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Little Marcel

Par Maxime Brigand
5 minutes
Little Marcel

Arrivé en Autriche sous les critiques de l'opinion publique en novembre 2011, Marcel Koller a progressivement retourné la tendance en l'espace de cinq ans pour devenir aujourd'hui le héros national qui a qualifié le pays à sa première compétition internationale depuis 1998. Le tout après un Euro 2008 où la sélection autrichienne était qualifiée d'office et avait explosé en plein vol.

Le premier jour, c’était une cible. Un homme jugé par tous en place publique. De l’avis de tous, son nom n’était pas assez clinquant. « Il n’a pas travaillé depuis deux ans. L’idéal à ce poste aurait été Andreas Herzog. Il connaît le fonctionnement de la sélection, a été manager général, adjoint et entraîneur des espoirs. Le sélectionneur de l’Autriche doit être autrichien. C’est comme ça. » Au fil des années, Herbert Prohaska, sélectionneur de la Wunderteam entre 1993 et 1999 et dernier homme à avoir conduit l’Autriche à une compétition internationale majeure en 1998, faisait et défaisait l’opinion. Son influence sur le football autrichien semblait certaine, sauf qu’en ce début de novembre 2011, l’ÖFB, la Fédération autrichienne de football, a décidé de le désavouer. Cette fois, le temps des regrets n’a plus sa place. Alors le président Leo Windtner a pris ses responsabilités et a décidé de trancher le débat en installant sur le banc de la sélection un homme au CV jugé faible : Marcel Koller, un ancien international suisse (56 sélections), double champion dans son pays, en 2000 avec Saint-Gall et en 2003 avec Grasshopper, et dont la carrière d’entraîneur peine à décoller au plus haut niveau malgré un bon passage à Bochum. C’était il y a maintenant un peu moins de cinq ans. Cinq années de révolution interne, tactique, sportive pour un épilogue en forme de pied de nez le 9 septembre dernier après une victoire éclatante en Suède (4-1) : Koller est face à son assistance, il croque une baguette, un béret sur les cheveux gris. L’Autriche vient de se qualifier pour l’Euro 2016, Koller de devenir un héros national.

Le sélectionneur normal

Sur le papier, c’est un exploit : l’Autriche a terminé largement en tête de son groupe de qualifications devant la Russie et la Suède tout en ne perdant aucune rencontre (9 victoires, un nul). Les statistiques sont parlantes et la troupe de Marcel Koller n’a encaissé que cinq buts, portée par une ligne défensive intouchable emmenée par le champion d’Angleterre Christian Fuchs, le prometteur Dragović (25 ans et déjà six titres de champion sur le CV) et le latéral droit de Stuttgart Florian Klein. En interne, on peut parler d’une révolution pour un pays qui est passé en cinq ans de la 77e à la 10e place du classement FIFA. Car si Marcel Koller est devenu un roi prolongé jusqu’à fin 2017 par sa Fédération, c’est pour magnifier un profond ménage : le Suisse a tout simplement imposé son système, ses idées, et ce, jusque dans les équipes de jeunes autrichiennes qui ont calqué son système de jeu en 4-2-3-1 modulable en 4-3-3 à la récupération. Voilà ce qu’il expliquait il y a quelques semaines au quotidien Le Matin : « Il est clair que le public adore cette équation (trois points à chaque match = bon entraîneur), surtout quand les succès sont absents. Tout le monde a alors le sentiment qu’il a son mot à dire : mauvaise tactique, changement trop retardé. Et on connaît les conséquences, qui se développent autour de la table du bistrot : on doit être beaucoup plus exigeant avec les joueurs à l’entraînement, on n’a qu’à leur supprimer leur jour de congé. »

Aujourd’hui, il l’affirme : il n’écoute plus ce qui se raconte et il avance. Et il ne masque rien, passant plusieurs heures par semaine à répondre aux supporters via ses comptes Facebook et Twitter. Marcel Koller est comme ça. Il s’ouvre, ne se cache pas et avance par la pédagogie tout en acceptant de se remettre en cause. Après l’échec d’une qualification à la Coupe du monde 2014, le Suisse avait alors expliqué vouloir accentuer l’exigence en défense – « nous voulons être actif et non être toujours dans l’attente » – et apposer définitivement sa philosophie – « nous voulons développer notre identité. Devant, on va chercher l’attaque rapide, les échanges fréquents et le gegenpressing. » Ce qu’il a réussi à installer autour de la génération dorée demi-finaliste de la Coupe du monde U20 en 2007 (Harnik, Junuzović, Suttner, Prödl) et des cadres expérimentés que sont Alaba, Arnautović et Marc Janko (16 buts en 20 matchs de championnat cette saison avec le FC Bâle). Koller : « Un bon entraîneur ne doit pas juste traiter ses joueurs avec froideur, non. Un bon entraîneur doit aussi avoir des capacités psychologiques développées. Et il doit rester flexible. »

« Tu peux tout donner et tout perdre au final »

Reste qu’au-delà des résultats, il y a surtout l’homme Marcel Koller, un adepte de la vieille école, apôtre du tableau en papier et bâtisseur affiché. Un entraîneur qui a surtout fait taire toutes les critiques qui l’entouraient à son arrivée à Vienne. L’Euro 2016 est pour l’Autriche la concrétisation d’une nouvelle ère, à l’image de ce qu’il s’est passé en Pologne, et doit servir de « première étape pour grandir dans un grand tournoi » . Avant la compétition, Koller avait expliqué avoir visionné plus de soixante rencontres différentes de ses adversaires du premier tour (Hongrie, Islande, Portugal), mais avait aussi affiché son caractère prévenant : « Dans ce type de compétition, si vous êtes malchanceux, vous pouvez être éliminés rapidement. Tu peux tout donner et perdre au final, c’est le problème avec le foot. » C’est ce qu’il s’est passé lors du premier match contre la Hongrie (0-2) à l’issue duquel David Alaba a demandé à ses coéquipiers « d’oublier ce qu’il s’est passé » , alors que Marcel Koller a appelé ses joueurs à « se relâcher » . C’est la prochaine mission de cette équipe entourée de promesses. L’avenir est aussi à ce prix.

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