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Le jour où Johan Cruyff a joué avec le PSG

Par Antoine Mestres et Gaspard Manet
Le jour où Johan Cruyff a joué avec le PSG

Au début de l’été 1975, le triple Ballon d’or pose ses valises à Paris et enfile le maillot RTL du PSG. Pour y signer un contrat ? Non, simplement pour y jouer le tournoi de Paris. Sous les huées du Parc des Princes.

Les légendes urbaines ont la peau dure. Ainsi, les supporters du PSG aiment raconter qu’en juin 1975, Johan Cruyff a failli signer au PSG, avant de se rétracter sous la pression des dirigeants du FC Barcelone. « C’est faux, assure fermement Daniel Hechter, président du club à l’époque. Il a simplement disputé le tournoi de Paris avec nous, soit deux matchs, mais il n’a jamais été question d’un transfert. De toute façon, on n’avait absolument pas les moyens de le prendre. » Mais alors, comment le meilleur joueur de l’époque a-t-il atterri dans un club tout juste promu en première division ? « On s’est croisés lors d’un cocktail Adidas, il me connaissait, car il s’habillait en Daniel Hechter à l’époque, détaille le couturier, grand fan du joueur et de l’Ajax Amsterdam, dont il se serait inspiré pour dessiner le maillot du PSG à son arrivée au club en 1973. Puis on est devenu amis. Quand je lui ai demandé de venir renforcer le Paris Saint-Germain à l’occasion du tournoi, il a dit oui immédiatement. » Pour la forme, il en touche deux mots à l’entraîneur parisien, Just Fontaine, qui n’a pas oublié le coup de folie de son patron : « Hechter m’a dit : « Je peux avoir Cruyff, ça t’intéresse ? »,je lui ai répondu : « Évidemment. » » Et le Barça dans tout ça? « Il en a fait son affaire, tout était moins compliqué à l’époque. Je n’avais pas payé pour qu’il vienne, je l’ai juste habillé pour le remercier, car c’était mon métier » , résume Daniel Hechter. Et voilà le beau Johan Cruyff qui débarque à Saint-Germain-en-Laye quelques jours avant le tournoi. En pleine partie de cartes. « On prenait la collation, on jouait au tarot et il s’est installé entre nous, l’air de rien, sourit Dominique Lokoli, défenseur parisien à l’époque. Au moins, aujourd’hui, je peux dire que je l’ai vu en vrai. »

Belmondo, Dahleb et la photo souvenir

Le Paris Saint-Germain est alors un club jeune – fondé officiellement cinq ans auparavant – avec une ambition mesurée. « Tout le monde était sceptique et nous regardait d’un œil interrogateur. On ne visait pas plus haut que la dixième place » , rappelle l’immense Mustapha Dahleb. De fait, pour trouver des stars, il faut traîner dans les couloirs du Parc. Après les matchs, Roger Hanin et Jean-Paul Belmondo passent saluer les joueurs pendant que Just Fontaine fume le cigare avec Enrico Macias. Alors, pour remplir les travées d’un Parc des Princes rénové, Daniel Hechter relance le tournoi de Paris, un évènement abandonné par le RC Paris et le Paris FC en 1973. « Fluminense, Valence… Le gratin du football mondial se réunissait. Le but était de finir la saison sur une note agréable » , resitue Éric Renaut, milieu de terrain. Et de remplir les caisses, comme le confesse Daniel Hechter : « À l’époque, le PSG n’avait pas de subventions, j’organisais ce tournoi pour récolter des fonds. »

On prenait la collation, on jouait au tarot et Johan Cruyff s’est installé entre nous, l’air de rien.

En plus de Johan Cruyff, le dirigeant convainc Dragan Džajić, star de l’Étoile rouge de Belgrade et capitaine de la Yougoslavie – transféré à Bastia pendant l’été 1975 – de rejoindre les rangs du club de la capitale. Le mardi 17 juin, les deux légendes s’assoient dans le vestiaire entre des joueurs lambda qui ne savent comment réagir : « Quand tu te retrouves à côté de ces mecs, il ne faut pas verser dans le fanatisme. J’ai évité de demander un autographe ou une photo » , raconte le défenseur Jean-Marc Pilorget. L’attaquant François Brisson assume quant à lui son statut de groupie : « Je venais d’arriver dans le groupe pro, j’étais jeune, je suis allé directement demander à Cruyff un autographe. » Pour Éric Renaut, ce sera la formule « photo souvenir avec Džajić et Cruyff » . Un cliché qui trône toujours fièrement chez lui, trente ans plus tard.

« Je n’ai pas osé le tutoyer »

Pour le premier match face au Sporting Portugal, le Parc est à moitié vide. Johan Cruyff joue devant, en compagnie de Jean-Pierre Dogliani, avec qui il cultive une ressemblance physique aussi étrange qu’étonnante. Sur le terrain, Cruyff surnage et fait vite étalage de toute sa classe. Cinquième minute : le Hollandais déborde côté gauche et centre de l’extérieur du droit pour le Congolais François M’Pelé. Cafouillage dans la surface, Renaut rôde dans le coin, but ! « 99 % des joueurs auraient crocheté pour chercher l’intérieur de leur pied droit, pas lui » , concède le buteur. Sur le banc, Just Fontaine est presque gêné : « Je lui ai dit : « Jouez comme vous voulez, où vous voulez. » Je n’ai même pas osé le tutoyer. » Alors Cruyff dirige les autres. « On ne pouvait pas se parler, il nous plaçait avec les mains » , se remémore Lokoli. « Il venait chercher le ballon très bas, il le demandait sans arrêt » , rigole Renaut, placé devant la défense. Victoire 3-1 du PSG, et direction la finale contre le FC Valence devant 40 000 personnes. Pourtant, face aux Espagnols, le jeudi 19 juin, Cruyff déjoue. La réaction du Parc des Princes ne se fait pas attendre : les sifflets sont nourris. « J’avais trouvé ça scandaleux, s’indigne Renaut. Il se faisait huer à chaque touche de balle. » Le PSG s’incline 1-0 sur un but de Juan Bautista Planelles. Grand seigneur, Cruyff s’excuse : « Je suis désolé, je suis fatigué car j’ai connu une saison difficile. Il y a un mois, j’ai même dû m’aliter. Je n’avais pas assez d’entraînement et je n’ai tenu qu’un match. » Après une soirée de clôture à l’hôtel Concorde La Fayette, porte Maillot, le triple vainqueur de la Coupe des clubs champions rentre en Catalogne. Fin de l’histoire. Cruyff n’a donc jamais signé au PSG. Ni même failli. De toute manière, le Parc des Princes n’était visiblement pas prêt pour ça.

Cet article est paru initialement dans le magazine SO FOOT #128. Découvrez toutes nos offres d’abonnement à SO FOOT, à partir de 20 euros par an.

Par Antoine Mestres et Gaspard Manet

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