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  • Racisme en Italie

« La différence n’existe pas », par Mario Balotelli

Par Mario Balotelli
5 minutes
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La différence n’existe pas<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>», par Mario Balotelli

Kalidou Koulibaly a été victime de cris et chants racistes lors du match opposant l'Inter à Naples ce mercredi. Un problème qui revient régulièrement dans les stades de foot. Dans le numéro 155 de SO FOOT, entièrement écrit par des footballeurs pour fêter les 15 ans du magazine, Mario Balotelli avait publié un texte pour adresser un énième message à la connerie humaine : basta cosi.

Les Italiens ont été, historiquement, un peuple d’émigrants. L’habitude d’accepter ceux qui viennent de l’extérieur leur arrivera naturellement, avec le temps. Voilà ce que les racistes voudraient m’entendre dire. Mais non. La bonne formule est une autre : NOUS, Italiens, AVONS ÉTÉ, un peuple d’émigrants. L’habitude d’accepter ceux qui viennent de l’extérieur NOUS arrivera naturellement, avec le temps.

Les mots en majuscule ne changent pas seulement la forme, mais surtout la substance du concept à exprimer. Dans certains stades, on me criait : « Il n’y a pas de noirs italiens » , mais je suis la preuve du contraire. Bien qu’italien à tous les effets, je ne le suis devenu pour la loi qu’au moment de ma dix-huitième année. Cela a parfois été difficile, et je souffrais. Je souffrais en tant que footballeur, car jusqu’à mes 18 ans, je n’ai jamais pu défendre les couleurs de l’Italie dans les sélections de jeunes. Je souffrais en tant qu’être humain, car même si je suis italien à cent pour cent, né à Palerme de parents ghanéens, puis adopté par une famille italienne, tout le monde ne s’en rendait pas compte, surtout quand j’étais plus petit. La loi que nous avons en Italie est mauvaise, peut-être est-ce pour cette raison qu’aujourd’hui encore, certains voient le noir comme la couleur de la différence, du moins bien, de la tache au milieu de la photo d’équipe.

On me criait : « Il n’y a pas de noirs italiens« , mais je suis la preuve du contraire.

J’ai déménagé très jeune à Concesio, dans la province de Brescia, où je vivais avec mes parents adoptifs. Il m’est arrivé qu’à l’école, des enfants ne veuillent pas que je joue au ballon avec eux, ou bien qu’ils m’accusent de choses que je n’avais pas faites. J’avais déjà un caractère exubérant, mais surtout, je n’avais pas le même visage qu’eux. J’étais, je suis, plus sombre. Les enfants ne pouvaient pas être racistes, mais ils entendaient probablement certains discours chez eux. Là, ils s’appropriaient ce discours, sans en comprendre le sens, vu leur âge. Je pleurais, parfois je m’énervais vraiment, je le disais à maman qui m’embrassait, je le disais à papa qui répondait, en souriant : « Mario, laisse tomber. » Mais toujours laisser tomber est très difficile.

Plus grand, on m’a jeté un sac de bananes lors d’un moment de détente avec les moins de 21 ans, devant un bar de Rome. Quand je m’entraînais à Coverciano (Clairefontaine italien, N.D.L.R.), avec les A, on m’a crié « nègre de merde » depuis l’extérieur du terrain. Les cris de singe m’ont accompagné dans plusieurs stades où j’ai joué… Une fois, sur le lac de Garde, des jeunes sont montés dans un bus en criant : « Négro, tu nous dégoûtes, rentre chez toi. » En réalité, eux étaient égarés, pas moi. Égarés, et fous.

Le changement est aux mains des nouvelles générations. Il faut leur apprendre que nous sommes tous égaux, malgré les apparentes différences. Puis mes enfants, Pia et Lion, raconteront ça à mes petits-enfants, et les futures générations iront mieux que nous, ça oui.

Bien sûr, si j’avais été blanc, j’aurais eu moins de problèmes. Est-ce que j’aurais fait quelques bêtises de trop ? Peut-être que oui. Est-ce que j’aurais eu des comportements déplacés sur des terrains de foot ? Peut-être que oui. Est-ce qu’on m’aurait tout pardonné plus vite ? Sans aucun doute. L’Italie n’est pas un pays raciste, mais il y a des racistes. La France n’est pas un pays raciste, mais il y a des racistes. Dans chaque pays du monde, ceux qui ont une pensée pourrie existent. Le devoir de tout le monde est de ridiculiser cette façon de penser moyenâgeuse qui ne peut plus exister en 2018.

Récemment, des élections ont eu lieu en Italie. La Lega, un parti pas vraiment inattaquable du point de vue du racisme, a fait élire un sénateur noir, Tony Iwobi. Je me suis mis en colère parce que cela me semble être une défaite : ce monsieur a été utilisé sans s’en rendre compte. Son élection avec ce parti politique précis a permis au chef de ce groupe de dire : « Vous voyez, il existe des noirs italiens qui pensent comme nous. » La bonne façon de penser serait plutôt : il existe des noirs italiens. Point. Et celle encore plus juste : il existe des Italiens. Stop. S’il avait été élu avec n’importe quel autre parti, rien à dire, mais il ne faut pas faire passer ce sénateur pour une exception, sinon nous repartirions encore de zéro.

Je veux conclure par une anecdote que m’a racontée un journaliste italien qui suit la sélection, Alessandro Alciato. Son fils, à la crèche, était inscrit dans une classe multiethnique. Après son premier jour de classe, il essayait de décrire un camarade avec qui il avait joué, mais dont il ne se souvenait plus du prénom : « Papa, c’est celui qui avait les chaussures roses, un pantalon de survêtement gris, une veste moitié blanche et moitié grise. Mais si, celui qui aime bien jouer aux Lego et qui hier, au goûter, a mangé du pain avec du Nutella. » Le fils du journaliste avait la peau blanche, son ami, noire. Il ne s’est pas rendu compte de la différence, parce qu’il ne la voyait pas. Car il n’existe pas de différence.

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Par Mario Balotelli

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