rapidement dit qu’au Japon, tu te sentais dans un pays hyper secure. C’était un critère prioritaire pour toi ? Honnêtement, non. Le 13 novembre ne m’a pas rendu obsédé par ça. J’ai joué dans quatre pays et je n’ai jamais eu un seul problème. Et encore moins au Japon. Imagine : dans tous les magasins du monde, des vigiles te contrôlent avec des détecteurs, t’as des anti-vols sur les vêtements. Ici, que dalle. Je n’avais jamais vu ça. Le Japon a quand même tout du pays numéro 1 en matière de sécurité.

Tu t’es surpris toi-même à aller poursuivre ta carrière au Japon ?Je ne pensais pas du tout déménager là-bas ou en Asie. Je rêvais de poursuivre ma carrière en Europe. Je te cache pas que je ne connaissais absolument pas le Vissel Kobe quand ils se sont manifestés la toute première fois. Mais ça m’a intrigué. Après quelques recherches sur le championnat, le club, leur projet, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure. Dans le même temps, j’avais reçu une très belle offre de Chine, mais c’était tellement pas clair. Leur offre changeait tellement souvent que ça faisait encore plus ressortir la proposition de Kobe comme professionnelle et super carrée. Sans mauvaises surprises. Peut-être parce que je suis allemand, j’aime les choses bien organisées. Dans l’offre de Kobe, il n’y avait aucune erreur, et tout le monde était à sa place. La culture japonaise, quoi. J’y suis depuis plus de deux ans et je me régale dans cette culture. C’est tellement différent de l’Europe. Ils sont dans un tout autre logiciel. Imaginons que tu veuilles changer de rouge à blanc la couleur de la canette de Coca là, tu dois en passer par une dizaine de réunions, avant le « ok, faisons-le » . Ils ne veulent jamais prendre le risque de faire l’erreur. Quand tu demandes au serveur du restaurant si tu peux avoir quelque chose qui n’est pas dans le menu, il est perdu, il doit en parler au chef, au proprio. C’est étrange au quotidien, mais pas déplaisant. Tu n’y es juste pas habitué. Dans le sport de haut niveau en revanche, c’est un peu plus problématique.

C’est-à-dire ?J’ai une certaine expérience maintenant, avec le nombre de clubs dans lesquels je suis passé. J’ai vu beaucoup d’infrastructures différentes, et pour faire profiter de cette expérience ici à Kobe, c’est pas simple, même pour changer les vestiaires. Ils ne connaissent finalement que le japanese way, sont réticents à le faire à l’européenne. Tu dois accepter cette culture. T’es chez eux, pas chez toi. Mais dans une équipe de foot, ça doit être différent de la vie quotidienne. Dans un club, l’objectif est de gagner, d’être le numéro 1. Tu ne peux pas non plus tout le temps accepter de perdre du temps pour des choses que tu pourrais régler en deux secondes finalement. Dans le sport, tu as besoin de nouvelles idées, de fraîcheur.

Depuis que je suis arrivé à Kobe, on a quand même écumé quatre coachs. Cette instabilité est un problème, je trouve. Impossible d’avancer comme ça.

Comment tu juges les performances de ce Vissel Kobe justement, qui s’annonçait comme un futur monstre du football asiatique et qui déçoit finalement ?D’un point de vue sportif, les trois dernières années n’ont pas été bonnes. Nous n’avons pas évolué, toujours en milieu de tableau de J-League, alors que nous avions l’objectif de jouer les places de tête et de nous qualifier pour la Ligue des champions asiatique. Pourtant, franchement, on a une bonne équipe, le club s’est bien construit, avec son propre stade, de belles infrastructures, une grande présence sur les réseaux sociaux, peut-être l’un des meilleurs clubs à ce niveau-là en Asie. Mais sur le terrain, on n’arrive pas à passer un cap.

Pourquoi ?Franchement, je ne sais pas trop. J’ai toujours eu conscience, sans vouloir être prétentieux, que mon arrivée a permis de mettre Vissel Kobe sur la carte. Mais ce type de projet prend toujours du temps avec un club qui n’a rien gagné : au moins 4-5 ans, le temps que les infrastructures se montent, que les fans adhèrent à ton équipe. Je pense que le club veut trop tout de suite, dans ses objectifs sportifs. Genre, cette saison, on nous dit d’être champion ou pas loin. Je leur disais : « Mais pourquoi absolument cette saison ? Faisons les choses étape par étape. » Depuis que je suis arrivé, on a quand même écumé quatre coachs. Cette instabilité est un problème, je trouve. Impossible d’avancer comme ça.

T’en as parlé à ton président ?Non, mais attends, je ne suis que joueur, hein ! Le club décide des changements de coach, pas moi. Je dis juste que pour avoir de la stabilité, t’as besoin d’un concept, d’une stratégie définie, d’une philosophie, et de trouver le coach qui colle à ça, que le club s’y tienne dans le temps. Je ne sais pas pourquoi les dirigeants veulent que tout avance d’un coup. C’est comme ça. Le Vissel Kobe est sur le bon chemin malgré tout, a le potentiel pour être un grand club. T’as vu le stade ? Les fans ? Ils sont extraordinaires. Mais il faut délivrer sur le terrain maintenant. Les gens disent : « Y a Iniesta, Villa, Podolski sur le terrain, ça va être easy de dominer le championnat. » Ça ne marche pas comme ça, le foot. En face, t’as une opposition forte, des automatismes de mecs qui jouent ensemble depuis plus longtemps.

Tu dis qu’un projet comme celui du Vissel Kobe, c’est 4-5 ans. T’es à mi-chemin. Ton futur se trouve toujours ici ?J’en sais rien. Mon contrat finit là, en décembre, et le club ne discute pas avec moi de ça. De mon côté, j’ai des discussions avec d’autres clubs. On verra bien.

Si tu devais quitter le Japon, ce serait pour rentrer en Europe ou découvrir un nouveau continent ?D’un côté, ça fait 8 ans que j’ai quitté l’Allemagne. C’est long. Mais j’ai adoré toutes mes expériences dans les différents pays où je suis passé. Pour ma famille et moi, c’était super pour apprendre la culture de vie de chaque pays. Le vrai luxe du métier de footballeur, c’est sans doute ça d’ailleurs. Je ne me serais pas vu rester 15 ou 20 ans dans la même ville, le même club. Quand t’as l’opportunité de voyager comme j’ai fait, tu la saisis. En cumulé, en comptant l’équipe nationale, j’ai dû faire cinq fois le tour du monde. Et là, je suis ouvert à plein de choses. Pourquoi pas l’Australie, les États-Unis, un autre pays d’Asie.

Pas de Ligue 1 donc ?Je ne crois pas. Tu sais, l’Europe, quand ça fait plus de deux ans que tu n’y joues plus, que t’as 34 ans, bon…

De 2008 à 2016, je trouvais que l’Allemagne dominait le football. Pas forcément en matière de palmarès, mais on était quand même toujours presque certains d’atteindre la finale des grandes compétitions. Là, j’ai l’impression que le foot allemand doit se réinventer. On n’est plus aussi dominant.

Tu te trouves trop vieux pour revenir en Europe ?Non, mais c’est ce que pensent les clubs européens en revanche, que je ne suis plus prêt physiquement, que je suis allé au Japon juste pour prendre du blé. En vérité, je crois que j’ai envie de découvrir une nouvelle vie encore, une nouvelle culture. Et ça ne passera vraisemblablement pas par l’Europe.

Tu as eu beaucoup d’entraîneurs au cours de ta carrière.Énormément.

Tu as repéré des styles de management différents, selon les championnats, les nationalités ?J’ai joué 4-5 mois en Italie (Inter, N.D.L.R.), et les coachs étaient fous de défense, de tactique. Tous ceux qui ont eu un coach italien te diront la même chose. Quand j’en parle avec eux, on est souvent d’accord : 11 joueurs derrière, de la tactique, tout le temps, des entraînements ennuyeux. Tu n’as aucun joueur qui a déjà expérimenté le truc qui te dira : « Qu’est-ce que j’aimerais bien avoir de nouveau un coach italien ! » Non.

La décennie touche à sa fin. Par quoi a-t-elle été marquée selon toi ?Ce qui a vraiment changé, ce sont les réseaux sociaux. Ça a changé énormément le marketing des clubs quand même, les commentaires aussi. Et puis il y a les tactiques des coachs comme Guardiola, ou Jürgen Klopp, et Joachim Löw avec l’équipe nationale. T’avais l’impression que chaque année était meilleure que la précédente, avec l’arrivée de nouvelles technologies, des analystes, de la vidéo.

Là, tu n’as rien contre les analystes visiblement.Quand t’es pro, la vidéo, je trouve ça super. Dans les académies, beaucoup moins. Après, savoir avec ces saloperies de datas que je fais 10% de centres ou quoi, que je suis présent à 2% sur cette partie du terrain, je ne suis pas fan.

Tu retiens quoi de la Nationalmannschaft de Joachim Löw ? La décennie a changé le jeu de l’Allemagne. Ce changement avait même commencé à s’opérer à partir du milieu de la décennie précédente. Mais en 2008, 2010, 2012, 2014 ou 2016, je trouvais qu’on dominait le football. Pas forcément en matière de palmarès, mais on était quand même toujours presque certains d’atteindre la finale dans les grandes compétitions. Là, j’ai l’impression que le foot allemand doit trouver une autre façon de jouer, de se réinventer. On n’est plus aussi dominant.

Des paillettes dans la vie de Lukas

Tu avais pressenti l’élimination dès le premier tour au Mondial 2018 ?Absolument pas, comme beaucoup je pense. Je ne vais pas faire genre : « Je sais pourquoi ils se sont plantés. » Non. Je n’étais à l’intérieur du truc et je n’ai absolument aucune idée de pourquoi ils se sont plantés comme ça. Je n’ai pas passé mon temps à analyser les fucking datas pour faire genre : « Ça y est ! Je sais pourquoi ! » J’ai d’autres problèmes à gérer, hein. Mon football et ma famille déjà. Je vais te dire, même quand un journaliste me posait la question, après une défaite, « pourquoi t’as perdu ? » , et qu’il me posait trois jours plus tard « pourquoi t’as gagné ? » , je ne savais jamais quoi répondre. Dans ma tête, je me disais surtout : « Ben c’est le foot, c’est comme ça. » Comment tu peux avoir une réponse définitive alors que la vérité sera complètement différente 3 jours plus tard ? Certains vont te dire que la pelouse était trop mouillée ce jour-là, que le vestiaire était trop petit l’autre jour. Les journalistes – et je les comprends – ont des pages à remplir chaque jour. Mais c’est difficile pour eux de concevoir que nous, même en étant dans l’équipe, nous n’avons pas tout le temps les réponses.

Donc aucune piste à creuser sur cet échec, aucune intuition ?Comme ça, je dirais quand même que l’Allemagne est en train de renouveler son effectif. Les jeunes doivent encore, sans doute, apprendre à jouer ensemble les grandes compétitions avec l’équipe nationale. Pour beaucoup, c’était leur première grosse compétition. Ça prend du temps de construire une nouvelle génération.

Pourtant, la France, la plus jeune équipe du Mondial 2018, a gagné.Oui, mais ces jeunes-là étaient carrément dans le onze titulaire, et titulaires aussi dans de très bons clubs. Et il y a Mbappé. Ce serait intéressant de voir comment il va s’en sortir quand il changera de club. Là, il ne joue pas dans le meilleur des championnats, et j’ai hâte de voir ce qu’il va donner s’il va en Angleterre ou en Espagne par exemple. On pourra dire là si c’est vraiment un phénomène.

J’ai pas fait « waouw » devant l’équipe de France au Mondial 2018. Mais au bout du compte, tout n’est pas que tactique ou équipe attractive, en foot de sélections. Si on parlait de foot de clubs, je ne dirais pas la même chose.

Tu as pensé quoi de cette équipe de France ?Avec le décalage horaire depuis le Japon, je n’ai pas vu grand-chose de leurs matchs. J’ai surtout regardé ceux de l’Allemagne. La France, de ce que j’ai vu, n’a pas pratiqué un football attractif. J’ai pas fait « waouw » comme en regardant l’Allemagne ou l’Espagne des années précédentes. Mais au bout du compte, on retient quoi sur une Coupe du monde ? Le vainqueur final, certains joueurs, certains moments. Tout n’est pas que tactique ou équipe attractive, en foot de sélections. Si on parlait de foot de clubs, je ne dirais pas la même chose.

En août 2017, tu t’es retrouvé au milieu d’une embrouille avec le média Breitbart, pour un article sur un trafic de migrants, sur les côtes espagnoles, par jet-ski. C’est quoi cette histoire ?La photo en question avait été prise pendant le Mondial 2014, au Brésil, pendant une journée de repos. Je suis en short et tee-shirt de l’équipe nationale, à l’arrière d’un jet, conduit par quelqu’un d’autre. Cette photo a été utilisée pour illustrer cet article. Je ne sais pas pourquoi. En tout cas, c’est pas très drôle de voir ton nom, ta photo associés à ce genre d’articles. Moi, un passeur de migrants par jet-ski ??? Tu ne peux pas laisser passer un truc comme ça, venant d’une presse que je n’estime pas beaucoup déjà, connue pour sortir des histoires à coucher dehors. J’ai réagi de suite, avec le service presse de la fédé. On a laissé les avocats traiter cette affaire. On les aurait emmenés au tribunal s’il avait fallu. Je n’étais évidemment pas impliqué, de près ou de loin, dans cet éventuel trafic d’êtres humains, encore moins des migrants, et encore moins en jet-ski. Le problème est résolu maintenant.

Dans tes amis, tu as un certain Michael Schumacher. Comment vous vous êtes rencontrés ? C’était il y a une quinzaine d’années, en marge d’un grand prix. Michael, il habitait du côté de Cologne en fait, à 5-10 minutes de chez moi. Il a grandi pas loin, et sa piste de karting était dans le coin aussi. Bref, on est devenus potes. Quand je l’ai appelé pour jouer un match de ma fondation, il est venu jouer avec moi. Il m’a aussi déjà invité chez lui en Suisse. Et on a vu quelques courses ensemble. Je n’ai pas de nouvelles récentes de Michael. J’espère juste qu’il est sur le chemin du rétablissement, qu’il pourra marcher et parler de nouveau, un jour. Je l’ai toujours connu combatif en tout cas, avec une super mentalité. Donc j’espère.

Dans le paddock Mercedes

T’as ouvert pas mal de business, en marge de ton métier de footballeur.Beaucoup oui. Là, avec deux partenaires, j’ai ouvert trois boutiques de glaces, cinq kebabs et un concept store de vêtements et baskets. Tout ça à Cologne. Pour mes business, je ne cherche pas forcément un truc qui va me rapporter plein de sous, mais des trucs que les gens apprécient, si c’est de bonne qualité.

Tu as hésité avant d’ouvrir tout ça ? Ce n’est pas rare de voir des footballeurs se faire piller leur fric dans des business.Avant de me lancer, je voulais que tout soit 100% transparent, que je comprenne absolument tout ce qu’on allait faire, s’il y avait réellement un marché porteur, que les gens aiment bien. Tout le monde aime bien se manger une petite glace, et ce sera comme ça dans 20 ou 50 ans. Idem pour le kebab, les Allemands en raffolent. J’ai un prochain projet de business, plus gros celui-là, qui va s’ouvrir à Mulheim, du côté de Cologne : un hangar de futsal. 5000 m2, 7 terrains. Comme j’ai grandi dans le foot de rue, ça me plaît bien d’ouvrir ce type de hangar.

Tous ces business, on peut interpréter ça comme le fait que tu ne resteras pas dans le foot une fois ta carrière terminée ?Je n’ai pas encore décidé. Là, j’ai surtout trouvé de bons partenaires, de confiance. Je crois que j’ai encore la caisse pour jouer deux ou trois ans supplémentaires. On verra. Pour l’instant, je ne me sens pas l’envie de préparer mes diplômes d’entraîneur par exemple, et de coacher. Depuis que j’ai 10 ans, je ne vis que pour le foot, entre les entraînements, les matchs et les déplacements. Si je suis coach, je rentrerai dans la même putain de routine des entraînements, des matchs, des week-ends, d’être derrière l’ordi portable chez toi, pour définir qui joue, qui ne joue pas, comment… Non, je crois que je vais avoir envie de profiter pleinement de ma famille et de mes amis. Être coach plus tard, pourquoi pas, mais plutôt avec les gamins qu’avec les pros. Ça me correspond plus.

Tu as rempli tes objectifs, tes rêves durant ta carrière ?Mon premier rêve était de devenir footballeur pro. Et puis ensuite, tes rêves s’ajustent par rapport à ce que tu fais. Personnellement, j’ai pris les bonnes décisions. J’aurai eu une belle vie professionnelle. Alors oui, j’ai gagné une Coupe du monde, mais ce n’est pas écrit sur mon front non plus, hein. Je n’ai pas gagné tous les titres dans tous les pays où je suis allé non plus, mais ce n’était pas mon objectif absolu. Je m’estime chanceux parce que j’ai vécu dans plein d’endroits, Cologne, Munich, Londres, Milan, Istanbul, puis Kobe aujourd’hui. Avec l’équipe nationale aussi, on a toujours su trouver du temps libre pour aller se balader dans les villes où on allait jouer. Donc, quand, comme moi, t’as 130 sélections, t’as l’occasion de voir pas mal de choses. Ça nourrit énormément tes valeurs de vie, celle de ta famille, tous ces voyages. En tout cas, si j’étais resté à Cologne 15-20 ans, l’expérience n’aurait pas du tout été la même, sans doute moins enrichissante.

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Propos recueillis par Ronan Boscher, à Kobe.

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