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Le Barça et le Real Madrid, vraiment des clubs franquistes ?

Par Léna Bernard

Le FC Barcelone et le Real Madrid ont rouvert les pages les plus sombres de l'histoire espagnole en s'accusant mutuellement d'avoir des accointances avec la dictature franquiste (1939-1975). Entre révisionnisme historique et faits, la ligne est très fine.

Le Barça et le Real Madrid, vraiment des clubs franquistes ?

Quelques jours après leur opposition en demi-finales de Coupe du Roi, les deux mastodontes du football espagnol ont décidé d’en découdre encore, cette fois-ci sur un terrain bien moins glorieux que le rectangle vert. Les accusations portées par Joan Laporta (« Le Real est le club du régime ») suivies de la vidéo éditée par le Real Madrid ce lundi 17 avril ont le mérite de confirmer une chose : le devoir de mémoire de la période franquiste n’a jamais été réalisé correctement en Espagne. En réaction à ce tweet du Real Madrid, le gouvernement catalan a dénoncé « une fake news indécente ». Dès lors, une contextualisation des événements s’impose.

Le Barça, un club avec des accointances franquistes ?

Le Real Madrid accuse donc le Barça d’avoir également été un club en phase avec le franquisme pour divers motifs, véridiques ou non. Une accusation qui ne passe pas côté catalan. La Catalogne a particulièrement été victime de la répression franquiste tout au long de la dictature. En effet, le franquisme a ciblé les minorités culturelles et leurs symboles, dont le FC Barcelone, considéré comme un club « rouge » et « séparatiste ». Le Barça a vu son nom être « espagnolisé » passant de « Football Club Barcelona » à « Club de Fútbol Barcelona » en 1940 et a vu son blason changer, le drapeau catalan (quatre bandes rouges verticales) étant remplacé par un écusson comportant uniquement deux bandes rouges verticales, symbole de l’Espagne.

Le fait que José Solis Ruiz, membre du gouvernement, soit présent lors de l’inauguration du Camp Nou a été pointé du doigt. Cela semble toutefois logique que lors d’un événement public, un représentant étatique soit présent, comme le rapportent Salva Torres et Frederic Porta dans leur œuvre Barça I Catalunya Temps de foscor (1936-1961) : « Dans le comité organisateur de la fête d’inauguration (du stade, NDLR), Nicolau Casaus va se charger de l’organisation des événements […] sous la présidence du ministre Solis Ruiz en tant que plus haute autorité du régime. »

Franco aurait également été décoré par le Barça à trois reprises. Cependant aucune trace écrite de ces décorations n’existe dans la documentation officielle du club comme le révèle Manuel Tomas, responsable du centre d’études et d’informations du FC Barcelone, et Frederic Porta, journaliste, dans leur œuvre El Barça inédito. Le président de l’entité blaugrana Agusti Montal aurait donné à Franco l’insigne d’or et de brillants de sa boutonnière, une décoration transmise « sans accord du conseil d’administration ni preuve photographique ». Ces derniers ont toutefois expliqué que « lors de la réunion du conseil d’administration du 11 octobre, il a été convenu de remettre au président Montal un nouvel insigne en or et en brillants, rétablissant ainsi celui qu’il avait si généreusement offert à Franco ». Comme rapporté par le journal catalan La Vanguardia, la seconde décoration aurait eu lieu le 13 octobre 1971 afin de remercier le régime pour sa collaboration dans la construction d’un nouvel édifice sportif pour le Barça. Encore une fois, les procès-verbaux du FC Barcelone de l’époque ne font état d’aucune délibération du conseil d’administration ni de l’attribution d’aucune de ces distinctions. La troisième décoration aurait été remise lors du 75e anniversaire du club catalan. Là encore, rien n’a été retrouvé. Cette absence de preuve a entravé le retrait de ces décorations à titre posthume à Franco. Le club a finalement procédé à ce retrait en octobre 2019, 44 ans après la mort du dictateur.

Cependant, l’hérésie de la vidéo postée par le Real Madrid reste l’affirmation que Franco aurait sauvé trois fois le club de la faillite, des faits qui ne sont aujourd’hui pas avérés. Josep Solé I Sabaté, historien spécialiste de la guerre civile espagnole et de l’après-guerre, est catégorique : Franco n’a pas évité la faillite à trois reprises au Barça. « Ce n’est pas vrai en ce qui concerne la faillite. La seule mesure prise par le Conseil des ministres de Franco a été d’autoriser le réaménagement de l’ancien stade des Corts neuf ans après l’inauguration du Camp Nou, indique l’historien. Grâce à l’amélioration économique du Barça, les dirigeants ont décidé de construire le Camp Nou, ce qui a entraîné une situation économique terrible pour le club par la suite. » Des faits étayés par Salva Torres, professeur et vice-président de la Fédération des Penyes du FCB, et Frederic Porta dans leur œuvre Barça I Catalunya Temps de foscor (1936-1961) : « Le club était sur le point de faire faillite. Pour ne pas sombrer, les autorités n’ont requalifié l’ancien terrain de Les Corts que des années plus tard, et la vente n’interviendra qu’en 1966, alors que le club était sous l’eau depuis des années. » Un processus dont ont bénéficié de nombreux autres clubs espagnols à la même époque selon Josep Solé I Sabaté. Les deux autres faillites avancées par le Real Madrid dans sa vidéo n’ont pas été avérées.

Le Real Madrid, franquiste par excellence ?

Dans la vidéo de quatre minutes postée par le Real Madrid, l’argumentaire de sa supposée non-affiliation au franquisme est avant tout sportif : la Casa Blanca a dû attendre quinze ans avant de remporter sa première Liga sous Franco. Une vérité qui est avant tout due à la faiblesse de l’effectif merengue. Le Real Madrid à l’aube de la dictature franquiste était loin d’être un grand d’Espagne, les meilleures équipes espagnoles étant alors le FC Barcelone et l’Athletic Bilbao. Le Real Madrid deviendra un club d’ampleur avec l’arrivée à sa tête de Santiago Bernabéu, nationaliste engagé dans les troupes franquistes lors de la Guerre civile espagnole (1936-1939).

Le Real Madrid s’appuie également sur le fait que le club a été dissous pendant la guerre civile, un fait établi qui précède cependant la dictature franquiste. Des joueurs madrilènes sont morts durant le conflit ou ont été poussés à l’exil, tout comme leurs homologues barcelonais. Le président du Barça en 1936, Josep Sunyol, a été fusillé par les troupes franquistes, car président du club et membre du parti républicain Esquerra Republicana Catalana, un parti catalan de centre gauche.

Le véritable tournant pour le Real interviendra au milieu des années 1950, lors de la création de la Coupe des clubs champions par le journal français L’Équipe. Le Real remportera les cinq premières éditions de la compétition. À partir de la création de cette compétition, à laquelle seul le vainqueur du championnat national peut participer, le Real Madrid remportera la Liga à treize reprises en dix-neuf ans avant la mort du Caudillo en 1975. Le Barça avait initialement été invité à rejoindre la compétition dès sa création, une offre que le club catalan avait déclinée.

Francisco Franco n’était pas spécialement intéressé par le football. Le pouvoir politique se contentait de verrouiller les instances sportives et de placer à la tête des clubs de football des personnes favorables au franquisme, que ce soit du côté du FC Barcelone ou du Real Madrid, comme le confirme Xavier Garcia Luqué, journaliste à La Vanguardia et auteur du livre El Barça segrestat, ouvrage majeur sur les premières années du FC Barcelone sous le franquisme : « Les dirigeants des années 1940, 1950, 1960 étaient des membres de la bourgeoisie catalane plus soucieux de ne pas voir leurs affaires privées lésées et, dans certains cas, des directeurs ouvertement pro-franquistes. Le président était nommé par les autorités franquistes, puis voté par quelques membres et toujours parmi des candidats préalablement approuvés par le régime. » Le Real Madrid s’est donc transformé en émissaire sportif à l’international pour tenter de sortir l’Espagne de son isolationnisme. Véritable régime autarcique, le régime franquiste s’est servi du football et du Real Madrid non pas à des fins idéologiques, mais pour les relations diplomatiques que le club pouvait engendrer, comme l’explique Paul Dietschy, historien spécialisé dans le sport, dans sa bible Histoire du football : « Le football était utilisé à des fins de divertissement et de politique étrangère. » Le calendrier a beau nous abreuver de Real-Barça chaque saison, c’est bien celui qui n’était pas prévu dans le calendrier qui est en train de faire le plus de boucan.

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Par Léna Bernard

Propos recueillis par LB, sauf mentions

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