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  • Retraite de Louis van Gaal

Loulou d’Anvers

Par Matthieu Rostac et Émilien Hofman
Loulou d’Anvers

Avant de faire marcher au pas les Pays-Bas du football, Louis van Gaal a passé quelques années chez le voisin belge, du côté du Royal Antwerp, comme joueur. Un club dans lequel Van Gaal a voulu faire du Van Gaal, malgré ses vingt et quelques années. Pas forcément une bonne idée.

Été 1973. Amsterdam rayonne. Son équipe de football, l’Ajax, vient de remporter une troisième Coupe des champions face à la Juventus grâce au génie de son totaal voetbal, mis en application par la bande à Piet Keizer, Gerrie Mürhen, Wim Suurbier, Johan Neeskens et Ruud Krol. Dans l’ombre de cette victoire monstrueuse, un seul homme pleure : Louis van Gaal. Véritable régional de l’étape – il a grandi dans le quartier du Watergraafsmeer, à deux pas du stade De Meer – le Pélican a attendu toute sa vie de porter la tunique ajacide, rongeant son frein dans les équipes amateurs du coin, avant de se voir offrir un contrat par le club amstellodamois à l’été 1972, alors qu’il a déjà vingt et un ans. Une saison plus tard, Louis van Gaal n’a joué aucun match avec l’Ajax. La faute à un certain Johan Cruijff qui truste le poste d’avant-centre que convoite également LVG. Blessé dans son orgueil et bien résolu à se faire une place dans le football professionnel, l’actuel entraîneur de Manchester United choisit de partir de la capitale néerlandaise.

« Il a tout de suite critiqué mon café »

Pendant un temps, l’équipe belge d’Ostende ainsi que le Valenciennes-Anzin s’intéressent à la « tour de contrôle » Van Gaal – 1,85 m agrémenté d’une belle carrure -, mais c’est finalement le Royal Antwerp qui signe l’attaquant batave de vingt-deux ans. Quelques jours plus tard, Louis van Gaal emménage dans le quartier anversois de Deurne. Et annonce très vite la couleur. « Dès son arrivée à l’Antwerp, il est venu vivre dans un appartement à côté du mien, juste en face du stade, se souvient René Desaeyere, ancien défenseur et entraîneur belge. Le premier soir, je l’invite avec sa femme pour boire un café à la maison, et j’ai compris le personnage à ce moment-là. Il a tout de suite critiqué mon café : « Pourquoi vous n’avez pas du café crème ? » qu’il m’a dit. Pour moi, c’était incroyable. Ma femme n’en revenait pas. » À peine arrivé que Louis van Gaal compte déjà faire marcher les Belges à la baguette, la sienne de préférence, lui qui a obtenu quelques années auparavant son diplôme de professeur d’EPS.

Mais face à des joueurs chevronnés comme Jean-Marie Trappeniers, gardien déjà âgé de trente et un ans lorsque LVG arrive sur les bords de l’Escaut, la technique ne prend pas. « Eh bien, on m’a dit : « Ça, c’est Louis van Gaal. » Mais tu sais, c’était une vedette pour aucun de nous, hein. On ne le connaissait pas. Pour moi, c’était un joueur comme un autre » , rembobine l’ancien portier des Diables rouges entre 1964 et 1970 (11 sélections). « Moi, je n’étais pas professionnel. La journée, j’allais travailler chez mon patron. Et en fait, l’entraîneur Guy Thys me demandait quand je voulais et pouvais faire l’entraînement. Et ça pouvait être à 10h, à midi… que l’entraîneur convoquait toute l’équipe. Ça devait énerver Van Gaal, car une fois, on a eu une discussion, mais je lui ai dit : « D’un, ça ne te regarde pas. De deux, pour critiquer, il faut monter sur le terrain. Donc, puisque que tu n’y es jamais, tu n’as rien à dire ! » »

Place du con et lenteur d’escargot

Le recrutement de Louis van Gaal au Royal Antwerp intervient à une période où le club flamand essaie coûte que coûte de contester la suprématie d’Anderlecht ou du Standard Liège, qui se partagent les victoires en championnat depuis plusieurs années. Le Néerlandais vient gonfler un contingent d’extracommunautaires qui comportent déjà le milieu danois Flemming Lund et les deux flèches autrichiennes Karl Kodat et Alfred Reidl. À ce petit jeu de l’Eurovision appliqué au club flamand, Louis van Gaal tient la place du con, au pied du podium, et doit se satisfaire de bouts de matchs. Un statut dont il ne se satisfait pas, avec le melon bien mûr qui lui sert déjà de tête, entretenu par des qualités indéniables de conservation de balle et de jeu dos à la défense. Peu importe que les supporters anversois le traitent de « tête de fromage » dans les travées, lorsque le Pélican joue un match entier, cela s’entend aux quatre coins de la Belgique.

Robert Geens, capitaine de l’équipe, racontait dans l’ouvrage Louis van Gaal : The Biography de Maarten Meijer que « sur le terrain, Louis était une tout autre personne. Il devenait totalement fanatique. Quand il jouait – et il jouait bien –, il ressentait ce besoin de dire à tout le monde qu’il avait été la star du spectacle. Dans ces moments-là, il était très heureux. » Trappeniers ne dit pas autre chose : « Pour un match contre Aston Villa où on gagne 4-1, il avait vraiment fait un mauvais match, pas bon. Mais après, dans le vestiaire, il a dit devant tout le monde : « Heureusement que j’étais dernier homme, c’est pour ça qu’on a gagné ! » Alors qu’il n’avait pas touché une balle ! » La vérité, c’est que Louis van Gaal a une charrette accrochée au derrière quand il se meut sur un terrain. « J’avais rien contre lui parce que c’était un ami. En plus, c’était techniquement un joueur fantastique, avec de la vista et tout, mais il était lent comme un escargot. Que c’était triste… » enfonce Jean-Marie Trappeniers. « Il voulait jouer dernier homme, et il faisait ça plutôt bien, mais toujours trente mètres derrière les autres. Et comme il n’avançait pas vite, c’était une catastrophe. Donc je lui criais dessus, c’est normal. Mais de toute façon, il le savait qu’il était lent, faut pas avoir fait d’études pour le savoir. » De fait, Guy Thys n’utilise Van Gaal qu’avec parcimonie, se servant essentiellement de ses qualités balle au pied pour conserver la possession et l’avantage lorsque le Royal Antwerp mène au score.

« Il a dû se le farcir, le Louis »

Évidemment, le Pélican ne voit pas ça du même œil et les prises de bec avec le futur coach historique des Diables rouges (entre 1976 et 1989) sont plus que fréquentes. René Desaeyere se rappelle un « jour où, à l’entraînement, Van Gaal prend la parole devant tout le monde : « Coach, pourquoi tu ne me mets pas dans l’équipe ? Quand j’ai la balle, je ne la perds jamais. « Réponse de Guy Thys : « Oui Louis, mais tu n’as jamais la balle. » Sur le coup, toute l’équipe se met à rigoler, sauf Van Gaal bien sûr. Mais il ne se fâchait jamais pour autant, ça lui passait au-dessus de la tête, vu qu’il se prenait pour le meilleur. » Nouvelle anecdote de l’ancien défenseur belge, qui dépoussière définitivement la boîte à souvenirs : « Lors d’une causerie d’avant-match où le ton était monté, il a dit à Thys : « Viens chez moi à la maison, comme ça tu pourras prendre un peu le sein de ma femme ! » Mais c’était en rigolant… Enfin non, mais Guy Thys était malin et il contrôlait tout ça. Parce qu’il a dû se le farcir, le Louis ! Je me rappelle une soirée dans un bar où Van Gaal lui avait parlé pendant deux heures parce qu’il voulait absolument jouer. »

À dire vrai, l’attaquant néerlandais ne prend pas uniquement la tête de son entraîneur, mais d’à peu près tous les gens qui ne pensent pas de la même façon que lui. Dont Jean-Marie Trappeniers : « Van Gaal avait toujours des discussions avec tout le monde parce qu’en fait, lui, c’était la seule personne qui avait raison ! Alors j’ai bien essayé de le calmer en disant : « Moi, je suis payé pour être gardien, toi t’es payé pour être joueur, et le Thys est payé pour être entraîneur. Et si tu as tellement de critiques, comment ça se fait qu’avec Guy Thys, on a été trois fois deuxièmes ?! » » C’est imparable : une nouvelle fois dans sa jeune carrière de footballeur, Louis van Gaal se retrouve dans un club qui connaît le succès – presque – sans lui. En 1977, et après 41 petits matchs et 7 buts marqués, il retourne aux Pays-Bas. Engagé comme professeur de sport au sein de l’établissement technique Don Bosco, il évolue les soirs et week-ends avec le club de Telstar, alors en deuxième division néerlandaise. Il y rencontre Mircea Petrescu, son mentor en tant qu’entraîneur, qu’il suivra au Sparta Rotterdam pour y apprendre les rudiments du capitanat et la meilleure manière de guider les hommes sur un terrain. En 1995, Louis van Gaal monte finalement sur le toit de l’Europe en tant qu’entraîneur de l’Ajax Amsterdam en 1995. Mais il a oublié une chose primordiale selon René Desaeyere : « Il ne m’a jamais fait goûter son café. »

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