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L’étrange fiasco du restaurant de Florent Malouda

Par Maxime Renaudet
L’étrange fiasco du restaurant de Florent Malouda

En octobre 2017, quelques mois avant de signer au FC Differdange 03, Florent Malouda participe à l'ouverture d'un restaurant à Luxembourg. Mais en mai 2018, après moins d'un an de fonctionnement, des problèmes de gestion à répétition, et une dernière pige qui finit en conflit, l'affaire tourne au vinaigre. Depuis, le Colisée a fermé ses portes et l'histoire se poursuit dans les tribunaux.

« Francky Vincent le restaurant C’était un rêve à réaliserAvec un personnel de merde,
Qui l’a foutu dans la merdeFrancky Vincent le restaurant
C’était un rêve à réaliserAvec un personnel à chier,
Qui l’a vraiment trop fait chier. »

En septembre 2003, Francky Vincent ferme les portes du café qu’il avait ouvert six mois plus tôt à Thiais, dans le Val-de-Marne, sans prévenir ses employés. Ces derniers le traduisent alors en justice, avant que le zoukeur français ne leur dédie une chanson grivoise dont lui seul a le secret. Une farce qui fait écho à celle vécue par Florent Malouda et son restaurant, le Colisée, ouvert en octobre 2017 à Luxembourg. Quelques mois plus tard, des problèmes de gestion mettent l’affaire dans le dur, avant que le quotidien L’Essentiel révèle que des salariés ont porté plainte contre la société en charge du restaurant. Pas concerné par cette action en justice, et se considérant lui aussi lésé, Malouda n’a pas tardé à réagir en déposant plainte à son tour. Rien d’inhabituel pour l’ancien international français (80 sélections), toujours aussi habile dans l’art de la contre-attaque.

Rooftop, soirées jazz et béchamel aux truffes

C’est simple : pour monter un restaurant, il faut juste de l’argent. Et les anciens footballeurs qui ont réussi leur carrière en ont. 

Ouvrir un restaurant ne s’avère pas si compliqué, surtout au Luxembourg, pays particulièrement apprécié des chefs d’entreprise. Ce que ne manque pas de confirmer une des personnes ayant contribué à l’ouverture du Colisée : « C’est simple : pour monter un restaurant, il faut juste de l’argent. Et les anciens footballeurs qui ont réussi leur carrière en ont. » C’est cet argent qui permet à Florent Malouda d’investir en janvier 2016 dans la création de la SARL Les Jardins d’Italie, afin d’exploiter un restaurant. Ce sera le Colisée, à Luxembourg. Un établissement composé de trois étages, dont un rooftop donnant sur la place Guillaume-II, là où l’Hôtel de ville et le marché se côtoient chaque mercredi et samedi. « Ce numéro 5 de la rue Chimay a été mythique à la fin des années 90, raconte France Clarinval, journaliste ayant couvert l’histoire pour Paperjam. Avant, il y avait le Club 5, qui était le repère branché et nocturne de la ville. Puis c’est devenu le Color’s, qui a très bien fonctionné. Depuis, plus rien n’a jamais marché. »

En octobre 2017, l’ouverture ne présage pourtant rien de mauvais. Au rez-de-chaussée, une restauration rapide de qualité avec tempuras de gambas marinées à l’anis, croque-monsieur composé d’une béchamel aux truffes, ou encore burger de boeuf, scamorza fumée au thym, légumes grillés et sauce au poivre de Sichuan. À l’étage supérieur, une cuisine méditerranéenne de saison, avec des produits frais du marché, dont de la dorade, de la seiche ou du poulpe grillé. Une cuisine qui plaît aux clients, comme en atteste le commentaire laissé en décembre 2017 sur Tripadvisor par « poussin1965 » : « C’est par hasard que nous sommes rentrés dans ce restaurant qui affichait entre autres des plats méditerranéens, très bon accueil et service impeccable, nous avons pris le menu du jour et n’avons absolument pas regretté, le plat principal était très goûteux et la cuisson bien maîtrisée, le dessert très bon fait maison avec des ingrédients de qualité, accompagné d’un verre de vin du Languedoc tout à fait convenable. Nous avons appris en discutant avec le personnel que le restaurant n’était ouvert que depuis quelques mois, je pense qu’il a un bel avenir devant lui. » Mais après six mois rythmés par la présence hebdomadaire du futur numéro dix du FC Differdange 03, les soirées jazz du jeudi, l’organisation d’un nouvel an haut de gamme, le soufflé va retomber.

La querelle du Lux

 Je préfère les contrats courts, ça me permet de faire des bilans intermédiaires et de conserver une certaine liberté. Si ça ne va pas je m’en vais, si ça va bien je prolonge. 

En 2017, vingt ans après ses débuts professionnels à Châteauroux, Malouda est encore sous contrat avec le club indien du Delhi Dynamos. En janvier, après s’être entretenu physiquement au Luxembourg, il s’engage six petits mois avec le FCD03. « Je préfère les contrats courts, ça me permet de faire des bilans intermédiaires et de conserver une certaine liberté. Si ça ne va pas je m’en vais, si ça va bien je prolonge », explique t-il alors à France Info. Les premiers mois se passent bien, Differdange enchaîne cinq victoires de suite avec Malouda. « Puis on a perdu le derby contre le Progrès Niederkorn, et les reproches ont commencé à venir en interne, raconte Pascal Carzaniga, le coach de l’époque. Quinze jours après, lors d’un match contre le Fola, Florent se blesse au mollet au bout de 30 minutes, on prend un but à la fin et on perd. Le lendemain, on a dit dans la presse que c’était le copain du coach, et que c’est pour ça qu’il jouait. Florent l’a mal pris et du coup, il a arrêté de s’entraîner. » Le président Fabrizio Bei parvient quand même à convaincre le joueur de participer à la demi-finale de Coupe du Luxembourg contre le RFCU, dernière chance pour le club d’être européen. Mais le nouveau coach, Dan Theis, le laisse sur le banc pendant tout le match. À la surprise générale, Differdange s’incline chez club de la capitale (1-0), dont le stade Achille-Hammerel se situe rue Auguste-Lumière, soit à 1,5 kilomètre du Colisée. Un bel endroit pour échouer, donc.

La réalité fait mal pour cet homme qui a joué plus de 200 matchs avec Chelsea : sa légitimité sportive n’est plus si évidente à Differdange, qui ne semble pas vraiment compter sur lui pour la saison suivante. Interrogé par Le Quotidien sur la perspective de voir Malouda remplacer Theis au poste d’entraîneur la saison suivante, Fabrizio Bei préfère alors botter en touche : « Pour l’instant, le coach, c’est Dan Theis. Et il le sera au moins jusqu’à la fin de la saison. Après, on se mettra à table. » Mais à la fin du repas, l’addition est salée pour le patron du FCD03, qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Car en réalité, à son arrivée au Luxembourg, Malouda a signé deux contrats : l’un comme joueur, et l’autre comme entraîneur des jeunes. Le premier n’ayant pas été respecté jusqu’à son terme, et le second jamais exécuté, le joueur attaque le club devant la Commission du statut des joueurs de la FIFA. Il obtient gain de cause en mai 2020, obligeant Differdange à lui verser l’intégralité de ses salaires pour son contrat d’entraîneur, et les salaires restants pour son contrat de joueur. Une victoire partagée avec fierté sur ses réseaux sociaux.

En revanche, le Guyanais reste beaucoup plus discret lorsqu’il s’agit d’évoquer la faillite du Colisée. Pour y voir plus clair, retournons aux fourneaux.

Cauchemar en cuisine

Après des débuts prometteurs, le Colisée bat de l’aile en coulisses. En janvier 2018, le directeur d’exploitation démissionne après un nébuleux désaccord avec la direction. Puis le 5 mai, le gérant technique, qui avait été chargé de recruter le personnel et d’aider dans la maîtrise d’ouvrage, quitte ses fonctions. À partir de là, difficile de savoir qui reprend en main la gestion du restaurant. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’en cuisine, les choses bougent aussi, et l’un des cuisiniers de l’époque, qui souhaite conserver son anonymat, en fait rapidement les frais. « Au bout du troisième mois, il y a eu des retards de salaire. Puis, en juillet, trois nouvelles personnes sont arrivées dans l’entreprise et nous ont été présentées comme les directeurs et chefs de cuisine du restaurant, alors que j’étais encore là. Ils ont commencé à trouver des excuses pour me faire sauter sans préavis. » Rupture de contrat à l’amiable déchirée sous ses yeux, ce salarié est poussé dehors par la nouvelle brigade, avant que la mayonnaise ne continue de tourner. Recrutés auprès de leur ancien employeur, les nouveaux chefs arrivent pour revoir le concept bistronomique du Colisée. « Pour bien gérer le personnel, on avait créé trois identités différentes, relate l’un d’eux, sans souhaiter que son nom soit révélé. Ça avait bien plu à Florent Malouda, il nous avait lancé là-dessus. Il nous avait dit de recruter, c’est pour ça qu’il y a des gens qui sont arrivés. »

 Un après-midi, il est arrivé au restaurant, et il n’a pas voulu reconnaître les employés qui travaillaient dans la société, il a mis tout le monde dehors, et il a changé les serrures. 

Tartines en bas, menus du marché au milieu, et bar en terrasse, l’ouverture est prévue pour fin septembre. Sauf que quelques jours avant, et alors qu’aucun salaire n’a été versé aux nouveaux arrivants, nouvel imbroglio. « Un après-midi, il est arrivé au restaurant, et il n’a pas voulu reconnaître les employés qui travaillaient dans la société, il a mis tout le monde dehors, et il a changé les serrures. » Le Colisée deuxième génération n’ouvrira pas ses portes. Pis, en septembre 2018, Florent Malouda met un terme à son mandat de gérant administratif, et le confie à un nouvel associé, qui récupère 10% des parts sociales de la société en décembre, sans que l’on sache pourquoi. S’en suit alors une troisième réouverture, quelques mois plus tard. Cette fois, les clients peuvent venir manger thaïlandais. Mais comme lors des expériences précédentes, les casseroles ne vont pas chanter longtemps, et le Colisée fermera définitivement ses portes à l’automne 2019. Le 18 mai 2020, le Tribunal d’arrondissement du Luxembourg prononce l’ouverture de la faillite de la société. Fin de l’histoire ? Pas vraiment.

Attaque-défense

Dans un premier temps, plusieurs anciens salariés entament des poursuites judiciaires à l’encontre des Jardins d’Italie, notamment en vue de percevoir les arriérés de salaires qui leur sont dûs. Mais le 13 mars 2020, le jour de l’audience publique qui condamnera la société, personne dans le box des accusés. Une absence que n’a pas de mal à expliquer l’avocat de Florent Malouda. « Il était l’actionnaire du restaurant, ce n’est pas lui qui gérait, ce n’est pas lui qui pouvait licencier quelqu’un. La convocation était adressée à la gestion du restaurant, l’actionnaire n’a jamais été convoqué devant un tribunal. Donc il ne pouvait pas se présenter », justifie Me Gauthier Bouchat. En revanche, certains de ses associés devront s’expliquer puisqu’il vient de déposer des plaintes à l’égard de certaines personnes qui étaient en charge de la gestion du restaurant. L’affaire étant en cours, il ne souhaite pas en dire plus pour le moment, et attend de voir comment les choses vont évoluer. Difficile donc de savoir qui est réellement responsable du fiasco du Colisée. Malouda lui-même, qui a investi dans la société et en était le gérant administratif jusqu’en septembre 2018 ? Les différents associés et gérants techniques qui se sont succédés tout au long de l’aventure ? Ou bien tout ce petit monde à la fois, avec des torts partagés ?

 La vérité c’est que Malouda a une façon étrange de gérer ses affaires. Je pense qu’il est aussi, en partie, mal entouré et mal conseillé, car ce n’est pas une mauvaise personne. 

Selon une source administrative proche du dossier, c’est plutôt la dernière option qui est à retenir. « La vérité, c’est que Malouda a une façon étrange de gérer ses affaires. Je pense qu’il est aussi, en partie, mal entouré et mal conseillé, car ce n’est pas une mauvaise personne. » Un argument étayé par un ancien membre du Colisée : « Quand on s’appelle Florent Malouda, on trouve toujours des gens avec qui faire des affaires. Ça peut être une contrainte, car ça attire forcément un certain nombre de convoitises, de gens qui veulent lui vendre tout et n’importe quoi. » Comme le Kontiki, restaurant au sein duquel il a investi en 2017, à Remire-Montjoly, à douze kilomètres au sud-est de Cayenne. Problème, voilà des années que le lieu est au centre d’un conflit sans fin entre la municipalité et une riveraine. Cette dernière réclame depuis des années la fermeture des lieux, dont le permis de construire est invalide à cause de problèmes d’assainissement. Exploité quelques mois, le restaurant guyanais de l’ancien Lyonnais mettra lui aussi la clé sous la porte. D’après la plaignante, interviewée par France-Guyane, « celui qui a acheté un établissement construit dans l’illégalité s’est fait flouer par le vendeur. Il n’a qu’à se retourner contre ce dernier pour demander la nullité de la vente et récupérer son argent. » Ce coup-ci, aucune offensive de la part de Florent Malouda, trop occupé à éviter que l’histoire du Colisée ne lui colle à peau. L’ancien joueur a une nouvelle fois décidé de contre-attaquer. En attendant de savoir qui va gagner, les salariés lésés attendent toujours d’être indemnisés. Autre problème : personne ne semble se soucier du préjudice causé à poussin1965, qui ne se délectera peut-être plus jamais de tempuras de gambas marinées à l’anis.

National : Très bonnes affaires pour Martigues et Châteauroux

Par Maxime Renaudet

Tous propos recueillis par MR, sauf mentions.

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