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Lars Lagerbäck : « Gylfi Sigurdsson est un joueur de classe mondiale »

Propos recueillis par Paul Piquard
Lars Lagerbäck : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Gylfi Sigurdsson est un joueur de classe mondiale<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Nouvel entraîneur d'une Islande qui flambe - malgré la dernière défaite en amical contre la Belgique - Lars Lagerbäck explique ce renouveau de ce petit pays. Mais parle aussi Afrique, Zlatan et Henrik Larsson.

Depuis le début des éliminatoires, vous en êtes à trois victoires, un seul but concédé pour 8 marqués, battant au passage les Pays-Bas. Diriez-vous que votre équipe a franchi un premier palier vers la maturité ?

Certainement. Depuis les derniers éliminatoires que nous avons disputés, nous franchissons plusieurs paliers. Nous avons eu une longue semaine d’entraînement avant le match contre la Turquie (victoire 3-0, ndlr), et je crois qu’ils ont encore franchi des paliers supplémentaires. Nous avons pris un joueur des Espoirs (Jón Dadi Bödvarsson, ndlr) qui réussit très bien pour l’instant. Mais tout l’effectif s’est développé. Je suis très heureux de l’organisation de l’équipe, aussi bien offensivement que défensivement.

D’un point de vue personnel, comment travaillez-vous ? Christian Gourcuff, par exemple, est sélectionneur de l’Algérie, mais vit toujours en France. Vous vivez en Suède ou en Islande ?

Les deux. Je passe du temps dans les deux pays. Je suis en Islande au moins une fois par mois, parfois un peu plus. Souvent, j’essaie d’être ici deux semaines par mois.

Et comment sélectionnez-vous vos joueurs ? Parce que le championnat local n’est pas réputé pour son niveau. Vous avez une grosse équipe d’émissaires ?

Je travaille principalement avec mon assistant. Nous avons un émissaire qui regarde surtout les matchs de nos adversaires. Mais j’ai la chance d’avoir un gros réseau dans pas mal de pays donc je consulte mes contacts très souvent. Mais j’essaie surtout d’aller voir mes joueurs au maximum. Nous travaillons essentiellement sur des vidéos. La Fédération n’est pas la plus riche donc je ne peux pas me déplacer autant qu’avant. Mais nous avons un groupe de 30 à 45 joueurs que nous suivons de très près. Et je pense avoir une très bonne idée du niveau de chacun d’eux.

Depuis 1999, l’Islande a beaucoup investi dans le football, en développant notamment les complexes indoor et l’éducation des coachs. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces modifications structurelles ?

Comme vous le savez, c’est un petit pays. Si vous commencez par former des entraîneurs de bonne qualité, vous prenez un bon départ. Je crois que la Fédération s’en est rendu compte. Aujourd’hui, toutes les équipes de jeunes dans les clubs ont des coachs éduqués. De plus, ils ont mis en place des terrains de grande taille couverts. Donc les joueurs peuvent pratiquer toute la journée, la nuit, durant toute l’année. Mais d’un autre côté, la majorité des joueurs de l’équipe nationale a quitté le pays très jeune. La plupart sont partis lorsqu’ils avaient seize ou dix-sept ans. Mais pour commencer le football, ces terrains couverts rendent la vie beaucoup plus facile.

D’un point de vue culturel justement, le football devient-il de plus en plus populaire chez les plus jeunes ?

Oui, en matière de joueurs, il y a déjà beaucoup plus de jeunes qui jouent au foot qu’au handball, qui a longtemps été le sport le plus populaire ici. C’est également le cas pour les spectateurs, et les téléspectateurs. De plus en plus de gens s’intéressent au football.

Vous avez été sélectionneur de la Suède pendant de nombreuses années. Comment est-ce que vous adaptez vos entraînements aux périodes de grand froid ?

Les clubs ont tous des terrains couverts. Donc l’hiver, ils s’entraînent tous en indoor. Mais ils ont aussi mis en place un championnat d’hiver. Le championnat d’été est évidemment plutôt court. De janvier à mars, ils jouent le championnat d’hiver, en indoor. Donc, si vous comparez avec la Suède par exemple, ils ont une saison compétitive plus longue ici, en Islande. Les deux championnats sont séparés en revanche. Cela marche vraiment bien. À la fois l’éducation des coachs, et la manière de s’entraîner et de développer le potentiel des joueurs qui a parfaitement évolué.
Contre les Pays-Bas, nous voulions étouffer Robben dès sa première prise de balle

Lors de votre victoire face aux Pays-Bas, votre équipe a semblé dégager une impressionnante force collective. Vous devez être ravi du résultat, sachant que mis à part Gylfi Sigurdsson et Kolbeinn Sigtórsson, peu de joueurs sont très connus à l’étranger.

Bien sûr. Nous sommes principalement une équipe très bien organisée et tout le monde travaille très dur pour l’équipe. Cela, c’est la base. Vous pouvez avoir de très bonnes qualités individuelles, mais vous n’arriverez à rien si vous ne travaillez pas en équipe. Mais nous avons d’autres excellents joueurs. Même si le championnat et les clubs ne sont pas excellents, nous avons un joueur au Hellas Verone (Emil Hallfredsson, ndlr) qui réalise de très bonnes performances. Notre capitaine (Aron Einar Gunnarsson, ndlr) joue à Cardiff et a disputé la Premier League la saison passée. Bien sûr, ils ne sont pas dans les top clubs, dans les meilleurs championnats, mais ils ont un très bon niveau. Si vous comparez avec les Pays-Bas ou la France, nous n’avons pas autant de talents individuels et nous n’avons pas autant de joueurs du même calibre qu’eux, c’est vrai.

Pour revenir à ce match contre les Pays-Bas, aviez-vous établi un plan tactique particulier, considérant la force de frappe des Hollandais ?

Nous n’avions pas beaucoup modifié la défense. Mais lorsque vous rencontrez une équipe aussi forte que les Pays-Bas, il faut s’adapter. J’avais demandé à l’un de nos attaquants de redescendre en phase défensive, afin de gêner la relance de leur milieu. C’est quelque chose que vous n’êtes pas obligé de faire lorsque vous affrontez des équipes plus faibles, avec tout le respect que j’ai pour nos adversaires. Nous voulions également étouffer Robben dès sa première prise de balle, donc nous nous étions préparés à cela. Le milieu central, l’ailier et le latéral gauche s’étaient préparés à cela. Nous essayions de le déporter au maximum afin qu’il ne puisse pas repiquer.

Selon vous, le niveau global du football islandais se rapproche-t-il du football suédois ?

Le pays est très petit. Avec tout le respect que j’ai pour les footballeurs islandais, nous ne pouvons pas nous permettre de nous passer des meilleurs Islandais car, après, la qualité des joueurs baisse. Mais si vous prenez notre équipe type, disons 20 joueurs, je pense que le niveau de l’effectif est comparable à celui de la Suède actuellement. Ils ont peut-être un réservoir de joueurs plus important, mais si vous regardez nos quatre ou cinq meilleurs joueurs et que vous excluez Zlatan, nous sommes au même niveau en matière de qualités individuelles et collectives.

Vous avez une sorte de « génération dorée » entre vos mains ?

Nous avons particulièrement un groupe de joueurs très jeunes. D’ailleurs, les Espoirs se sont qualifiés en 2011 pour la première fois à un Euro. Nous avons donc un groupe de 5 ou 6 joueurs de cette équipe qui sont montés chez les A. Ils ont joué ensemble avec les Espoirs donc ils se connaissent très bien, à la fois sur et en dehors des terrains. Mais ils ont également acquis une bonne expérience sur la scène internationale avec les Espoirs, ce qui est très bénéfique. Tous ces joueurs ont rejoint de bons clubs et jouent régulièrement, ce qui est très important pour moi.

Vous avez également été à la tête de la sélection nigériane. Quel est votre point de vue sur le football africain ? Pensez-vous qu’une équipe africaine parviendra à se hisser en demi-finale, voire au-dessus, en Coupe du monde ?

De mon expérience au Nigeria, je retiens que sur un plan individuel, les joueurs n’ont rien à envier aux meilleurs. Le problème là-bas est bien plus structurel. Il y a beaucoup d’ingérence gouvernementale, des dirigeants de la Fédération nationale. Tout le monde s’en mêle. L’environnement doit être bien plus apaisé et plus structuré. Il y a évidemment des possibilités, mais ils doivent changer tout cela. Les joueurs ne sont pas assez encadrés. Je crois qu’ils peuvent gagner une Coupe du monde même si je ne vois pas un pays africain remporter la prochaine. Il y a encore trop de choses à changer.

Raymond Verheijen, qui a travaillé avec Guus Hiddink et Louis van Gaal, nous disait qu’il y avait également des manques sur le plan tactique. Vous confirmez ?

Il y a des différences culturelles. Les gens pensent plus à leur survie individuelle. C’est la même chose pour les joueurs. Les joueurs veulent tous être le numéro 1, tout le temps. Cela doit changer s’ils veulent gagner.
Zlatan a montré qu’il était unique, avec Ronaldo, Messi et quelques autres

Vous avez donné à Zlatan Ibrahimović sa première sélection et vous l’avez vu progresser au cours des dernières années. Comment vous souvenez-vous du jeune Zlatan ?

La première fois que je l’ai vu, je m’étais rendu à Malmö car je connaissais très bien l’entraîneur qui était en place à l’époque. Il m’a dit qu’ils avaient un jeune joueur très talentueux. Donc je l’ai vu lorsqu’il avait 17 ans et qu’il s’entraînait avec l’équipe A pour les premières fois. Je voyais qu’il avait beaucoup de potentiel, mais vous ne savez jamais ce qui peut se passer dans le football, surtout quand les joueurs sont aussi jeunes. Mais vous pouviez bien évidemment voir qu’il avait du potentiel.

Il avait déjà la même attitude de vainqueur, le même charisme qu’aujourd’hui ?

Quand j’ai appris à le connaître un peu mieux et qu’il a intégré l’équipe nationale, vous pouviez voir qu’il avait envie de réussir. Au début, il était calme et silencieux mais, rapidement, il a montré qu’il voulait être le numéro 1, le meilleur de tous. Sa force mentale est surtout exceptionnelle, même comparée à celles de joueurs très forts dans leur tête (rires) ! Cette envie de réussir, d’être le meilleur, est si forte et présente à l’intérieur de lui-même. La plupart des joueurs que j’ai eu le privilège d’entraîner, qui ont été dans des clubs internationaux, comme Henrik Larsson, ont aussi cette envie, mais elle s’exprime de différentes manières, en fonction de leurs personnalités. Zlatan a une personnalité très forte. Je l’ai senti très rapidement, dès que je l’ai intégré à l’équipe nationale.

Vous pouviez imaginer la dimension qu’il prendrait ?

J’ai vu qu’il avait du potentiel, mais si vous m’aviez demandé lorsqu’il avait 21 ans, je vous aurais dit qu’il avait les qualités pour devenir un joueur international de top niveau. Désormais, il a montré qu’il était unique, avec Ronaldo, Messi et quelques autres. Si vous m’aviez posé la question à l’époque, je n’aurais pas pu vous dire « oui » ou « non. » Il avait l’envie et la détermination à l’époque, les aptitudes techniques évidemment. Donc j’aurais dit que c’était possible, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer en football. La carrière qu’il a eue en club, remportant tous ces trophées, a aussi fait de lui une des plus grandes stars du football.

Vous avez actuellement un joueur que vous voyez progresser sensiblement au cours des prochaines années ?

Si vous prenez Gylfi (Sigurdsson, ndlr), pour moi, c’est un joueur de classe mondiale. Il est spécial, très bon des deux pieds, très intelligent sur le terrain et également endurant. Donc si vous me demandez un milieu, je dirais que Gylfi est absolument un joueur de classe mondiale. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de milieux qui soient aussi forts que lui à la fois offensivement et défensivement. Mais ce n’est pas forcément ce que les meilleurs clubs recherchent… J’étais extrêmement surpris de voir que Tottenham ne lui faisait pas confiance. Pour moi, c’est un joueur en or à avoir dans son équipe. Il lit le jeu parfaitement. C’est déjà un très bon joueur, mais s’il continue, il fera partie des tout meilleurs.

Si vous deviez me donner votre meilleur souvenir en tant qu’entraîneur ?

Notre qualification pour le Mondial 2002. Lorsque nous avons retournés le score pour nous imposer face à la Turquie (1-2). Un moment merveilleux. Un autre souvenir marquant est notre match face au Paraguay en 2006 à Berlin. Il y avait tellement de supporters suédois, au moins 50 000. Nous avons gagné également, à la 87e minute je crois. C’est le genre de moment où vous avez plein de sentiments qui se mêlent. C’est très spécial. Je pense que ce sont mes deux moments les plus marquants.

Vous n’allez peut-être pas vouloir le dire, mais si vous vous qualifiez pour l’Euro 2016, cela rentrera dans votre panthéon personnel, non ?

(Rires) Oui, absolument ! Évidemment que ce serait quelque chose de spécial de qualifier un petit pays qui n’a jamais disputé de phase finale. Si je pouvais faire cela, pour moi, mais surtout pour les joueurs, qui ont une attitude irréprochable, et pour ce pays, ce serait vraiment très spécial.

Pour terminer, donnez-moi le but le plus fou auquel vous ayez assisté depuis un banc de touche.

Zlatan a évidemment marqué les buts les plus esthétiques. Sa talonnade contre l’Italie en 2004 était vraiment fantastique, mais l’un de mes préférés est la tête plongeante d’Henrik Larsson face à la Bulgarie, lors de notre premier match à l’Euro 2004.

Propos recueillis par Paul Piquard

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