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Les Girondins de Bordeaux au bord du dépôt de bilan

Par Pierre Rondeau
Les Girondins de Bordeaux au bord du dépôt de bilan

Une totale infamie. Club historique, aux six titres de champion de France, Bordeaux est à deux doigts de s’écrouler. Officiellement, c’est la crise qui est responsable, avec des recettes exsangues et des pertes qui se cumulent. Officieusement, on accuse l’actionnaire King Street, le fonds d’investissement qui a quitté le navire sans un regard et a abandonné cette équipe rachetée en 2018. Comment en est-on arrivé là ?

L’annonce en a surpris plus d’un. Jeudi, en toute fin d’après-midi, le site officiel des Girondins de Bordeaux publie un communiqué. L’actionnaire majoritaire King Street se retire de la gestion du club, refuse de soutenir, à perte, ses dépenses et conduit les dirigeants girondins à saisir le tribunal de commerce, pour une procédure à l’amiable avec la nomination d’un mandataire ad hoc. Serait-ce le début de la fin ?

Cette procédure est une première étape avant une dissolution probable. Elle vise à trouver des accords entre l’entreprise en difficulté et ses créanciers, à annuler une partie de la dette, voire l’échelonner. Seulement, dans le même temps, en plus d’une contrainte sur la dette, estimée en 2019 à 73 millions d’euros, et qui a certainement dû augmenter depuis la Covid et la faillite de Mediapro, c’est aussi l’abandon de King Street qui inquiète.

Difficulté sur la dette et abandon de l’actionnaire, le double coup de poignard

En effet, si rien n’est fait, il va y avoir défaut sur la dette, qui jusqu’ici était assurée et solvabilisée par l’actionnaire, et fuite en avant du propriétaire. La procédure à l’amiable pourrait rapidement devenir une procédure collective auprès du tribunal de commerce, avec un plan de sauvegarde, voire un plan de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Si cela venait à se réaliser, cela signifierait faillite des Girondins, ré-amateurisation et retour, comme avant eux Le Mans, Grenoble ou Bastia, aux échelons amateurs du National.

Il va falloir aller très vite, trouver une solution pour satisfaire ses créanciers, étaler sa dette et l’échelonner, mais aussi, malgré un contexte sportif catastrophique, avec une équipe aux portes de la relégation, et une conjoncture économique peu rassurante, trouver de nouveaux investisseurs. Ces derniers devront récupérer un club ravagé par ces années de gabegie nord-américaine, avec une direction cataclysmique, comme l’avait rappelé le long reportage du journal L’Équipe, payée à prix d’or, avec « des salaires parisiens voire new-yorkais », « une masse salariale d’une équipe de Ligue des champions » et « un management à la rue, entre l’équipe administrative et l’équipe sportive ».

Qui acceptera de récupérer ce club plus que centenaire et assurera sa survie financière ? Si aucune solution n’est trouvée rapidement, le mandataire nommé par le tribunal de commerce pourrait parfaitement procéder à une mise en faillite. Et il faudra aussi compter sur un droit de regard de la DNCG qui, malgré le changement de son règlement fédéral depuis la crise de la Covid-19 concernant les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire (pour rappel : « aucun club ne pourrait être relégué administrativement sur la saison 2020-2021 »), pourrait sanctionner administrativement l’équipe.

Que va-t-il se passer ?

Plusieurs scénarios se présentent. Le pire : aucune entente ni accord n’est trouvé entre le club et les créanciers, les banques ne suivent pas l’échelonnement de la dette, une procédure de liquidation est entamée, et aucun investisseur ne souhaite reprendre. C’est l’écroulement total et le retour dans les profondeurs sportives amateurs. Face à ce cauchemar, on pourrait néanmoins imaginer, un peu comme à Bastia, la création d’une SCIC (société coopérative à intérêt collectif) qui permettra l’arrivée d’un actionnariat populaire, avec des supporters ou anciens joueurs directement actionnaires des Girondins de Bordeaux. Ensuite, si la procédure à l’amiable trouve une échappatoire, si une partie de la dette est annulée et une autre partie rééchelonnée, et si un nouvel investisseur est trouvé, la section professionnelle du club peut être sauvée. Sauf que là, ça sera à la DNCG de prendre la décision. Et elle aurait jusqu’au mois de juillet pour statuer. On pourrait avoir plusieurs cas de figure.

Soit l’investisseur renfloue les caisses, assure les finances, présente de fortes garanties (le rêve), et l’équipe se maintient en L1, à supposer qu’elle ait obtenu son ticket sur le terrain. Soit l’investisseur n’inspire pas assez confiance et n’apporte pas assez de garanties, la DNCG décide de sanctionner Bordeaux d’une relégation administrative pour la saison 2021-2022 ou, dans une moindre mesure, un maintien en L1 avec une pénalité de 15 points en début de saison. Dans le cas d’une rétrogradation, tous les points gagnés contre les Girondins sont annulés. Ce n’est pas anodin, puisque dans ce cas, actuellement, à la 33e journée, Paris passerait devant Lille au classement. Beaucoup de choses peuvent donc se passer.

Football, qu’est-ce que tu es devenu ?

Mais au-delà, la situation est symptomatique de ce qu’est devenu le football français et le football international, son modèle absurde et déséquilibré, basé sur du néant, sur de l’estimation et de l’espérance. King Street, ce fonds d’investissement américain qui est venu en Gironde dans l’espérance de faire de l’argent, a cru que le système fonctionnait, excité par l’espoir, à l’époque, des droits TV à la hausse apportés par Mediapro, par la folie du trading de joueurs, capable de rapporter, en quelques années, plusieurs centaines de millions d’euros à des clubs comme Lille ou Monaco. Les Américains, comme beaucoup d’autres, ont été aveuglés, obnubilés et n’ont pas pu prendre de décisions rationnelles et pragmatiques.

Résultat, ils vont être à l’origine de la possible disparition d’un club historique en France. Et ailleurs, c’est la même chose. Depuis le début de la crise, la majorité des équipes se déclarent en très grande difficulté financière, et l’éphémère Superligue en est la parfaite démonstration, le modèle actuel n’est pas tenable. Le moindre grain de sable dans les rouages a fait capoter toute la dynamique, rendant fort compliqué l’avenir du ballon rond. Plutôt que d’attendre de voir se cumuler les faillites, il serait temps de changer de paradigme.

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