Le Real au Prado ou chez Vuitton ?
Si l'on juge le potentiel du Real, avec les yeux d'un Laurent Weil face à une superproduction hollywoodienne, alors sûr que le succès sera au rendez-vous, que les effets spéciaux vont en bluffer plus d'un, et que le casting de rêve garantit la qualité de l'oeuvre. Mais si l'on parle d'art ...
On sait déjà comment jouera le Real. Et l’on sait déjà qui jouera, et à quelle place. Feuilletonisé comme jamais une campagne de recrutement ne l’avait été, l’édification de la pièce montée meringuée, de ses différents étages, s’est faite à la lumière des flash et face caméra, seule la petite cuisine financière se réfugiant hors-champ. Reste une question, capitale, à 258 millions d’euros, le prix de la pêche au gros qui a privée de congés estivaux l’équipe dirigeante merengue : la dream team parviendra t-elle à accomplir ce pourquoi Florentino Perez a dévalisé la banque ? Sont exigées, sans marge de manoeuvre : Liga et Ligue des champions. Seul face à ses stars et à la planète, Manuel Pelligrini doit déjà se dire que la vie était douce sous le soleil de Villarreal.
La lettre de mission de l’ingénieur chilien ? Première exigence : faire d’une machine à gagner (invincible ?) une équipe dont la moitié des éléments moteurs ont été renouvelés, une équation à multiples inconnues qu’il devra résoudre sans tarder. Avec Kaka et Ronaldo chargés de donner des tours de rein à la défense adverse, et Raul, Benzema, voire Higuain affectés à la finition du travail, Pellegrini dispose toutefois de quelques certitudes, son effectif regorge de trop de matériaux de luxe pour que l’édifice se liquéfie. Et en cas de jambes lourdes de ses danseuses étoiles, avec Diarra (l’un ou l’autre) et Xabi Alonso dans le rôle des bas de contention, le Real semble paré pour voir venir.
Le deuxième impératif à honorer pour Pellegrini ? Faire du Real la plus grande entreprise de spectacle. Cette demande de beau, de jeu luxuriant, voilà le défi le plus difficile à tenir pour la Dame Blanche et son entraîneur. Qu’il suffise d’une pénétration agrémentée d’une passe décisive de Kaka, d’une frappe venue d’ailleurs de Ronaldo, d’un tour de vice de Raul, ou d’un dribble primé de Rim-K, pour que le Real s’impose sur 80% des terrains, dur d’en douter. Que les produits de luxe fassent oeuvre commune, fusionnent, pour sublimer leur individualité déjà hors-pair dans un collectif de feu, plus dur à réaliser.
Autour de toutes les interrogations : Cristiano Ronaldo et sa place dans l’organigramme pellégrinien. Ce n’est un secret pour personne, depuis sa saison de Ballon d’or, l’éphèbe lusitanien se voit en buteur, plus qu’en milieu offensif ou en bouffeur de craie. Son statut, son prix, commanderait d’ailleurs que l’équipe soit à son entier service, et non pas que l’ex-mancunien soit contraint de se plier aux caractéristiques de ses partenaires. C’est pourtant la voie suggérée par les matches de préparation du Real Globe-Trotter. Devant, le duo Raul-Benzema, avec Higuain en doublure de luxe, squatte l’espace. Pas de place pour Cristiano donc, qui semble condamner à s’adapter. Sauf en cas de sombre tournure des évènements. Pellegrini pourrait alors faire évoluer son schéma vers une solution à trois attaquants, ou à trois milieux, avec Cri-cri en électron libre. On peut aussi miser sur une relégation de la vache sacrée espagnole, ou de la promesse française sur le banc, pour faire grand place à la star portugaise. Mais alors, qui pour occuper son poste au milieu ?
Samedi à 20h, le Real entamera sa saison face à La Corogne, sous un déluge de flashes, et sous les yeux des trois quart du Globe, une moitié qui ne demandera qu’à rêver, et l’autre qui guettera le moindre faux-pas madrilène avec la même jouissance que peut susciter un braquage de bijouterie Place Vendôme. Les vedettes la joueront-elles perso pour briller aux yeux du monde, ou se mettront-elles au service de l’équipe ? De la réponse à cette question, dépendra sans doute le succès de la surproduction madrilène. Car, en Liga comme en Europe, se dressera face à ses ambitions hégémoniques, un Barça vexé de s’être fait voler la vedette pendant le marché d’été, après sa saison superlative. La Guerre des Etoiles tient sans doute son septième épisode.
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